Comment expliquez-vous la chute vertigineuse des budgets octroyés au mécénat culturel ?
Le mécénat culturel a développé un lien très fort avec la communication et les opérations de relations publiques. La baisse globale des budgets de communication, à la suite de la crise économique de 2009, a ainsi eu un impact direct sur ceux du mécénat culturel. La culture est devenue le parent pauvre du système de façon brutale ces dernières années, voire ces derniers mois. À quelques rares exceptions près, le spectacle vivant, la création, les artistes, ont été délaissés au profit de la diffusion. Pourtant, la culture est selon moi au cœur des pratiques de mécénat, car celui-ci est dicté par un désir d’altérité, d’ouverture et de compréhension du monde. Or, pour toujours plus de visibilité, nous sommes en train de passer de la culture au sponsoring culturel. Si le mécénat culturel disparaît, le mécénat tout court va disparaître.
Le désengagement de l’État a-t-il eu des conséquences directes sur ces bouleversements ?
Le mécénat est une partie très fragile et très sensible de l’action de l’entreprise, car il est intimement lié à son environnement, ses salariés, mais aussi à la société, dont il est le reflet. L’État et son action ont une influence qui n’est pas négligeable : on a bien vu par le passé comment l’engagement de l’État, dans une sorte de mouvement général, a conduit aux grandes années du mécénat culturel. Aujourd’hui, les pouvoirs publics eux-mêmes préfèrent miser sur l’accès à la culture plutôt que sur la création. Les entreprises suivent ce mouvement qui est aussi lié au contexte de crise, dans lequel les actions sociales semblent beaucoup plus attendues. Mais le mécénat n’est pas une machine à rentabilité immédiate. Il faut lui redonner sa raison d’être, sa valeur intrinsèque, qui est aussi liée à une certaine prise de risque pour les entreprises, et une non-obligation de résultats immédiate.
L’enquête de l’Admical met en exergue le développement d’autres formes de mécénat, notamment le mécénat croisé, associant la culture à la solidarité ou au sport…
Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à financer plusieurs domaines et à croiser les soutiens : insertion par le sport, accès à la culture pour certains publics… Cette diversité est une richesse incontestable pour le mécénat, mais c’est un facteur de désengagement supplémentaire vis-à-vis de la création. Par ailleurs, le mécénat participe d’un mouvement d’ouverture de l’entreprise sur son environnement et sur ses parties prenantes, avec notamment le développement de la RSE [responsabilité sociale des entreprises : celles-ci sont impliquées dans les enjeux du développement durable]. Mais la RSE est plus liée à la communication et à l’intérêt direct de l’entreprise et il ne faudrait pas qu’il en soit de même pour le mécénat, car cela entraînerait les entreprises à faire du sponsoring social et sportif plutôt que du mécénat pur.
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3 questions à Olivier Tcherniak, président de l’Admical
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°333 du 22 octobre 2010, avec le titre suivant : 3 questions à Olivier Tcherniak, président de l’Admical