PARIS [01.08.16] - Si les biens matériels sont au cœur de la plupart des dispositions nouvellement créées, dans la continuité du rapport de Jean-Luc Martinez et en vue de lutter contre le trafic illicite, la loi intègre également la notion de « patrimoine immatériel ».
La lecture des dispositions relatives aux mouvements des biens culturels exige d’aller au-delà du texte publié. Objet de compromis et de débats, la loi intègre nombre de propositions issues du rapport remis en novembre 2015 par Jean-Luc Martinez au président de la République. Cependant, elle a définitivement écarté de son champ la proposition longuement débattue visant à interdire pendant un an la vente hors du territoire national de tout bien culturel dont le certificat d’exportation aurait été refusé. Surtout, l’article 95 de la loi autorise le gouvernement à procéder par voie d’ordonnance à l’adaptation d’un certain nombre de dispositifs fondamentaux et ce, dans un délai d’un an.
Des réformes à venir par voie d’ordonnance
Parmi ceux-ci, les cas d’irrecevabilité des demandes de certificats d’exportation, ainsi que les contraintes attachées à la qualification de trésor national, la facilitation de l’action en garantie d’un acquéreur de bonne foi d’un bien culturel appartenant au domaine public ou encore l’harmonisation du droit de préemption de l’État en vente publique. Autant de mécanismes dont les conséquences s’avèrent fondamentales pour la préservation tant de l’intérêt de la nation que pour celui du marché. La voie de l’ordonnance n’offrira aucun débat parlementaire et permet, au contraire, toutes les spéculations possibles sur l’avenir de ces mécanismes au gré de l’intérêt qui parviendra à s’imposer.
Les nouvelles conséquences attachées à une importation illicite
Traduction de certaines propositions du rapport Martinez sur la protection du patrimoine en situation de conflit armé, de nouvelles dispositions du code du patrimoine viennent contraindre les importations illicites réalisées sur le territoire français aux termes de l’article 56 de la loi. Dès lors qu’un bien culturel, visé à l’article 1er de la Convention Unesco de 1970, est importé depuis un pays hors Union européenne, un certificat ou tout document équivalent est exigé sous peine de voir l’importation interdite. Le principe des « musées des saisies » est également consacré, permettant le dépôt au sein d’un musée de France de biens culturels saisis en douane en raison de leur sortie illicite de leur pays d’origine afin de les conserver et de les présenter au public pour le temps de la recherche de leur propriétaire légitime. Celui des « réserves-refuge » l’est également. Ainsi, « dans le cas où les biens culturels se trouvent dans une situation d’urgence et de grave danger en raison d’un conflit armé ou d’une catastrophe sur le territoire de l’Etat qui les possède ou les détient, l’Etat peut, à la demande de l’Etat propriétaire ou détenteur ou lorsqu’une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies a été prise en ce sens, mettre provisoirement à disposition des locaux sécurisés pour les recevoir en dépôt et en informe l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture ». Cette disposition ayant pour vocation de permettre la restitution des biens une fois la situation apaisée et d’en permettre l’exposition dans d’autres États, sous réserve d’accord préalable, le temps de leur détention. Et un cas de nullité exorbitant du droit commun est créé pour toutes les ventes ou donations réalisées au bénéfice d’une personne publique d’un bien dont l’importation contrevient à la Convention de 1970.
Le marché devra être particulièrement attentif au nouvel article L. 111-9 du code du patrimoine qui interdit d’importer, d’exporter, de faire transiter, de transporter, de détenir, de vendre, d’acquérir et d’échanger des biens culturels présentant un intérêt archéologique, artistique, historique ou scientifique lorsqu’ils ont quitté illicitement le territoire d’un Etat dans les conditions fixées par une résolution du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies adoptée en ce sens. Le champ d’interdiction et d’application est particulièrement vaste et les peines éventuelles conséquentes, puisqu’elles sont envisagées à l’article L. 114-1 du même code qui prévoit deux ans d’emprisonnement et 450 000 euros d’amende. Les œuvres et objets issus des territoires irakiens et syriens sont particulièrement visés, depuis la résolution no 2199 du Conseil de sécurité du 12 février 20152. Quant aux zones spécifiquement contrôlées par des groupements terroristes, le nouvel article 322-3-2 du code pénal pourra prendre le relais, conformément à la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement3.
Patrimoine culturel matériel et immatériel
Outre les biens mobiliers et immobiliers, l’article L. 1 du code du patrimoine intègre désormais les éléments du patrimoine immatériel, conformément au nouvel alinéa créé par l’article 55 de la loi. Cette extension entérine la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée à Paris le 17 octobre 2003. Sont notamment visées les traditions ou les expressions vivantes héritées et transmises, telles que les traditions orales, les arts du spectacle ou encore les connaissances et le savoir-faire nécessaires à l’artisanat traditionnel.
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La LCAP et le patrimoine culturel - articles 55, 56 et 95
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Abonnez-vous dès 1 €Jean-Luc Martinez © JOHN THYS / AFP