Annoncé en août par Emmanuel Macron, le nouveau partenariat avec l’Algérie s’appuie principalement sur des projets déjà lancés.
Paris. Fin septembre 2022, la Première ministre, Élisabeth Borne, déclarait lors d’une visite en Algérie vouloir donner « une impulsion nouvelle » aux relations bilatérales. Son voyage faisait suite à celui d’Emmanuel Macron en août 2022, lors duquel le président promettait « un nouveau partenariat avec l’Algérie », traçant les contours d’un programme de coopération volontariste, notamment dans le domaine culturel. Programmes d’échanges pour les artistes et les universitaires, filière commune de production audiovisuelle, coopération pour l’archéologie, création de musées en France et en Algérie, aides aux ICC (industries culturelles et créatives) et soutien à la francophonie : les annonces d’Emmanuel Macron fin août montrent l’ampleur des projets voulus par le président, car il s’agit bien d’une volonté de l’Élysée.
Mais selon le contre-amiral Jean-François Coustillière, président de l’association Euromed-IHEDN et spécialiste de géopolitique, joint au téléphone par le Journal des Arts, « il y a eu une prise de conscience qu’il faut un rapprochement entre les deux pays », même si cette stratégie« n’a pas été développée explicitement » dans les déclarations du président. Macron a d’ailleurs fait plusieurs voyages en Algérie, y compris lorsqu’il était encore candidat en 2017, et l’ex-ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s’y est rendu à quatre reprises entre 2017 et 2022. Sur son site Internet, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) insiste sur l’originalité de cette relation : « La relation franco-algérienne est unique par la profondeur des liens humains et historiques. »
Cependant, les projets annoncés peinent à prendre forme, et Jean-François Coustillière relève que « les résultats immédiats de la visite d’Élisabeth Borne ont pu être jugés insuffisants ». Car la Première ministre s’est contentée de confirmer certaines annonces sans donner de détails. L’Institut français Paris, qui pilote le réseau culturel à l’étranger, fait ainsi savoir qu’« il attend les retours des deux ministères de tutelle », et le ministère de la Culture ne communique pas sur ces annonces. En réalité, la France mène déjà de nombreux projets culturels, notamment grâce à l’Institut français (IF). L’IF d’Algérie chapeaute entre autres des résidences pour artistes émergents à la Friche la Belle-de-Mai (Marseille), un soutien à l’audiovisuel et à l’enseignement du français. Un nouvel Institut français a ouvert à Annaba en 2018, et le centre de langue française de l’IF d’Alger a été récemment agrandi. La France participe aussi à des chantiers de fouilles archéologiques, dont le site romain de Tipaza [voir ill.] pourtant mentionné par Emmanuel Macron comme futur projet de coopération. Les échanges universitaires entre les deux pays sont constants, et, comme le rappelle Jean-François Coustillière, « près de 90 % des étudiants algériens présents en Europe sont inscrits dans une université française », chiffre confirmé par le rapport de l’Institut Montaigne sur le « Nouveau monde arabe » (2017). Le MEAE consacre chaque année un peu plus de un million d’euros à un cofinancement de bourses universitaires pour l’Algérie.
La diplomatie d’influence version Macron consiste donc à approfondir en Algérie les domaines de coopération culturelle, selon les objectifs fixés pour l’action extérieure de la France : comme pour le continent africain, la France parie sur la francophonie et la jeunesse. Sur ces points, Jean-François Coustillière estime qu’il y a des marges de manœuvre malgré un contexte politique tendu : « La langue arabe est parfois instrumentalisée pour lutter contre l’influence française. Le président Tebboune a annoncé vouloir donner plus de place à l’anglais, cependant le français reste largement utilisé aujourd’hui en Algérie. » Parmi les projets annoncés figurent d’ailleurs un programme de traduction arabe-francais, ainsi que des moyens supplémentaires pour les établissements scolaires français. Pour ce qui est de la « jeunesse », un point focal pour Emmanuel Macron, il faudrait « sans doute assouplir la politique de visas étudiants, selon Jean-François Coustillière, et la France devrait s’appuyer sur les associations d’étudiants algériens en France ».À noter qu’il existe depuis plusieurs années le réseau « France Alumni Algérie », sous l’égide du MEAE.
Reste, sujet épineux, la politique mémorielle : malgré le rapport Stora de 2021 sur la mémoire de la colonisation de la guerre d’Algérie, les projets mémoriels communs peinent à prendre forme. Il existe bien un programme universitaire bilatéral à Sciences Po-Menton sur cette question, mais le rapport algérien jumeau de celui de Benjamin Stora n’est toujours pas écrit. Toutefois, d’après le contre-amiral, « la visite d’Élisabeth Borne semble avoir relancé le processus, puisqu’une commission d’historiens a été annoncée ». Côté musées, seul le projet de musée sur l’Algérie à Montpellier est officiellement lancé, mais c’est grâce au maire (PS) Michaël Delafosse et non à la diplomatie française.
Plutôt qu’un grand changement stratégique, les annonces visent à renforcer la présence française, même si celle-ci est peu menacée : « Il y a peu de risques que les jeunes Algériens soient tentés par un autre modèle culturel que le français », estime Jean-François Coustillière. Il s’agit plutôt d’ancrer la relation avec l’Algérie dans la durée, par rapport au Maroc et à la Tunisie : « Emmanuel Macron a rééquilibré les relations avec les pays du Maghreb, car il perçoit que la relation avec l’Algérie devrait être plus forte que celle avec le Maroc ou la Tunisie. »
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Réchauffement culturel entre la France et l’Algérie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°599 du 18 novembre 2022, avec le titre suivant : Réchauffement culturel entre la France et l’Algérie