PARIS
Le Musée du Louvre a annoncé qu’il venait d’acquérir deux trésors nationaux, La Dérision du Christ de Cimabue et le dessin Marine Terrace de Victor Hugo, et qu’il essayait d’en acheter un troisième par le biais d’une campagne de financement participatif.
Quand le prix d’acquisition d’une œuvre dépasse un certain seuil (300 000 € pour un tableau) et qu’elle est susceptible de quitter définitivement le territoire national, principalement dans le cas d’une vente, le vendeur ou son mandataire doivent demander un certificat d’exportation. Cette demande est soumise aux directeurs des grands départements patrimoniaux, en l’occurrence le directeur du département des peintures du Louvre pour les tableaux anciens. Ils ont ensuite quatre mois pour instruire le dossier et évaluer l’importance patrimoniale de l’œuvre. S’ils estiment que celle-ci est d’une importance exceptionnelle pour les collections nationales par son histoire, sa qualité, sa rareté, etc., ils demandent le passage devant la commission des trésors nationaux qui émet un avis soumis à la ministre. Si l’œuvre est classée, s’ouvre une période de 30 mois, qui déclenche une procédure d’acquisition. Au terme de ce délai, qui est aussi un temps d’étude de l’œuvre et de recherche de mécénat, l’État fait une offre. Ce classement ouvre un régime fiscal privilégié, qui peut permettre à une entreprise de bénéficier d’un abattement à hauteur de 90 %.
Nous recevons des dizaines de demandes par an, et jusqu’à 50 pour les peintures. Mais nous ne demandons le classement que pour un ou deux tableaux maximum. Par exemple, pour Chardin, nous recevons régulièrement des demandes de certificat d’exportation. Nous avons proposé à la commission Le Panier de fraises, car le tableau occupe une place éminente dans l’œuvre de l’artiste ; il s’agit de la nature morte la plus célèbre de la fin de sa vie. Le Louvre pourra ainsi donner à voir au public tous les grands moments de sa carrière, mais aussi son influence sur la peinture du XIXe siècle. Sa provenance prestigieuse a aussi pesé dans la décision : le tableau est, depuis son acquisition au XIXe siècle, resté dans la collection des descendants de Marcille, l’un des plus grands amateurs français de l’art du XVIIIe siècle. À l’inverse, le panneau de Cimabue était inconnu avant 2019.
L’instruction du dossier nous a permis d’approfondir son historique : l’œuvre, d’une rareté et d’une qualité absolues, est, selon toute probabilité, restée dans la même famille depuis le XIXe siècle. Son état d’encrassement constitue aussi un indice en ce sens. Surtout, quand les spécialistes l’ont étudiée, elle a fait l’unanimité quant à son attribution à Cimabue, le père de la peinture « moderne » au XIIIe siècle. Enfin, les études menées au C2RMF ont démontré que le panneau constituait l’élément majeur d’un retable dont deux autres panneaux sont conservés à la Frick Collection et à la National Gallery de Londres. Divers indices (trous de vers, pigments, coups de rabot, traces de peinture) nous permettent d’affirmer que ces trois scènes étaient, à l’origine, peintes sur la même planche.
Le Louvre essaie de récolter 1,3 million d’euros d’ici au 28 février pour boucler l’acquisition du Panier de fraises. Les deux tiers des 24 millions ont été versés par LVMH et une partie de la somme a été donnée par les Amis du Louvre.
24 millions
C’est le prix de La Dérision du Christ de Cimabue. L’essentiel de la somme provient des revenus de la licence de marque du Louvre Abu Dhabi. Une première dans l’histoire du Louvre.
« Du gagnant-gagnant, tant pour le musée que pour le mécène dont l’action se voit médiatisée. Au printemps, le musée comptera donc probablement un 42e Chardin. » Éric Biétry-Rivierre, Le Figaro, 7/11/23
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Sébastien Allard : « Trois nouveaux trésors nationaux pour le Louvre »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°770 du 1 décembre 2023, avec le titre suivant : Sébastien Allard : « Trois nouveaux trésors nationaux pour le Louvre »