Clément Chéroux : « Sortir des frontières européennes ou américaines »

L’enjeu était de rendre hommage à la programmation remarquable qu’Agnès Sire, rejointe ensuite par François Hébel, a porté pendant vingt ans. La Fondation a été la première à faire une exposition Saul Leiter, Jim Goldberg, Guy Tillim, qui, aujourd’hui, sont des grandes figures de la photographie contemporaine. L’affichage dans des stations de métro et du RER [visible jusqu’au 6 décembre] témoigne de cette programmation. En particulier la station Hôtel-de-Ville qui revient sur vingt ans d’expositions au travers d’une image par photographe et d’un commentaire de son auteur sur la photographie. Ce déroulé devient ainsi une petite histoire de la photographie. Nous avons aussi souhaité qu’Henri Cartier-Bresson et Martine Franck soient présents à la Fondation à travers une quinzaine de photographies qui dialoguent entre elles.

C’est une question de temps : je suis arrivé en décembre, c’était un peu difficile de prévoir une exposition dans un calendrier aux créneaux déjà pris. Pour Cartier-Bresson, nous venons de montrer « L’autre couronnement » et nous travaillons sur d’autres projets, ici et hors les murs, mais également à une nouvelle rétrospective sur Martine Franck. Car il y a un enjeu sur son œuvre dont on n’a vu qu’une petite partie. Dans les années qui viennent, il y aura d’ailleurs autant d’expositions Martine Franck que d’expositions Cartier-Bresson. Ce qui est important, c’est que leurs œuvres restent une langue vivante. Ce qui suppose d’être en permanence en train de les réexplorer, réenvisager et de faire appel à de nouveaux chercheurs.

En France on a beaucoup vu d’expositions Cartier-Bresson ; il me semble plus important aujourd’hui d’aller en profondeur sur une partie de l’œuvre. Nous l’avons fait avec l’exposition « L’autre couronnement » [été 2023] ou en éditant un livre rassemblant 41 entretiens d’Henri Cartier-Bresson menés entre 1954 et 2003 (1). Ou encore au travers de la série de capsules vidéo que nous venons de lancer sur notre site Internet et qui est consacrée au décryptage d’une icône de Cartier-Bresson ou de Martine Franck. Le rôle du site est très important : avec nos deux espaces d’exposition, il est notre troisième lieu.

Quand Martine Franck, Cartier-Bresson et leur fille Mélanie ont créé la Fondation, il était clair qu’elle n’était pas uniquement destinée à montrer leurs œuvres. Elle avait pour ambition d’exposer aussi la photographie contemporaine. Il s’agit de continuer de manière plus élargie en sortant des frontières européennes ou américaines. J’ai très envie de montrer des photographes africains, asiatiques, d’Amérique latine ou des Caraïbes, et d’alterner dans la programmation de grands noms de l’histoire de la photo avec des artistes contemporains de toutes nationalités.

L’idée aussi est de se positionner sur le livre, absolument central dans le monde actuel de la photographie. Il y a tout un pan de la photographie contemporaine qui passe plus par le livre que par le marché. Nous faisons donc en sorte qu’il existe à travers notre espace librairie, mais également de notre nouveau programme « Feuilletage ». Celui-ci consiste à demander à un ou une photographe de présenter un livre récemment publié et d’expliquer ses choix en le feuilletant en direct.