ABOU DHABI / ÉMIRATS ARABES UNIS
La Fondation d’art Bassam Freiha (BFAF) inscrit le mouvement orientaliste au cœur de son projet.
Abou Dhabi (Émirats arabes unis). L’orientalisme passionne aussi l’Orient comme en témoigne l’inauguration, le 2 mars dernier, de la Bassam Freiha Art Foundation, qui précède le projet qatari du Lusail Museum, également consacré à l’orientalisme et prévu pour 2029 sous la houlette de Julia Gonnella, ancienne directrice du Musée de l’art islamique (MIA) de Doha. Cet intérêt s’inscrit dans le sillage d’un regain d’intérêt sur le marché de l’art pour ce mouvement, soutenu par la demande de collectionneurs arabes comme Bassam S. Freiha à l’origine de ce nouveau musée. Né à Beyrouth en 1939, ce dernier a repris et développé jusqu’aux années 2010 le groupe de presse panarabe Dar Assayad fondé par son père en 1943.
Il a demandé à l’architecte Rasha Gebran, née à Beyrouth et installée à Abou Dhabi de concevoir un bâtiment géométrique minimaliste, misant sur l’horizontalité et la transparence pour s’éloigner des stéréotypes orientalisants [voir ill.]. Cette empreinte libanaise à Abou Dhabi reflète le déplacement de la scène artistique et de l’effervescence culturelle de la région du Levant vers le Golfe persique. Le bâtiment a été construit à proximité du Louvre Abu Dhabi sur l’île de Saadiyat. C’est la première institution privée de l’Émirat (*).
Intitulée « Echoes of the Orient », l’exposition inaugurale repose sur la collection personnelle de l’homme d’affaires, rassemblée depuis les années 1970. On retrouve ainsi le goût du collectionneur pour l’œuvre de Fabio Fabbi, Léon-François Comerre, Rudolf Ernst, Paul Leroy, Jan-Baptist Huysmans et Maguelonne Lefebvre-Glaize, entre autres. L’originalité de l’exposition repose sur l’intégration de photographies d’époque et la juxtaposition avec les œuvres de peintres modernistes arabes.
Issues du fonds du photojournaliste et collectionneur américain Norbert Schiller, on découvre des reproductions de clichés réalisés en Afrique du Nord et au Proche-Orient, notamment ceux de Gabriel Lékégian, Tancrède Dumas et Jean Pascal Sébah. Commissaire de l’exposition et directrice de la fondation, Michaela Watrelot contextualise ainsi l’orientalisme : « Les photographies agissent comme un pont visuel entre les fantasmes orientalistes […] et les réalités vues à travers l’objectif stylisé des photographes occidentaux. » Cette mise en abyme critique de l’orientalisme, accentuée par le contraste entre le noir et blanc des photographies et la profusion des couleurs des toiles, s’inscrit non seulement dans le sillage des travaux d’Edward Saïd, mais également de celui de l’historienne de l’art Linda Nochlin.
Cette démystification se poursuit grâce aux toiles de modernistes arabes, tels que les Libanais Habib Srour, César Gemayel, Moustafa Farroukh et le Syrien Tawfik Tarek. Exposées conjointement aux œuvres des orientalistes occidentaux au fil d’un parcours thématique allant de la peinture de portrait à celle de paysage, on note l’importance des artistes du bassin levantin, dont plusieurs œuvres proviennent du fonds de la galerie Saleh Barakat à Beyrouth.
(*) La Fondation d’art Bassam Freiha est le premier « musée » privé sur l’Île de Saadiyat, pas de l’Émirat d’Abou Dhabi.
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Un premier musée privé à côté du Louvre Abu Dhabi
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°630 du 29 mars 2024, avec le titre suivant : Un premier musée privé à côté du Louvre Abu Dhabi