MARSEILLE
Un an après son arrivée à la tête des musées de la Ville de Marseille, Xavier Rey explique sa feuille de route et ses premières réalisations.
Ancien élève de l’ENS-Ulm et de l’Institut national du patrimoine, diplômé d’un master en science du management à HEC, Xavier Rey est entré au Musée d’Orsay en 2010 en tant que conservateur pour en devenir en 2013 directeur des collections. Il dirige les musées de Marseille depuis février.
C’est une ville qui m’intéressait beaucoup : je pressentais que c’était un moment très important pour elle – peut-être plus que pour d’autres villes à ce moment-là ; que le contexte muséal était un véritable défi, dans un « après 2013 » tout à fait nouveau, avec une culture mise en avant auprès des Marseillais, des Provençaux, un nouveau visage du tourisme et de la ville, autour de nouvelles infrastructures dans la culture au sens large. Participer à cette nouvelle étape des musées de Marseille était donc tout à fait passionnant et correspondait au défi politique de ce changement de poste. D’un point de vue culturel et intellectuel, c’est formidable : Marseille a les collections les plus diverses, d’une grande excellence, qui couvre des périodes allant de -4000 av. J.-C. avec les collections égyptiennes, jusqu’à l’art contemporain – y compris la mode –, une rareté en dehors de Paris... Mais qui se sait très peu au niveau national et international ! Et c’est justement ce défi qui m’intéresse. Je me suis aperçu – notamment à partir du moment où je me suis porté candidat et où j’ai construit mon projet – à quel point énormément de choses de très haut niveau avaient été produites à Marseille sans que cela ne se sache, ne serait-ce qu’à Paris ! Je vais prendre un exemple très précis : l’exposition « Mission Mode » à l’automne 2016, dernier projet de Christine Germain-Donnat au Musée Borely, était issue d’un partenariat avec le Musée de la Légion étrangère, sur un sujet de la mode d’après-guerre, avec un propos novateur, des pièces merveilleuses qui mêlaient les deux collections, un double volet d’expositions, une publication remarquable. Au moment où je construisais mon projet pour Marseille, personne n’était au courant à Paris d’une telle exposition !
J’arrive avec un projet post-révolution des musées, fondé sur une évolution de long terme et raisonnable. Il ne faut pas rêver de grand soir : j’ai tout de suite compris que certains grands projets marseillais n’avaient pas abouti, car trop ambitieux. Le dernier en date était un grand projet pour l’art contemporain qui incluait la Vieille Charité. Après 2013 et les investissements consentis alors, il est impossible de mobiliser 300 millions d’euros et Norman Foster. Il faut donc poursuivre la réorganisation impulsée en 2013, en proposant un nouveau projet autour de deux axes principaux, l’un pour la Vieille Charité, en cours de définition et l’autre pour le Musée d’art contemporain.
La Vieille Charité, ou plutôt le « Centre de la Vieille Charité » puisqu’il ouvre en 1983 dans le sillage du Centre Pompidou comme un centre d’art et de culture transversal, avait une vocation pluridisciplinaire. À l’origine, il hébergeait des musées, des centres de recherches, une antenne de l’Institut national de l’audiovisuel, une salle de cinéma. L’enjeu est de renouer, dans le contexte d’aujourd’hui, avec cette ambition intellectuelle en travaillant la dimension populaire du lieu. La Vieille Charité est devenue un endroit de plus en plus visité avec reconquête de la façade maritime et l’ouverture du Mucem. Il y a là un énorme potentiel pour un bâtiment totémique.
Il y a certes un problème régulier, mais sporadique d’ouverture de certains musées, cela est perfectible. La politique des deux musées de la Vieille Charité est particulière. Ce sont de petites entités avec une programmation remarquable, mais moins visible. Aujourd’hui, ces deux musées sont écrasés dans le site qui les accueille, un des plus beaux chefs-d’œuvre français du XVIIe siècle. Nous travaillons à une plus grande visibilité.
Le MAC était déjà un élément très précis de mon projet : considéré comme excentré, son audience avait décru et son équipement a été laissé en suspens, dans la perspective d’un déménagement éventuel. Avoir un musée à Bonneveine [au sud du centre-ville, ndlr] me semble important et le supprimer serait très dommageable pour cette partie de la ville, qui n’aurait alors plus que le Musée Borély. J’ai donc défendu l’idée que le MAC renaisse là où il est, dans un bâtiment que je trouve très intéressant, avec le défi qu’il devienne le musée de son territoire. La Ville m’a entendu et a débloqué les crédits de la première tranche de travaux portant sur l’accueil dès cette année, puis d’autres tranches viendront ensuite. Il y a aussi une réflexion autour de l’intégration urbanistique du musée. Petit détail, j’ai demandé que l’arrêt de bus « Haïfa Marie Louise » porte dorénavant le nom du Musée d’art contemporain.
Il me semble qu’il y a un intérêt nouveau pour ce type de musée de donateurs qui, il y a quinze ans, intéressait peu les publics et les professionnels. Ce sont des « touts » laissés dans leur jus, qui retrouvent progressivement la lumière. Les travaux de rénovation vont commencer, et ce musée va constituer un ensemble très complémentaire avec le Musée des beaux-arts qui lui fait face.
On attend de MP2018 une capitalisation et une pérennisation de l’offre culturelle. Je n’ai pas moins le tournis ici qu’à Paris devant cette offre : je souhaite que les musées soient davantage intégrés dans cette offre nouvelle. La Friche de la Belle de Mai, le Mucem, les différentes institutions culturelles, cela crée un écosystème qui est bon pour tout le monde : les musées appellent les musées !
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Xavier Rey, directeur des musées de la Ville de Marseille : « il faut Poursuivre la réorganisation impulsée en 2013 »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°496 du 2 mars 2018, avec le titre suivant : Xavier Rey, directeur des musées de la Ville de Marseille : « il faut Poursuivre la rÉorganisation impulsÉe en 2013 »