Avec ses moyens illimités, la Commission royale d’Al-Ula est parvenue à attirer les plus grands noms du land art dans le désert saoudien.
Arabie saoudite. Sans les traces de pneus des bolides venus profiter du temps humide pour quelques dérapages matinaux sur le sable, le paysage désertique de Wadi Al Fann (« la vallée des arts » en arabe) semble hors du temps. Sur ce territoire de 60 km2, les formations géologiques déclinent une variété de formes et de motifs, allant de la dentelle minérale aux falaises abruptes plongeant dans le sable : la légende raconte que les pleins et les déliés creusés par l’érosion auraient inspiré l’écriture nabatéenne, ancêtre de l’alphabet arabe. Ces œuvres sculptées par la nature cohabiteront bientôt avec les créations de James Turrell, Agnes Denes et Michael Heizer. Ces stars internationales du land art partagent cette scène exceptionnelle avec deux artistes locaux, Manal Al Dowayan et Ahmed Mater, au sein d’une première commande qui fera de ce lieu désertique un musée du land art à ciel ouvert.
« C’est une ambition qui n’a pas d’équivalent dans le monde », fait savoir Annette Gibbons-Warren, directrice du projet. Avec les moyens qui sont ceux de l’Arabie saoudite – alors que Michael Heizer et James Turrell ont consacré plusieurs décennies à bâtir leurs œuvres perdues dans le désert du Nevada –, la Commission royale annonce une livraison de cette première commande artistique en 2024. « C’est une commande généreuse », commente Iwona Blazwick, qui dirige le comité artistique de la Commission royale depuis 2021. Mais, comme à Al-Ula, aucun budget n’est communiqué pour ce chantier artistique en plein désert. Ce n’est d’ailleurs pas la question pour l’ancienne directrice de la Whitechapel Gallery : « Les artistes arrivent avec leurs projets, petits ou grands, qui sont ensuite financés selon les besoins. »
Avec un commanditaire aussi généreux, il est difficile de ne pas voir les choses en grand : « James Turrell nous a dit que si les gens voulaient connaître l’intention de son travail, ils devraient aller à Al-Ula », confie Annette Gibbons-Warren. Agnes Denes a conçu une œuvre en forme de testament artistique pour Wadi Al Fann : à 84 ans, l’artiste hongroise ne peut pas se rendre dans le désert saoudien, mais elle est « très impliquée, constate la directrice de la commande, Agnes a un lien extrêmement fort à ce projet ». C’est une place de choix qui a été réservée à cette pionnière du land art : un fond de vallée de plusieurs kilomètres, où des formes triangulaires creusées dans la roche donneront la sensation de pyramides flottant dans l’air. Au bout de la vallée, c’est un jeune artiste saoudien, Ahmed Mater, qui souhaite incarner les espoirs de la jeune génération du pays sous la forme d’un mirage [voir ill.]. La maquette de l’œuvre, présentée dans une galerie du centre-ville d’Al-Ula, montre une soucoupe volante de marbre rose, qui sera immergée dans le sable. Sur le principe du Pepper Ghost– une technique d’illusion optique –, l’installation aux dimensions minutieusement calculées laissera échapper une figure vaporeuse au-dessus du désert. Manal Al Dowayan, figure de la scène artistique arabe, proposera une évocation de l’architecture en terre crue de la vieille ville d’Al-Ula [voir ill.].
Les œuvres de Turrell et Heizer, dont les dessins restent encore à dévoiler, complètent cette première commande de haute volée. Le comité artistique envisage désormais une deuxième commande, alors même que les travaux de la première n’ont pas commencé. Malgré la vaste étendue du site, les emplacements resteront limités, afin de préserver une sensation de découverte au cours de la randonnée artistique : une quinzaine d’œuvres, tout au plus, verront le jour dans cette vallée des arts.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Wadi Al Fann : la future « Mecque » du land art
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°604 du 3 février 2023, avec le titre suivant : Wadi Al Fann : la future « Mecque » du land art