PARIS [05.05.17] - Après avoir fui la Russie pour éviter une possible lourde condamnation dans une affaire de mœurs, Piotr Pavlensky a obtenu l’asile politique en France. Son avenir artistique est incertain.
L’actionniste russe Piotr Pavlensky a obtenu l’asile politique en France trois mois et demi après s’être exilé. Sa compagne Oksana Shalygina a confirmé au Journal des arts que l’artiste, objet de poursuites judiciaires en Russie, a bien obtenu la protection légale qu’il avait demandé à son arrivée en janvier. Shalygina a indiqué qu’elle donnerait plus tard des précisions sur leurs projets.
Le couple et leurs deux filles vivent, selon un proche, très modestement dans un squat parisien. Coupés du milieu artistique alternatif russe, ils fréquentent assidument la Librairie du Globe (Paris 3e), un point de repère des émigrés russes depuis plusieurs décennies.
Connus pour la radicalité de leur engagement politique, Pavlensky et Shalygina sont proches des milieux anarchistes et reconnaissent que leur activité principale est « la propagande politique. » Shalygina ne cache pas son admiration pour les « Black blocs », les casseurs qui affrontentnt violemment régulièrement la police dans les rues de Paris. Sur sa page Facebook, elle a posté une photo du policier embrasé par un cocktail Molotov le 1er mai à Paris, commentant « Si cela pouvait être partout ainsi. Et comment s’est passé le 1er mai à Moscou ? »
Piotr Pavlensky s’est fait connaître en 2012 en se cousant les lèvres en signe de protestation contre l’emprisonnement des Pussy Riot. Il évolue vers des performances de plus en plus radicales, soigneusement mises en scène et à chaque fois filmées ou photographiées par des proches. En 2013, il se cloue le scrotum sur les pavés de la Place rouge et met le feu à une barricade l’année suivante, simulant une insurrection à Saint-Pétersbourg. En 2015, il incendie une porte du siège du FSB (ex-KGB) et est immédiatement placé en détention préventive pour sept mois. Condamné à deux reprises par la justice russe pour ses deux dernières performances, il est vilipendé par la presse officielle et par des grandes figures de la culture russe, comme le directeur de l’Ermitage Mikhaïl Piotrovsky. Il est aussi vénéré par une grande partie du milieu de l’art contemporain, qui le plébiscite chaque année aux principaux prix récompensant l’art russe.
Son étoile se ternit cependant en janvier 2017, lorsqu’une affaire de mœurs l’oppose à deux acteurs du théâtre moscovite d’avant-garde Teatr.doc, une des rares institutions culturelles à avoir fermement soutenu l’actionniste. L’actrice Anastasia Slonina porte plainte contre Pavlensky pour agression à caractère sexuel. Pavlensky et Chalyguina, qui ne cachent pas leur sexualité débridée et libre, dénoncent une « provocation des structures de sécurité » dont le teatr.doc serait complice. Selon Pavlensky, l’actrice était consentante à leurs jeux sado-masochistes. Un ex-petit ami de Slonina, l’acteur Vassili Berezine, a aussi porté plainte contre Pavlensky à la suite d’une altercation violente. Pavlensky affirme que Berezine battait son ex-petite amie et l’aurait provoqué. Cette affaire de mœurs fait courir le risque d’une peine de dix ans de prison à Pavlensky, ainsi que le placement de ses deux filles en orphelinat. L’artiste explique que c’est cette dernière menace qui l’a convaincu de s’exiler en France.
Pavlensky bénéficie désormais d’une protection contre le pouvoir russe, mais son avenir artistique est plus flou que jamais. « Il est désormais dans une situation sans issue », commente Mikhaïl Ougarov, directeur artistique de Teatr.doc. « Il comprend que personne ne s’intéresse à lui en France, que son contexte artistique se trouve en Russie et que c’est sa mort en tant qu’artiste. »
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La France accorde l’asile politique à un Pavlensky très critiqué en Russie
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Abonnez-vous dès 1 €Pyotr Pavlenski (en anglais : Petr Pavlensky) © Photo Dmitry Rozhkov - 2016 - Licence CC BY-SA 4.0