ABOU DHABI / ÉMIRATS ARABES UNIS
Le musée compte bien profiter de l’arrivée de nouveaux voisins prestigieux en 2025 pour augmenter sa fréquentation déjà respectable.
Abou Dhabi (Émirats arabes unis). Pendant longtemps, Le Louvre Abu Dhabi a été le seul musée sur l’île (qui ne ressemble plus vraiment à une île) de Saadiyat. Le « Louvre des sables » a été inauguré en 2017 et devait ouvrir plus ou moins en même temps que cinq autres musées et bien avant cette date. Mais la crise financière de 2007-2008 a bousculé le calendrier du richissime émirat. Depuis le prix du pétrole fait le yo-yo, mais est globalement orienté à la hausse, particulièrement depuis la guerre en Ukraine. Surtout, les autres pétromonarchies du Golfe que sont le Qatar et l’Arabie saoudite ont mis les bouchées doubles pour lancer de grands programmes d’investissement pour attirer les touristes. Deux bonnes raisons pour que l’émirat relance son quartier des musées : au moins deux, sinon même trois, grands musées devraient être inaugurés en 2025.
Prévu à l’origine en 2012, le Zayed National Museum (voir ill.) racontera l’histoire des Émirats arabes unis tout en célébrant la figure du fondateur de la fédération qui donne son nom au musée. Le bâtiment aux formes audacieuses, composé de cinq tours supposées représenter les ailes d’un faucon, est conçu par l’architecte britannique Norman Foster. Un temps associé au projet, le British Museum ne fait plus partie du casting, du moins officiellement. Ce qui n’est pas le cas du Guggenheim Abu Dhabi qui comme son nom l’indique est réalisé en partenariat avec le musée américain. Dessiné par Frank Gehry, l’édifice aux formes tout aussi audacieuses en cônes abritera une collection d’art moderne et contemporain.
Les deux nouveaux musées devraient être suivis d’un musée d’histoire naturelle en bordure de mer (voir ill.), composé de bâtiments blancs très géométriques noyés dans la verdure, dessinés par l’agence hollandaise Mecanoo. Il se pourrait cependant qu’un autre lieu culturel dame le pion aux trois musées cités : une version locale du japonais TeamLab qui offrira un espace numérique immersif. À vrai dire, le Louvre Abou Dhabi n’est pas complètement seul. Depuis mars 2023 est ouverte la gigantesque (mais tout est gigantesque dans le Golfe) Abrahamic Family House qui abrite une mosquée, une église et une synagogue, en tant que lieu de culte et centre culturel.
L’émirat reste très discret sur les dates d’ouverture et compte sur des annonces en série (vraisemblablement dans cet ordre : TeamLab, Musée d’histoire naturelle, Zayed Museum et Guggenheim Museum) et massive pour créer un effet de souffle. L’objectif est de conforter l’image d’une destination culturelle d’excellence face à la concurrence attendue de l’Arabie saoudite. Le tourisme est devenu un enjeu prioritaire pour les pays du Golfe qui préparent l’après-pétrole. Les EAU dans leur ensemble pointent déjà à la 12e place des pays les plus visités dans le monde avec 28 millions de visiteurs juste devant l’Arabie saoudite (mais les chiffres de l’Arabie saoudite comprennent les pèlerins de la Mecque). Il est difficile d’obtenir le nombre de touristes venant uniquement à Abou Dhabi, mais ce qui est sûr est que l’émirat ne veut pas se faire dépasser par Dubaï qui joue à fond la carte des loisirs et des centres commerciaux et n’investit pas beaucoup dans la culture, chasse gardée de son voisin et protecteur. Pour Manuel Rabaté, le directeur du Louvre Abu Dhabi : « Si on peut visiter le Louvre Abou Dhabi en une demi-journée en allant un peu vite, il sera impossible de visiter les cinq musées en une journée incitant de la sorte les touristes à séjourner plusieurs jours dans la capitale des émirats. »
Mais déjà le Louvre Abu Dhabi affiche d’honorables scores de fréquentation : 1,2 million de visiteurs sont venus en 2023 pour le musée et les animations autour du musée. 71 % sont des touristes et 29 % des locaux. Un ratio somme toute proche du musée parisien. Manuel Rabaté se félicite de ces bons chiffres qui confirment la mission du musée « d’être à la fois une attraction touristique et un lieu civique de développement du tissu social ». Les trois premières nationalités parmi les touristes sont les Indiens, les Chinois, et les Russes. Les Russes ? Oui, les Russes ! Malgré la guerre et les sanctions occidentales, les Russes continuent à faire du tourisme ailleurs qu’en Biélorussie ou en Transnistrie. En 2022, ils étaient 440 000 à être venus à Dubaï. Depuis l’émirat noie les chiffres russes dans l’ensemble plus vaste de la Communauté des États indépendants (CEI) et d’Europe de l’Est, mais l’on devine que les Russes constituent un grand nombre des pas moins de 2,26 millions de visiteurs en 2023 venus de la CEI.
Le Louvre Abu Dhabi s’appuie de moins en moins sur les prêts français pour ses expositions permanentes et temporaires. Comportant 6 000 numéros (dont de nombreuses photos et estampes), la collection s’est enrichie en 2023 de deux Picasso et un Fragonard (Les Marionnettes). Le musée se refuse à donner le budget d’acquisition et à commenter l’affaire des provenances douteuses, mais est plus prolixe sur le devenir de la collection. « En 2027, lorsque les prêts français sont censés s’arrêter, sauf si on rediscute, la collection doit rester universelle et on s’en approche. À l’ouverture, il y avait 60 à 70 % de prêts d’origine française et le reste provenant des collections du musée. Aujourd’hui ces taux sont inversés », explique Manuel Rabaté qui se félicite par ailleurs d’obtenir des prêts d’autres pays, dont la Jordanie, la Corée, les Philippines, le Mexique. « Cette diversité est importante, explique le directeur, car tous les visiteurs internationaux sont ravis de trouver des objets de leur culture. » L’an prochain, les visiteurs africains seront encore plus contents, car ils pourront découvrir « la plus grande exposition d’art africain de la région, intitulée “Rois et reines d’Afrique” ».
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Le Louvre Abu Dhabi ne sera bientôt plus seul
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°642 du 1 novembre 2024, avec le titre suivant : Le Louvre Abou Dhabi ne sera bientôt plus seul