Grèce - Vandalisme

L’artiste dont les œuvres ont été vandalisées en Grèce explique sa démarche

Par Fabien Perrier · lejournaldesarts.fr

Le 14 mars 2025 - 560 mots

Un député d'extrême droite a attaqué des œuvres de Christoforos Katsadiotis lors d'une exposition à la Pinacothèque d'Athènes.

Christoforos Katsadiotis. © Chrikats1971, 2017, CC BY-SA 4.0
Christoforos Katsadiotis.
Photo Chrikats

« Je respecte les croyances de chacun et ne veux offenser personne. » Tels sont les mots que livre l'artiste graveur grec Christoforos Katsadiotis (né en 1971) au Journal des Arts alors qu'il se retrouve au cœur d'une polémique en Grèce. Lundi 10 mars, un député du parti d'extrême droite Niki (« Victoire »), Nikolaos Papadopoulos, est entré dans la Pinacothèque d'Athènes. Selon le musée, l'élu aidé d’un complice a « violemment détaché du mur » quatre œuvres intitulées Icône 1, Icône 16, Icône 17 et Saint Christophe représentant des vierges sur le mode des icônes orthodoxes, mais déformées et un Saint-Christophe mi-saint, mi-animal. Ensuite, il « les a jetées par terre, les brisant. » L'élu a justifié cet acte en expliquant que les tableaux exposés étaient « blasphématoires ».

Christoforos Katsadiotis qui vit en France, rejette l’accusation de blasphème. Si ces œuvres sont présentées dans son pays natal, c'est parce qu'elles font partie d'une exposition temporaire intitulée « Le Charme de l'étrange ». Celle-ci est organisée parallèlement à une autre exposition, dans le même musée, intitulée « Los Caprichos » (Les Caprices), consacrée à une série d'eaux-fortes de Goya.

Comme l'explique Syrago Tsiara, historienne de l'art et directrice de la Galerie nationale, dans son introduction à l'exposition, cette série du peintre et graveur espagnol « marque l'apogée d'un imaginaire créatif libéré, à son apogée, des contraintes imposées par le mécénat, dans une célébration de l'absurdité de l'existence. » Pour elle, « Le Charme de l'étrange » visait à montrer « des œuvres d'artistes anciens et contemporains qui embrassent, explorent et représentent l'étrange, l'hybride, l'inclassable et le grotesque » dans la perspective du travail de Goya. En ce sens, Christoforos Katsadiotis précise : « ce travail n'est pas un acte de dévotion. Les pièces présentées ne sont pas des images d'église. Ce sont des œuvres d'art. » Ainsi, insiste-t-il, « ces images dialoguent avec les œuvres de Goya exposées à la Pinacothèque dans lesquelles il utilisait la déformation de ses sujets pour dire certaines choses. »

Est-ce ce qui ne passe pas en Grèce, un pays qui ne connaît pas la séparation de l'Église et de l'État et dans lequel la religion orthodoxe est considérée comme constitutive de l'identité ? Si l'artiste reconnaît qu'il est « intéressant de considérer comment la société, la politique, utilisent la religion comme outil de contrôle et d'encadrement des masses en usant de la menace, de la peur et de l'obscurantisme », il ne cherche toutefois pas à « séduire ou à convaincre » mais, dit-il en substance, à faire réfléchir.

En évoquant « la religion, notre mythologie moderne », selon ses mots, Christoforos Katsadiotis a donc heurté l'extrême droite, celle-là même qui, en décembre 2023, s'en était déjà pris à une artiste grecque, Georgia Lale. L'objet des critiques était, cette fois le drapeau grec revisité en hommage aux victimes de violences sexuelles. Georgia Lale avait fabriqué un drapeau composé à partir des draps, roses ou fleuris, de 22 femmes assassinées. L'œuvre, exposée au consulat grec de New York, avait suscité une polémique en Grèce et avait été retirée sur injonction du ministre des Affaires étrangères de l'époque après que Dimitris Natsios, un autre député du parti Niki avait porté la polémique dans l'enceinte du parlement. Pour Christoforos Katsadiotis, il y a, entre les deux histoires, un parallèle à tracer : « le même public s'est senti offensé, des gens qui n'autorisent pas la liberté d'expression. » Quitte à s'attaquer à l'art.

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