Cristallisant les débats, la production d’énergies renouvelables cherche sa place entre protection du patrimoine et lutte contre le réchauffement climatique, pourtant les deux faces d’une même pièce.
France.À l’heure du réchauffement climatique, le patrimoine n’est pas seulement une affaire de vieilles pierres. Depuis 2009, le programme « Patrimoine naturel et Biodiversité » de la Fondation du patrimoine (pour lequel 18 lauréats de plus ont été annoncés en novembre dernier) a permis de soutenir plus de 350 projets liés au patrimoine naturel. En 2023, la fondation aura ainsi attribué 2 millions d’euros à des projets devant respecter des critères tels que la gestion durable d’un site naturel, la préservation de la biodiversité ou l’utilisation de matériaux locaux lors de rénovations. Pour Alexandre Giuglaris, directeur général de la Fondation du patrimoine, patrimoine naturel et patrimoine bâti sont, effectivement, « indissolublement liés ».
Cette approche est pourtant un sujet qui fait débat : celui de l’intégration des énergies renouvelables dans les paysages et aux abords des bâtiments protégés. Récemment, l’association Sites et Monuments a pris position contre plusieurs projets : la construction d’une centrale agrivoltaïque s’étendant sur 25 hectares de terres agricoles à Berrac, dans le Gers ; celle d’un hangar photovoltaïque à proximité de l’église romane de Chirat-l’Église, dans l’Allier ; et l’implantation d’un parc éolien à Illiers-Combray, le village de la « Tante Léonie » de Marcel Proust. Une implantation retoquée, le 4 octobre dernier, par le Conseil d’État, pour atteinte portée aux paysages due, notamment, à l’évocation de ce village dans l’œuvre de l’écrivain, en plus de son classement en tant que Site patrimonial remarquable.
« Que l’on mette des panneaux photovoltaïques sur des toitures plates de bâtiments industriels ou sur des parkings, cela ne nous gêne pas, explique Julien Lacaze, le président de Sites et Monuments. En revanche, du point de vue paysager, c’est ce qu’il y a de pire, et au sein des sites patrimoniaux et des villes en général, c’est terrible. Cela crée une esthétique chaotique… Pour une production qui est anecdotique », assure-t-il. Pour lui, le nucléaire est préférable face à une efficacité relative des énergies renouvelables, du fait de leur production éparse et intermittente. « Le fait que chacun ait son bout de panneau photovoltaïque sur son toit pour une production qui est dérisoire, ce n’est pas de l’efficacité énergétique : ce sont des dégradations », assène-t-il.
Face à lui, le président d’une autre association s’inscrit en faux. Martin Malvy, à la tête de Sites et Cités, rappelle que « la production d’énergie a toujours engendré des difficultés. Mais aujourd’hui, il ne faudrait pas prendre le prétexte du désagrément environnemental pour s’opposer à la montée en puissance des énergies renouvelables », réplique-t-il tout en reconnaissant que « produire de l’électricité à partir de panneaux solaires dans les centres anciens n’est pas sérieux quand on envisage l’apport à la création d’énergie que peuvent fournir des territoires aussi faibles que ceux-là ». La résolution de ce débat n’est peut-être pas si éloignée. La science du développement durable progresse rapidement, apportant des solutions qui pourraient mettre tout le monde d’accord, à l’image des tuiles solaires thermiques.
Une circulaire conjointe des ministères de la Culture, de la Transition énergétique et la Transition écologique du 9 décembre 2022 vient d’ailleurs préciser la réglementation de l’installation des panneaux solaires : l’intégration des panneaux photovoltaïques, notamment des fameuses tuiles solaires thermiques, dans les Sites patrimoniaux remarquables est permise, dès lors qu’il y a une compatibilité avec la conservation du patrimoine et du paysage. Des exceptions sont aussi prévues pour les abords des monuments historiques, en particulier dans le cas d’implantations au sol ne portant pas atteinte aux monuments. « Il faut être nuancé, reconnaît Julien Lacaze. En matière de panneaux photovoltaïques, on a fait énormément de progrès dans leur aspect. Ces fausses tuiles pourraient même être un argument pour sauver certaines églises de la fin du XIXe siècle, qui ont de grands pans de toiture. »
Chez Sites & Monuments, on le rappelle aussi : les centres anciens ne représentent plus que 1 % des métropoles. Les zones d’implantation de panneaux solaires ne concernent donc que très rarement des sites ou bâtiments protégés. « Quant aux territoires sur lesquels on peut installer des éoliennes, il y en a d’autant plus qu’elles sont, aujourd’hui, suffisamment hautes pour aller capter plus de vent qu’il y a seulement une dizaine d’années », souligne Martin Malvy.
Valérie Charollais, présidente de la Fédération nationale des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, voit les oppositions aux énergies renouvelables comme une « réaction culturelle et une impréparation des esprits, nourrie par quelques lobbys ». Elle considère que « bien d’autres objets auraient pu déclencher les foudres d’associations locales ». Selon elle, « les gens ne perçoivent pas le gain immédiat de la transition écologique. Si nous ne faisons pas très rapidement levier avec une culture citoyenne de la transition écologique, nous allons dans le mur… »
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Panneaux solaires, éoliennes… Une difficile cohabitation
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°624 du 5 janvier 2024, avec le titre suivant : Panneaux solaires, éoliennes… Une difficile cohabitation