Les vases rituels Shang restent les objets les plus convoités parmi les bronzes archaïques chinois, de 10 000 euros à 10 millions d’euros pièce, selon leurs formes et décors.
L'art du bronze en Chine ancienne atteint son apogée aux XIVe et XIIIe siècles avant J.-C., sous la dynastie des Shang, à Anyang. À cette époque, les bronzes, symboles du pouvoir, ont un usage rituel lié au culte des ancêtres et à celui des divinités du monde naturel. Ce sont des récipients contenant du vin ou de la nourriture que l’on offrait aux esprits ou aux morts. Chaque pièce est unique, réalisée en fonte directe dans un moule à usage unique. Avec l’épanouissement de la technique de fonte du bronze sous les Shang, les artisans créent de nouvelles formes de vase et réalisent des décors élaborés, raffinés et tendant à couvrir toute la surface du vase. Apparaissent des pièces en bronze décorées en haut relief, mettant en évidence le décor principal sur fond de leiwen (spirales) ou fond lisse. Sous les Zhou (XIe-IIIes. av. J.-C.), la religion évolue et les bronzes deviennent des objets de commémoration et des symboles de statut social.
Les bronzes de la dynastie des Han (IIIe s. av. J.-C.-IIIe s.) ont perdu leur valeur religieuse ainsi que leur symbolisme royal et spirituel, au profit d’un rôle purement décoratif. Pour cette raison, les grands amateurs de bronzes archaïques s’intéressent aux vases Shang, et à ceux du début des Zhou. Ils forment un marché restreint de collectionneurs très pointus, répartis entre les États-Unis, l’Europe et l’Asie. « Mes clients ont pratiquement le même niveau de connaissance que moi », lance Christian Deydier, expert mondialement reconnu dans ce domaine. Les vases Shang aux formes peu communes sont particulièrement recherchés. Ainsi, aux gu (sorte de calice) et jue (vase tripode à large bec verseur), pièces très courantes, sont préférés les pan (large bassin rituel) ou les rarissimes guang zoomorphes. Mais la forme d’un vase n’est qu’un des critères de sélection de ce marché. Le 20 mars 2007 à New York, une pièce commune de forme gu d’époque Shang, estimée 20 000 dollars, s’est envolée à 144 000 dollars (110 000 euros). Ce gu à la belle patine vert malachite présentait un pied au rare décor ajouré.
Vert jade
Les bronzes de belle qualité de fonte, aux décors rares et en haut relief, sont très prisés. Le masque de taotie aux yeux proéminents est le motif le plus répandu. Le dragon, symbole de l’eau, et le serpent, lié au thème de la renaissance, apparaissent sur nombre de bronzes Shang. Plus appréciés sont les vases aux motifs moins courants tels l’éléphant, le hibou, la cigale, la tortue, l’oiseau, le cerf, le buffle, le bœuf, le bélier ou encore le tigre.
Par ailleurs, une belle patine apporte une plus-value. Les teintes les plus délicates sont vert jade, vert d’eau ou bleutées. Les prix varient de manière importante en fonction de tous ces paramètres pour des vases de forme identique datant de la même époque. Ainsi un zhi (gobelet) de la dynastie Shang peut se négocier de 10 000 à 200 000 dollars sur le marché international. Le record d’enchères pour un bronze archaïque chinois revient à un grand fanglei, version carrée du lei (jarre à vin), datant de la fin des Shang-début des Zhou occidentaux, vendu 9,2 millions de dollars (10,3 millions d’euros) le 20 mars 2001 à New York chez Christie’s. De tels vases se présentent très rarement en vente publique. Mais il est possible d’acquérir un bronze Shang de qualité, pour un budget de 5 000 à 10 000 euros, à condition de tabler sur des pièces de petites dimensions ou de forme courante. Ou, pour le même montant, mais dans un tout autre esprit de collection, d’acheter une belle pièce décorative de la période des Royaumes Combattants (fin des Zhou orientaux, 481-222 av. J.-C.), comme un imposant ding (récipient avec pieds et couvercle).
Ce récipient funéraire quadripode fangjia est un des plus beaux bronzes archaïques à être passé sur le marché depuis un demi-siècle. Cette pièce exceptionnelle datant de la dynastie Shang était utilisée pour chauffer le vin lors de cérémonies sacrificielles. Puissante d’architecture, rare par sa forme carrée et son riche décor, elle possède un pedigree remarquable. Trouvé sur le site d’Anyang (capitale de la civilisation Shang) un peu avant 1944, ce bronze est entré en 1953 dans les collections de la Albright-Knox Art Gallery, musée privé de Buffalo (New York). Estimé 2 à 3 millions de dollars, ce vase rituel a été adjugé plus de 8 millions de dollars (6 millions d’euros) au marchand anglais Roger Keverne, pour le compte du musée anglais Compton Verney. Les jia, vases tripodes de forme arrondie, des pièces assez courantes sous les Shang, disparurent sous les Zhou. Les fangjia, variantes carrées des jia, étaient en revanche très rares. Souvent richement décorés, les vases fangjia ont majoritairement été trouvés dans des tombes royales. Il n’existe qu’un très petit nombre d’exemplaires de fangjia conservés dans les musées et collections privées. Le motif du hibou, symbole de la résurrection, que l’on retrouve en haut relief sur trois côtés de ce fangjia, figure parmi les plus rares motifs du corpus des bronzes chinois.
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Ces bronzes qui valent de l’or
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Abonnez-vous dès 1 €Comment distingue-t-on les faux bronzes chinois des vases authentiques ?
Pendant la période des grands faussaires (de Shanghaï, Pékin et du Japon), dans les années 1920-1930, les bronzes qui ont été fabriqués (essentiellement des pièces Shang et Zhou) sont le plus souvent des surmoulages aux décors peu incisés manquant de précision. Lorsqu’ils créaient eux-mêmes des vases, les faussaires commettaient des erreurs de décor en mélangeant des époques différentes, ou ajoutaient de fausses inscriptions, qui sont repérables. On peut aussi détecter les faux à leur poids, qui ne correspond pas à celui des pièces authentiques, plus ou moins lourdes selon leurs forme et période. Quant à la patine – l’aspect le plus difficile à imiter –, elle ne peut tromper l’œil du spécialiste qui l’examine à la loupe.
Les faux réalisés aujourd’hui sont d’excellentes reproductions, assez difficiles à démasquer. Mais leur décor trop parfait, souvent un peu rigide, met la puce à l’oreille. Malgré leur quasi-perfection, ces faux bronzes présentent des défauts de patine que l’on peut déceler quelle que soit la méthode utilisée par les artisans faussaires. Le passage d’un bronze aux rayons X permet de repérer les cassures et l’importance des restaurations d’une pièce. Cette analyse scientifique révèle parfois qu’un vase a été reconstitué à partir de plusieurs morceaux de pièces différentes. Enfin, certains experts chevronnés peuvent, rien qu’au son d’une pièce, indiquer le taux de restauration d’un bronze ou dire si l’objet est une contrefaçon.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°308 du 4 septembre 2009, avec le titre suivant : Ces bronzes qui valent de l’or