MOSCOU / RUSSIE
A l’approche du référendum, le directeur du musée ART4 et l’activiste Piotr Verzilov sont poursuivis par les autorités.
Les 21 et 22 juin resteront dans l'histoire comme des journées noires pour le monde de la culture en Russie. La police moscovite a d’abord effectué une descente dimanche dans le musée du collectionneur et entrepreneur Igor Markin. Fondé en 2007, ART4 est le premier musée privé d'art contemporain de Russie. Averti par des proches, Igor Markin a immédiatement signalé ce qui se passait sur sa page Facebook, indiquant avoir été après coup joint par un policier du Comité d'enquête de Russie (sorte de FBI russe). « Un enquêteur vient de m'appeler. Il a refusé de donner son nom et de dire à quelle affaire cette perquisition est liée. Ils commencent à forcer la porte de mon domicile », écrivait Markin le 21 juin, alors qu'il se trouvait loin de Moscou.
Dans la soirée, le collectionneur indiquait que la double perquisition du musée Art4 et de son domicile était liée à une enquête dans laquelle figure également l'actionniste et éditeur Piotr Verzilov (qui collabore avec les collectifs « Voïna » et « Pussy Riot »). Les deux hommes sont poursuivis sous l'article 318 du code criminel russe (« Organisation de troubles publics de grande envergure et usage de la force contre des représentants des forces de l'ordre »). La police a saisi des ordinateurs, des clés USB et des documents sur les activités du musée.
Le musée-galerie Art4 avait fait des vagues l'année dernière en organisant une importante rétrospective d'artistes contemporains engagés. Des réalisations récentes des collectifs « Voïna », « Pussy Riot » et de l'actionniste Piotr Pavlensky (exilé en France) avaient été exposées, ainsi que les dessins réalisés en prison par Oleg Navalny, le frère du principal opposant russe Alexeï Navalny.
Pour Piotr Verzilov, la journée de dimanche fut non moins mouvementée. Des policiers armés de massues ont défoncé la porte de son domicile moscovite au petit matin, venant l'arrêter. Il a juste eu le temps de prévenir la rédaction de son journal en ligne Mediazona. Réapparu 12 heures plus tard, Verzilov a expliqué avoir été interrogé par le « Centre E » du ministère de l'intérieur (un département en charge de la lutte contre « l'extrémisme ») pour des accusations de radicalisme et de violence contre les autorités dans le cadre d'une enquête sur les manifestations qui ont secoué Moscou durant l'été 2019.
L'actionniste a plus d'une fois nargué les services de sécurité russes, ce qui ne reste jamais sans conséquence en Russie. Parmi ses actions les plus retentissantes avec le collectif « Voïna », il a dessiné en 2010, un gigantesque pénis sur un pont levant de Saint-Pétersbourg, juste au moment où celui-ci se dressait en face du siège du FSB. En pleine finale de la coupe du monde de football 2018, il a réussi à tromper la vigilance de la police russe, se livrant à une performance sur la pelouse devant Vladimir Poutine et un demi-milliard de spectateurs.
Alors qu'il sortait du poste de police après l'interrogatoire, Piotr Verzilov raconte avoir été attaqué dans la rue par un inconnu. La police en a profité pour l'arrêter de nouveau. Cette fois pour « expression répétée de langage obscène en présence d'autres citoyens », rapporte son avocat Leonid Soloviev. Dès le lendemain, un tribunal de Moscou le condamnait à 15 jours de détention pour « houliganisme ». Verzilov se dit innocent des charges portées contre lui. « Nous avons été témoins d'une opération commanditée, dont la cible n'est pas seulement ma personne, mais la société civile tout entière, à l'approche de la parade de la victoire et du vote », a déclaré Verzilov devant le tribunal.
L'actionniste fait référence au référendum organisé par le pouvoir le 1er juillet au lendemain d'une grande célébration militariste censée exalter les triomphes du Kremlin. Le vote doit valider une réforme constitutionnelle destinée à permettre à Vladimir Poutine - au pouvoir depuis 2000 - de régner jusqu'en 2036.
Des sources policières citées par la presse russe affirment que Piotr Verzilov est suspecté par le pouvoir de fomenter une action pendant la parade militaire. D'où cette mise en détention préventive justifiée par une affaire fabriquée
Le même jour, dans un autre tribunal moscovite, le célèbre metteur en scène Kirill Serebrennikov assistait au réquisitoire du procureur. Ce dernier a réclamé 6 ans de prison pour le directeur du Centre Gogol dans une affaire qui dure maintenant depuis trois ans et a profondément ébranlé le monde de la culture russe.
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Le pouvoir russe s’attaque à deux figures du monde culturel
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