L’ethnie sakalave réclame le retour de trois crânes. La loi qui vient de passer en France devrait faciliter la restitution.
Cela fait plus de vingt ans que Madagascar réclame le rapatriement de trois crânes sakalaves, du nom du groupe ethnique vivant dans l’ouest de l’île. Leur retour devrait maintenant être facilité par la nouvelle loi portant sur la restitution des restes humains d’origine étrangère, adoptée en fin de parcours, à l’unanimité par le Sénat lundi 18 décembre. Acquis par la France au temps de la conquête coloniale, ces crânes sont aujourd’hui conservés au Musée de l’Homme à Paris. L’un d’entre eux serait supposément celui du roi Toera, décapité à Ambiky lors d’une attaque des troupes coloniales françaises en 1897. Les deux autres sont ceux de guerriers sakalaves de la résistance.
Ces crânes revêtent une telle importance pour Madagascar que leur retour est devenu une promesse présidentielle. Pour l’ethnie sakalave, « la religion se base sur le culte des ancêtres royaux » rappelle Klara Boyer-Rossol, chercheuse au Centre international de recherche sur les esclavages et les post-esclavages. « Une des grandes cérémonies de ce culte, c’est le Fitampoha, le Bain des reliques royales sakalaves. Or la dernière relique royale manque. Et sans le crâne, pas de relique possible ». Seuls les ossements du squelette de Toera sont donc exhumés lors de cette cérémonie annuelle. Même si l’identification de ce crâne n’est pas formelle pour le moment, sa restitution reste un enjeu essentiel pour les Malgaches, qui placent la relation avec les ancêtres au cœur de leurs rites et croyances.
Initiée dès 2020 par la sénatrice Catherine Morin-Desailly et les élus Pierre Ouzoulias et Max Brisson, la loi portant sur la restitution des restes humains a pour vocation d’encadrer et de faciliter ces rapatriements, en créant une dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques. Des moyens spécifiques seront mis en œuvre pour effectuer un récolement complet de ces restes, examinés par un comité scientifique en cas de doute sur leur identification.
La loi précise que ces restes humains doivent être ceux de personnes mortes après 1500, et les « conditions de leur collecte porter atteintes à la dignité humaine ou leur conservation contrevenir au respect de la culture et des traditions du groupe dont ils sont originaires ». Ils doivent également être réclamés par l’État étranger à des fins exclusivement funéraires ou mémorielles. La loi instaure une procédure administrative permettant d’agir par simple décret en Conseil d’état, en se passant de l’autorisation du Parlement.
Dans le cas précis des trois crânes sakalaves, une commission franco-malgache devra dans un premier temps les examiner et confirmer l’identification avancée par l’historienne Klara Boyer-Rossol. Leur restitution risque donc de prendre un certain temps, et le crâne supposé du roi Toera ne sera peut-être pas rendu à temps pour la prochaine cérémonie du Fitampoha, qui aura lieu durant l’été 2024.
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Madagascar, le crâne d’un roi décapité bientôt restitué ?
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