Comme le souligne l’enquête réalisée par l’Admical, le budget dévolu au mécénat culturel des entreprises est en chute libre.
L’enquête sur le mécénat d’entreprise, réalisée conjointement en France pour l’année 2010 par l’Admical (1) et l’institut de sondages CSA, confirme les craintes que la crise économique de 2009 laissait présager. Les budgets 2009 ayant déjà été engagés en amont, c’est l’année 2010 qui devait, en effet, témoigner d’un désengagement, ou non, des entreprises. De manière globale, le mécénat d’entreprise en France subit une baisse de 20 % de son budget par rapport à 2008 (date de la dernière enquête effectuée à périmètres constants par l’Admical-CSA) : en 2010, 2 milliards d’euros ont ainsi été consacrés au mécénat par quelque 35 000 entreprises, contre 2,5 milliards d’euros il y a tout juste deux ans.
Le mécénat culturel représente 19 % du budget global contre 39 % en 2008. Il est le domaine le plus touché avec 380 millions d’euros engagés en 2010 contre 975 millions d’euros en 2008. Une chute vertigineuse, conséquence directe de la crise, certes, mais pas seulement. Selon Olivier Tcherniak, président de l’Admical, il faut aussi voir ici le signe d’une certaine dérive dans la pratique du mécénat culturel, qui a tendance à épouser les formes du sponsoring et à être trop directement lié à la communication de l’entreprise (lire l’encadré). Quelques grands groupes engagés bien avant la loi 2003 dans des opérations en faveur de la Culture parviennent à maintenir la voilure, mais ils se font de plus en plus rares à l’heure où l’entreprise doit montrer des résultats immédiats et préfère accorder ses priorités à des actions d’ordre social ou économique. Depuis maintenant plusieurs années, le mécénat n’est plus le domaine réservé de la culture. Les entreprises lui préfèrent les opérations de solidarité et, phénomène nouveau, les initiatives liées au sport, particulièrement en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises (PME). Les entreprises plébiscitent ainsi à 58 % le mécénat de solidarité (regroupant le social, l’éducation et la santé) et à 48 % le sport, contre 37 % pour la culture – une donnée à relativiser toutefois puisque, en termes de budget, le sport et la culture sont à égalité. En outre, la pratique du mécénat croisé complique la donne. Le domaine culturel est ainsi souvent associé à des initiatives de solidarité, comme tous les dispositifs pour faciliter l’accès à la culture, lesquels sont considérés par l’Admical comme relevant d’un mécénat social et non culturel. L’érosion des budgets en direction de la culture concerne surtout les PME. Chez les grandes entreprises (dont les actions représentent 1,3 milliard du budget global), le mécénat s’est maintenu à un niveau intermédiaire entre 2006 (1 milliard d’euros) et 2008 (1,6 milliard).
Vers une stabilisation
Si les budgets font grise mine, le mécénat continue d’intéresser les entreprises puisque le nombre de mécènes enregistre une hausse de 17 % en 2010. La pratique est devenue courante chez 43 % des grandes entreprises (comptant plus de deux cents salariés) tandis que 27 % des entreprises de plus de vingt salariés sont mécènes, contre 23 % en 2008. Si les entreprises ne développent pas de mécénat, c’est, pour la plupart d’entre elles, par manque de moyens financiers. Le dispositif incitatif de 2003 semble en effet profiter plus aux grands groupes qu’à des PME dont le plafonnement des avantages fiscaux représente un frein à leur engagement (lire p. 18).
L’année 2010 témoigne également d’un regain d’intérêt pour le mécénat de proximité : 79 % des actions de mécénat d’entreprise se déroulent à échelle communale ou régionale. Quant au mécénat de compétence, il est très difficile à mettre en place et n’est pas dénué d’effets pervers, ainsi quand il est détourné par l’entreprise pour faire baisser ses charges ou qu’il est censé l’aider à remporter des marchés. Cette pratique, qui gagnerait donc à être mieux encadrée, a suscité de nombreux projets, mais peu ont vu le jour.
L’enquête de l’Admical s’achève sur une note positive en rappelant que 70 % des entreprises mécènes ont déclaré vouloir stabiliser leurs actions de mécénat dans les deux ans à venir, tandis que 13 % souhaitent les voir croître, 12 % prévoyant de les diminuer. Reste à savoir quel nouveau visage prendra ce mécénat alors que les demandes en la matière sont croissantes dans un contexte de rigueur budgétaire et d’appauvrissement des finances publiques.
- Budget global mécénat d’entreprise : 2 milliards d’euros
- Budget mécénat culturel : 380 millions d’euros (19 % du budget global)
- Nombre d’entreprises mécènes : environ 35 000
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Le mécénat culturel en danger
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Légende Photo : Aphrodite ou Nymphe de Sainte-Colombe, acquise par l’État pour le Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal (Vienne), grâce au soutien de Neuflize OBC. © Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal (Vienne)/Département du Rhône
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°333 du 22 octobre 2010, avec le titre suivant : Le mécénat culturel en danger