Frédéric Payraudeau a mis en évidence le cartouche de Ramsès II sur un bas-relief publié en 2017. Une découverte qui éclaire l’histoire des pillages organisés.
Égypte. Ramsès II, le pharaon le plus illustre du Nouvel Empire, a longtemps fait chambre commune avec Séthi Ier dans la vallée des Rois. Son tombeau pillé, la momie du roi d’Égypte avait en effet trouvé refuge dans la chambre funéraire de son père. Le mobilier funéraire qui devait accompagner Ramsès II pour l’éternité reste donc largement inconnu, jusqu’au cercueil en or, disparu durant l’Antiquité, et les sarcophages qui l’entouraient. Mais un grand bas-relief découvert par l’archéologue égyptien Ayman Damrani en 2009, alors qu’il était réemployé dans le sol d’une église copte à Abydos, lève le mystère.
Dans ce fragment, dont une première étude a été publiée en 2017, Frédéric Payraudeau – directeur de la Mission française de fouille à Tanis et maître de conférence à la Sorbonne – a identifié l’un des pans de la grande cuve en granit qui contenait le corps du souverain. « Dès 2017, j’avais l’intuition qu’il s’agissait du sarcophage de Ramsès II, explique l’égyptologue. J’ai émis des doutes dans une note de bas de page passée un peu inaperçue, puis j’ai voulu aller plus loin, et j’ai demandé des photographies au collègue américain qui avait étudié la dalle. » Auteur de la première publication, l’égyptologue américain Kevin Cahil attribue ce sarcophage au grand prêtre Menkhéperrê, souverain de la Haute Égypte durant la XXIe dynastie (1069-943 avant notre ère). Il note aussi que le nom de ce dernier a été gravé au-dessus d’un autre, qu’il identifie comme celui d’un prince encore inconnu, dont le sarcophage aurait été réemployé par le grand prêtre. L’objet est pourtant décoré du Livre des Portes, un texte sacré dont la représentation est réservée aux souverains, et non aux princes.
Cet attribut royal comme la facture de grande qualité de l’objet mettent Frédéric Payraudeau sur la piste d’un pharaon, et plus précisément de Ramsès II, dont il identifie ensuite formellement le cartouche royal à l’examen des photographies scientifiques et des imageries en trois dimensions fournies par son homologue américain. Ce rapprochement entre Ramsès II et ce sarcophage en granit éclaire les pratiques funéraires de la XIXe dynastie (1295-1188 avant notre ère), indiquant un usage progressif de la pierre dure pour les sarcophages.
Le réemploi du sarcophage de Ramsès II par un souverain de la XXIe dynastie, deux cents ans plus tard, permet également de comprendre une pratique du pillage institutionnalisé durant ces temps troublés. « On sait depuis longtemps qu’il y avait un pillage populaire dans la vallée des Rois, de la part d’artisans, parfois même ceux qui travaillaient sur les tombes. Mais les militaires qui prennent le pouvoir lors de la XXIe dynastie vont également prendre l’or là où il est, pour financer leurs guerres et leur train de vie. Ils vont probablement utiliser le pillage populaire pour justifier leur propre pillage : quand on voit la masse des sarcophages de pierre, il fallait une vraie logistique pour les ouvrir et les déplacer, qui n’est pas celle de simples voleurs. »
En choisissant comme demeure éternelle le sarcophage de Ramsès II, le grand prêtre Menkheperrê cherchait également à s’inscrire dans un héritage glorieux : son frère, qui règne sur la Basse Égypte, fera de même en réemployant le sarcophage du successeur de Ramsès II, tout comme son père qui avait choisi d’être inhumé dans le sarcophage de Thoutmôsis Ier. « C’est une stratégie politique globale, que l’on discerne petit bout par petit bout, explique l’égyptologue. Ces pillages n’étaient pas seulement une réponse aux problèmes économiques, mais aussi vecteurs de prestige. La nouvelle capitale de la XXIe dynastie, Tanis, a ainsi été construite avec les fragments de Pi-Ramsès, capitale de Ramsès II. »
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Le sarcophage de Ramsès II identifié par un égyptologue français
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°635 du 7 juin 2024, avec le titre suivant : Le sarcophage de Ramsès II identifié par un égyptologue français