Le Musée de l’art prohibé rassemble des œuvres inédites censurées pour raisons religieuses, sociales ou politiques.
Barcelone (Espagne). Situé en plein cœur de Barcelone, non loin de la Casa Batlló et de La Pedrera, chefs-d’œuvre architecturaux d’Antoni Gaudí, le Musée de l’art interdit a ouvert ses portes dans l’élégante Casa Garriga Nogués, un édifice moderniste du début du XXe siècle. Présenté sur son site Internet comme le premier musée au monde consacré à l’art « censuré, attaqué, dénoncé ou retiré d’une exposition », le nouveau musée barcelonais réunit plus de 200 œuvres issues de la collection du journaliste espagnol Taxto Benet (né en 1957). C’est en 2018 que ce dernier commence sa collection, avec l’achat de l’œuvre Prisonniers politiques dans l’Espagne contemporaine de Santiago Sierra, qui avait été retirée en quelques heures de la foire Arco (Madrid) pour éviter toute polémique. Dans son musée, sur deux étages, se côtoient désormais des œuvres d’art aussi diverses que Les Caprices de Francisco de Goya (1799), série de gravures satyriques, des séries de photographies BDSM de Robert Mapplethorpe et le Filippo Strozzi en Lego (2016) de la série des portraits de dissidents politiques d’Ai Weiwei, parmi d’autres peintures, sculptures, installations et pièces audiovisuelles controversées.
Le style très contemporain de la scénographie, qui invite à déambuler entre les salles de manière ludique, sans sens de visite imposé, souligne l’ambition plus touristique que culturelle du lieu, dans la lignée d’autres jeunes musées privés de Barcelone. Pensé par son fondateur comme un centre de réflexion sur la liberté d’expression, le musée explique l’histoire de chaque pièce exposée, par un cartel et un QR code qui renvoie vers une fiche plus détaillée. Néanmoins, il n’y a pas de parcours thématique, ni d’histoire générale faisant le lien entre les œuvres, qui ont pour seul point commun d’avoir été, un temps, interdites.
Elles sont particulièrement bien mises en valeur, ce qui rend la visite agréable. Les murs sont peints selon la couleur la plus adaptée à l’œuvre, dans des espaces tamisés ou baignés de lumière, dans le respect des qualités esthétiques de chaque création. L’installation de l’artiste franco-algérienne Zoulikha Bouabdellah, Silence Rouge et Bleu (2015), retient particulièrement l’attention. Placée dans un écrin aux murs décorés et moulurés, elle présente une succession de tapis de prière musulmans sur lesquels ont été posées des paires d’escarpins nacrés, afin de questionner la place des femmes dans la religion musulmane.
La statue d’une Femme réconfortante des artistes coréens Kim Seo-Kyung et Kim Eun-Sung (2019), présentée dans une salle entièrement peinte en blanche, se démarque par sa dimension méditative, représentant avec subtilité le lourd sujet des Coréennes réduites en esclavage sexuel par les Japonais durant la Seconde Guerre mondiale. À l’inverse, d’autres œuvres, allant du portrait de Donald Trump nu (Make America Great Again, 2016) par Illma Gore au Ronald McDonald crucifié intitulé McJesus de Jani Leinonen [voir ill.], ont vocation à choquer au premier abord.
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Les œuvres d’art censurées ont leur musée à Barcelone
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°622 du 1 décembre 2023, avec le titre suivant : Les œuvres d’art censurées ont leur musée à Barcelone