Les entreprises françaises devraient participer largement à la construction du complexe culturel saoudien d’Al-Ula. L’entremise est assurée par une agence française : Afalula.
Un petit portail dérobé sur la longue rue principale d’Al-Ula : il n’a l’air de rien, mais derrière se trouve l’un des rouages de la stratégie culturelle mise en place dans la région, où une entreprise française est à la manœuvre. Dans le calme d’une palmeraie en pleine ville, une résidence d’artistes s’est installée, pilotée par l’agence Manifesto : six jeunes créateurs venus de France, des Philippines ou des Émirats arabes unis s’y sont établis à l’automne pour la deuxième session, cherchant l’inspiration dans l’environnement local.
Manifesto, associée à l’Agence française pour le développement d’Al-Ula (Afalula), conseille la Commission royale saoudienne sur le volet art contemporain du plan d’aménagement d’Al-Ula. Celui-ci prévoit un grand musée (Perspective Gallery), des écoles d’art, des galeries et ateliers, et même bientôt une « Villa Médicis du désert », la Villa Hegra. Cette expertise française, qui se limitait au départ aux sites archéologiques, irrigue désormais tous les aspects du chantier d’Al-Ula. « Quand nous avons négocié avec le CEO [PDG] de la commission royale, il n’y avait que des consultants américains, et pas un français, se souvient Gérard Mestrallet, président exécutif de l’Afalula. On a inversé la tendance. D’autant que l’État anglais n’existe pas ici, l’État américain n’est pas là. » Contrairement à l’agence française, portée par son gouvernement.
Les grands noms du secteur culturel français sont présents, comme Jean Nouvel, qui a remporté le premier appel d’offres hôtelier, avec une proposition d’hôtel troglodyte [voir ill.] : « C’est un bon signe », se réjouit Gérard Mestrallet. L’Afalula a recruté des personnalités en vue pour diriger chacun des pôles, comme Étienne Tricaud, architecte et ingénieur fondateur de l’agence AREP, ou Sophie Makariou, l’ex-directrice du Musée Guimet.
Outre le volet culturel, l’Afalula permet aussi à l’industrie tricolore de se positionner sur les marchés de cet immense chantier : « Notre rôle, c’est d’être informés des projets, d’en informer les groupes français et de les préparer, de les mobiliser », explique Gérard Mestrallet. Ancien PDG de GDF-Suez, son recrutement en 2018 démontrait clairement que les ambitions de l’Afalula dépassaient le secteur culturel. Ce qui fut fait à plusieurs titres : un groupement français a remporté en 2021 le grand chantier des réseaux et infrastructures du comté d’Al-Ula ; la RATP vient de signer un contrat de service avec la Commission royale pour développer les transports en commun ; et un tiers des chambres d’hôtels sont aujourd’hui exploitées par le groupe Accor. Au total, deux cent cinquante contrats ont été signés, rassemblant autant des PME que des multinationales.
Ayant déjà reçu 30 millions d’euros de la Commission royale, l’Afalula devrait voir cette dotation augmenter dans les prochains mois. Alors que les huit grands projets muséaux sont passés en phase de sélection des architectes, la France compte bien être au rendez-vous de ce qui est le plus grand chantier culturel au monde. Elle use déjà de toute son influence pour en tracer les contours : c’est l’expertise de l’Afalula qui a étendu les frontières du projet aux sites archéologiques de Khaybar et Tayma, et les conseils de Gérard Mestrallet – cavalier par ailleurs – ont transformé le musée du cheval en « plus grand complexe équestre intégré au monde ».
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La coopération française avec l’Arabie saoudite prend de l’ampleur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°604 du 3 février 2023, avec le titre suivant : La coopération française avec l’Arabie saoudite prend de l’ampleur