Le bourg de Vézelay, dans l’Yonne, compte à lui seul trois « Maisons des illustres » où ont vécu respectivement Romain Rolland, Christian Zervos et Jules Roy. Elles ont été inaugurées le 13 avril.
Vézelay (Yonne).« Vézelay est, aujourd’hui, la seule commune de France, Paris mis à part, qui réunisse trois Maisons des illustres », lance Lorant Hecquet, premier adjoint au maire de Vézelay, devant un parterre d’une bonne soixantaine de personnes réunies sous une grande tente plantée dans les jardins de la Maison Jules-Roy, à quelques dizaines de mètres de la basilique. Tout ce petit monde est venu, ce samedi 13 avril, assister à l’inauguration officielle des trois Maisons des illustres vézeliennes. Au menu : la visite des expositions « Jean Émile Laboureur » (peintre et graveur [1877-1943] présent dans la collection Zervos, il a également illustré le roman L’Âme enchantée de Romain Rolland) ; visite précédée d’une dizaine de discours célébrant Vézelay et la culture, facteur de développement économique pour ces territoires économiquement fragilisés.
En contrebas des terrasses des jardins : des champs, des crêtes boisées et, au loin, les collines granitiques du Morvan plongées dans le silence. « Vézelay, couronne de pierre sous les vergers de cerisiers en fleurs […] qu’y a-t-il de plus beau ? », s’extasie Jules Roy (1907-2000), le 26 avril 1985, dans le tome II de son Journal, sept ans après y avoir posé ses valises, « le cœur à vif ».
Outre la maison Jules-Roy, le label « Maisons des illustres » a été accordé, ces dernières années, à la maison Romain-Rolland et à la maison Zervos située à quelques kilomètres de Vézelay.
Créé en 2011, ce label est attribué par le ministère de la Culture à des demeures où ont vécu et brillé des hommes et des femmes qui ont marqué l’histoire, politique, sociale et culturelle de la France.
Magnétisme et force tellurique de la colline, aura de la basilique dédiée à Marie Madeleine, charme de ses ruelles et de sa ceinture de remparts et de bois à l’écart du bruit et de la fureur du monde…, comment expliquer que Vézelay ait attiré, au XXe siècle, tant de grandes figures de la littérature et des beaux-arts ? Que tout un pan de la vie intellectuelle et artistique française de l’avant et de l’après-Seconde Guerre mondiale soit venu se fixer sur ce contrefort calcaire planté aux portes du Morvan ?
Il y a ceux qui y sont venus en visite comme Picasso, Char et Éluard. Et ceux qui s’y sont installés, souvent dans la fleur de l’âge, pour s’y ressourcer et continuer d’écrire et de travailler. Tous sont des francs-tireurs, des rebelles, à l’instar de Romain Rolland (1866-1944), l’auteur d’Au-dessus de la mêlée, qui a vécu entre 1937 et 1944, rue Saint-Étienne, dans une maison de la ville basse. Une maison « petite, mais jolie, bien exposée avec un beau jardin assez grand descendant par terrasses étagées la pente de la colline », précise-t-il dans une lettre de décembre 1937 (Un beau visage à tous sens,éd. Albin Michel). C’est là qu’il a écrit notamment Le Voyage intérieur (1942). « Je suis toujours pénétré de la beauté de cette terrasse, de cette ville, du moindre tournant de rue qui se profile sur le ciel : c’est un des rares endroits de France où l’homme ait pu, comme en Italie, composer une œuvre d’art en harmonie avec la nature », observe-t-il dans une lettre adressée à sa sœur Madeleine (inédits de la correspondance de Romain Rolland, BNF).
C’est en 1937 également que Christian Zervos (1889-1970), créateur et éditeur de la revue Cahiers d’art et des éditions du même nom, acquiert, avec son épouse Yvonne, une fermette sans caractère au hameau de La Goulotte, à 3 km du bourg, avec une vue imprenable sur « la colline éternelle ». En 1970, avant de disparaître, Zervos a légué sa propriété et sa collection d’objets d’art à la municipalité de Vézelay. Cette émouvante collection réunissant quelques grands noms des arts du XXe siècle – Picasso, Ernst, Giacometti, Hélion, Léger, Calder – est abritée depuis 2006 au sein de l’ancienne maison de Romain Rolland devenue le Musée Zervos. Le Clos du couvent, troisième Maison des illustres de la commune, où Jules Roy s’est installé en 1978, n’est séparé que de quelques centaines de mètres du Musée Zervos. Pour s’y rendre, le cortège des « officiels » est passé, ce samedi 13 avril, devant deux autres demeures ayant appartenu à des écrivains et qui pourraient, qui sait, elles aussi, être honorées un jour de ce label. Le 59 de la rue Saint-Étienne a été habité en 1943, puis de 1945 à 1949, par l’écrivain et poète Georges Bataille qui y a écrit La Part maudite. Non loin, en grimpant vers la basilique, le groupe piétine, rue Saint-Pierre, devant la maison acquise en 1957 par l’homme de radio et de télévision, poète, romancier et critique Max-Pol Fouchet. À quelques kilomètres de là, en contrebas de Vézelay, à Asquins, a habité Maurice Clavel venu s’y poser à l’automne 1975. C’est là qu’il écrivit plusieurs ouvrages majeurs, là qu’il reçut Michel Foucault, André Glucksmann et d’autres qui formèrent le courant des « nouveaux philosophes ». Tous, à l’exception de Romain Rolland, ont été enterrés à Vézelay, au bout de la colline, au-dessus de l’enfilade de la vallée de la Cure, derrière la basilique où Jules Roy avait décidé de s’installer « par amour pour la belle annonciatrice de la Résurrection ».
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Vézelay fière de ses Illustres
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°523 du 10 mai 2019, avec le titre suivant : Vézelay fière de ses Illustres