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ENTRETIEN

Les ambitions du directeur des musées de Marseille

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 26 mars 2020 - 1145 mots

MARSEILLE

Xavier Rey, directeur des musées de Marseille, vient d’être renouvelé à son poste pour trois années supplémentaires. Il expose au Journal des Arts son action et ses ambitions pour les institutions dont il a la charge.

Xavier Rey. © Ville de Marseille.
Xavier Rey.
© Ville de Marseille.
Marseille vient de fêter les 150 ans du palais Longchamp en renouvelant l’accrochage du Musée des beaux-arts, en rouvrant le Musée Grobet-Labadié et en entamant la rénovation du Muséum d’histoire naturelle. Quelles sont vos ambitions pour le site Longchamp ?

Le palais Longchamp, l’un des quatre grands chantiers « musée » de 2013, a relancé l’ensemble Longchamp. L’un des objectifs était de rouvrir le Musée Grobet-Labadié, nous y sommes arrivés. Nous avons pu voir à quel point ce musée bénéficie de l’engouement actuel pour les cabinets de curiosités, l’encyclopédisme du XIXe siècle dont il est l’un des héritiers, l’authenticité de certains lieux préservés. Une première tranche de travaux de 700 000 euros va être engagée, avec le soutien du Département [des Bouches-du-Rhône], à l’horizon 2021, pour revoir la muséographie et la mise aux normes muséales. L’idée est de créer un parcours pour les visiteurs qui pourront monter jusqu’à Longchamp en moins de dix minutes de tramway de la Canebière.

Le pôle Longchamp, qui est dorénavant unifié administrativement, va être un des hauts lieux de Manifesta [biennale d’art européenne]. L’inauguration au grand public de sa 13e édition, le 6 juin prochain, se fera à Longchamp.

Le Musée des beaux-arts a bénéficié d’un effort financier très important pour la restauration de la collection, qui est un malheureux cas d’école d’attaque de stégobium [insectes friands de colle à base de farine, utilisée par les restaurateurs dans les années 1980] et qui continue de peser sur la capacité du musée à présenter ses œuvres.

Le palais Longchamp est un magnifique palais, un des rares musées de « première génération », mais son architecture n’est pas pratique. Le sens de l’histoire veut qu’il y ait un jour une proposition nourrie par la réaffectation des collections d’autres musées.

Le Musée d’art contemporain (MAC) n’avait pas bénéficié des grands travaux de 2013. Il est actuellement en chantier : est-ce dans la perspective de Manifesta ?

Le MAC ne sera pas rouvert à temps. Mais sa réhabilitation sera un des legs de Manifesta à la Ville de Marseille, puisque cela entérine la renaissance du MAC, dont les équipes ont contribué grandement à Manifesta hors les murs, dans tous les musées de Marseille où plus de la moitié des événements auront lieu.

Au MAC, les seules transformations concernent le hall d’accueil dont la hauteur va être doublée pour présenter des œuvres de grande taille, et surtout consistent en la création d’un rooftop avec un bar-restaurant pour entériner l’investissement du MAC dans la vie du quartier. Les travaux dureront jusqu’au début de l’année 2021.

La Vieille-Charité a mis en place une intense programmation ces dernières années. Est-ce un des volets d’action pour faire de Marseille un « cluster » culturel ?

On a la satisfaction d’avoir énormément réinvesti dans la programmation culturelle et d’avoir eu la réponse positive du public. Depuis septembre 2017, nous avons une programmation continue, alors que l’exposition « Jack London » de septembre 2017 venait après plus de dix-huit mois d’interruption de programmation de grandes expositions. Nous enchaînons en juin avec un énorme projet porté dans le cadre de Frame (French Regional & American Museum Exchange), « Le surréalisme dans l’art américain », pour coller à Manifesta et accueillir le congrès Frame qui se réunit cette année à Marseille.

À la Vieille-Charité, nous programmons aussi des événements en lien avec le Centre international de la poésie. Surtout, l’École des hautes études en sciences sociales a fait le choix, avec son nouveau président, de concentrer son existence hors région parisienne, sur Marseille et la Vieille-Charité. Cela s’est matérialisé dans un souci convergent, pour le monde académique et celui des musées, de médiation, dans la création du festival « Allez savoir » dont la première édition s’est tenue en 2019.

Le Musée de la marine et de l’économie de Marseille a fermé ses portes en février 2019. Que va devenir la collection de 5 000 objets appartenant à la CCI de Marseille ?

La chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence a été contrainte de fermer son musée. Mais elle a adopté une démarche exemplaire vis-à-vis de son patrimoine. Elle a mis en place un chantier des collections de haut niveau avec la volonté de financer cette démarche coûteuse. Et elle s’est rapprochée des partenaires les plus pertinents pour chaque pan d’une collection multiforme. C’est en cours et un groupe de travail réunit les archives départementales, les archives municipales, le MuCEM et les musées de Marseille pour une conservation optimale de la collection.

Les musées de Marseille ont remporté en janvier le prix « Osez le musée ». Quelle satisfaction en tirez-vous ?

Pourquoi Marseille intéresse-t-elle en plus haut lieu ? Parce qu’elle est un petit morceau de France. De ce point de vue, être un musée à Marseille, c’est être, plus que les autres, face aux ambitions inclusives et participatives qui sont aujourd’hui les missions assignées par le corps social aux musées. Ce prix vient couronner le fait que nous réussissons à Marseille et que nous n’avons pas attendu les débats sur la polyphonie des musées pour la mettre en pratique. C’est un encouragement de l’État à continuer et une manière de valoriser nos actions auprès de nos décideurs et de nos financeurs.

Un « musée » subaquatique pour Marseille

Insolite. Initialement prévu pour ouvrir à l’été 2019, le Musée subaquatique de Marseille (MSM) s’était heurté à l’incompréhension et à l’inquiétude des associations de riverains et de défense du littoral marseillais, qui avaient saisi le tribunal administratif, lequel avait suspendu le projet en référé. Un an plus tard, les questions de sécurité des nageurs ont été résolues par la mise en place d’une surveillance pérenne de la « zone muséale » à quelques mètres de la plage des Catalans, et le projet a été remis sur les rails par ses responsables en vue d’une ouverture du site à l’été 2020. À cause de ces retards, le sculpteur Jason deCaires Taylor, célèbre pour ses sculptures sous-marines et auteur du premier musée du genre sur l’île de la Grenade en 2005, puis du Musée subaquatique d’art de Cancún (Mexique), ouvert en 2010, ne fera finalement pas partie du projet marseillais. L’artiste a préféré installer ses œuvres entre les îles de Lerins, au large de Cannes, pour une exposition prévue, elle aussi, en 2020. Le musée présentera une dizaine de sculptures, de dix artistes ayant travaillé sur le thème de la mer à l’anse du Pharo, à Marseille. Depuis le 12 mars, une exposition marseillaise permet de juger de la cohérence de l’ensemble, avant l’immersion à cinq mètres de profondeur des sculptures, coulées dans un béton inerte. L’inauguration du site est prévue pendant le Congrès mondial de la nature de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) qui se tiendra en juin à Marseille.

 

Francine Guillou

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°541 du 13 mars 2020, avec le titre suivant : Xavier Rey : « faire face aux ambitions inclusives et participatives des musées »

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