Arabie Saoudite - Diplomatie culturelle - Soft power

Jean-Yves Le Drian, un poids lourd pour la coopération avec l’Arabie Saoudite

Président d’Afalula, Agence française pour le développement d’Al-Ula

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 14 septembre 2023 - 453 mots

La nomination de l’ancien ministre des Affaires étrangères témoigne des visées françaises dans la région.

Jean-Yves Le Drian. © CTBTO, 2019, CC BY 2.0
Jean-Yves Le Drian.
Photo CTBTO, 2019

Un temps pressenti pour prendre la présidence de l’Institut du monde arabe, à Paris, Jean-Yves Le Drian (né en 1947) a finalement été nommé à la tête de l’Agence française chargée du développement de la région d’Al-Ula (Afalula) dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite. Il prend la suite de Gérard Mestrallet en poste depuis 2018, date de la création d’Afalula. À un grand patron (Mestrallet a dirigé GDF-Suez, puis Engie) succède un politicien expérimenté qui connaît bien les pays du golfe Persique : cette nomination confirme la volonté de renforcer l’influence française dans la région.

Si Le Drian est un élu local (maire de Lorient, président du Conseil régional de Bretagne et député), il s’est intéressé très tôt aux enjeux géopolitiques et aux questions de défense. Dès 1978, il a intégré la Commission de la défense nationale et des forces armées, où il a rédigé plusieurs rapports sur la présence des troupes françaises au Liban ou en Irak dans les années 1980-1990. Mais c’est sa connaissance des pays du Proche-Orient et du Golfe qui explique sa récente nomination avec, en toile de fond, le rapprochement entre la France et l’Arabie saoudite. Lorsqu’il était ministre de la Défense sous François Hollande (2012-2017), Le Drian a replacé la France durablement dans le jeu diplomatique régional, grâce aux ventes d’armes. Entre les Rafales vendus à l’Égypte et les armements vendus au Qatar ou à l’Arabie saoudite, Le Drian a souvent été décrit comme « le VRP de l’industrie de l’armement ».

À la suite de sa nomination au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères en 2017, ses multiples voyages dans le Golfe ont renforcé ses relations avec les dirigeants locaux. Ainsi a-t-il rencontré régulièrement le prince héritier saoudien, ainsi que ses ministres de la Défense et de l’Économie. Un véritable atout aujourd’hui puisque Afalula est une agence co-construite avec les Saoudiens. Le Drian a d’ailleurs fait face à des critiques sur sa proximité avec le royaume, d’abord en raison des livraisons d’armes françaises utilisées dans la guerre au Yémen, puis en 2018 et 2019 après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi commandité par Mohammed Ben Salman.

Comment Jean-Yves Le Drian peut-il combiner ses nouvelles fonctions avec celles d’envoyé personnel du président pour le Liban, qu’il occupe depuis juin 2023 ? Pour l’instant, il cumule les deux, même si son voyage au Liban en septembre semble compromis d’après les médias libanais qui évoquent l’opposition de certains politiciens à l’initiative française. Dans la mesure où l’Arabie saoudite est également très active dans la crise libanaise, la nomination de Le Drian à Afalula s’apparente à une montée en puissance de la diplomatie d’influence dans la région.

Monuments excavés du site d'Al-Hijr dans la région d'Al-Ula - Photo Unesco
Monuments excavés du site d'Al-Hijr dans la région d'Al-Ula
© UNESCO

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°616 du 8 septembre 2023, avec le titre suivant : Jean-Yves Le Drian, un poids lourd pour la coopération avec l’Arabie Saoudite

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