AMSTERDAM / PAYS-BAS
Le musée d'Amsterdam élargit le corpus du peintre à 37 numéros, malgré les doutes de certains experts.
En prévision de son exposition phare sur Johannes Vermeer, le Rijksmuseum d'Amsterdam a reconsidéré l’attribution de trois tableaux, selon lui issus de la main du célèbre peintre néerlandais.
Il s’agit en premier lieu de La Jeune fille à la flûte (1665–1670) de la National Gallery of Art de Washington, qui venait pourtant d’être désattribuée en octobre dernier par le musée américain à la suite d’un examen scientifique détaillé. L'équipe de conservateurs, de restaurateurs et de scientifiques avait estimé que l'auteur de la peinture avait bâclé la superposition des pigments, donnant une finition grossière à l’œuvre, peu conforme à la précision et l’exigence du maître de Delft. « La qualité n'est pas à la hauteur des standards de Vermeer » précise le musée américain sur la fiche descriptive du tableau. Celui-ci est présenté comme une œuvre d'atelier dans l'exposition « Vermeer's Secrets », qui se tient dans la capitale américaine jusqu'au 8 janvier 2023. Pieter Roelofs, conservateur au Rijksmuseum, a déclaré au quotidien amstellodamois Het Parool : « Il est prêté [par Washington] en tant que "non-Vermeer", mais nous l'accrocherons comme un vrai Vermeer », ajoutant d’un ton badin : « Le doute disparaîtra au-dessus de l'océan, pendant le vol ».
La deuxième peinture nouvellement attribuée par le Rijksmuseum, La Sainte Praxède, est peut-être la plus ancienne de Vermeer encore conservée. Probablement réalisée en 1655 alors que l’artiste avait 22 ans, c’est une copie d'une œuvre du peintre baroque Felice Ficherelli (1605-1660) originaire de San Gimignano en Toscane. La Sainte Praxède a été identifiée pour la première fois en 1969 comme une possible copie de Vermeer en raison d'une signature apparente, par un petit nombre d'érudits. Arthur Wheelock, ancien conservateur à la National Gallery of Art pendant 45 ans et spécialiste du peintre, soutient cette attribution tandis que d’autres experts comme Walter Liedtke, du Metropolitan Museum of Art de New York, ou Jørgen Wadum du Mauritshuis de La Haye l’ont réfutée. Le tableau avait été exclu de l'exposition « The Young Vermeer » qui s'était tenue à La Haye, Dresde et Édimbourg il y a une dizaine d’années. Elle a en revanche été incluse dans une exposition Vermeer à Rome en 2012-2013, sous la direction de Wheelock et Liedtke. La Sainte Praxède s'est vendue chez Christie's à Londres le 8 juillet 2014 pour 6,2 millions de livres sterling (7,85 millions d’euros). Le tableau a ensuite été prêté au Musée national d'art occidental de Tokyo, où il est exposé avec la mention « attribué à Johannes Vermeer ». Un examen technique effectué par le Rijksmuseum a conduit à sa pleine acceptation dans l’exposition.
La troisième attribution concerne la Jeune femme assise au virginal (1670-1672), provenant de la collection du milliardaire américain Thomas Kaplan. Malgré des doutes initiaux quant à son authenticité, une analyse technique du Rijksmuseum est plus formelle, bien que le tableau ait probablement été retravaillé en partie après la mort du peintre.
Le corpus attribué à Vermeer s'est donc étendu au cours des dernières décennies. Le catalogue d'Albert Blankert de 1975 qui fait autorité (Vermeer in Delft) comprenait 31 œuvres pleinement acceptées et il y a quelques années encore, de nombreux spécialistes avaient estimé ce nombre à environ 34 peintures. Aujourd'hui donc, le Rijksmuseum affirme que ce nombre est de 37, les commissaires néerlandais ayant essayé d’obtenir l’intégralité du corpus actuel pour leur exposition.
Néanmoins, il devrait y avoir neuf absents. Deux tableaux ne peuvent être prêtés en raison des conditions imposées par leurs legs et se trouvent tous deux au Metropolitan Museum of Art de New York : Une jeune fille assoupie (1657) et Portrait d'une jeune femme (1665-1667). Trois Vermeer sont trop fragiles pour voyager : La Leçon de musique (début des années 1660, Royal Collection, Londres), Jeune femme à l'aiguière (vers 1662, Metropolitan Museum of Art) et Une femme jouant de la guitare (1670-1672, Kenwood House, Londres). Un des plus grands chefs-d‘œuvre de l’artiste, L'art de la peinture (1666, Kunsthistorisches Museum, Vienne) ne fera pas le déplacement en raison de sa fragilité et de son importance pour les visiteurs du musée autrichien. Elle avait cependant été prêtée six fois entre 2000 et 2008.
Le Louvre prêtera sa célèbre Dentellière (1666-1671) mais pas L'Astronome (1668) actuellement au Louvre Abu Dhabi dans le cadre d'une convention qui dure jusque juin 2023 (le mois de la fermeture de l'exposition du Rijksmuseum). En revanche, le pendant de L'Astronome, Le Géographe (1669) du Musée Städel de Francfort, sera exposé. Le dernier Vermeer qui va échapper au musée néerlandais est La jeune fille au verre de vin (1659-60) du Herzog Anton Ulrich-Museum de Brunswick, en Allemagne. Bien qu'il ait été prêté à Dresde l'année dernière, la galerie a déclaré qu'il s'agissait d'une œuvre trop importante pour le musée et qu'elle ne pensait pas pouvoir prêter ce tableau fragile.
L’exposition du Rijksmuseum s'annonce comme la plus grande jamais réalisée sur l'œuvre de Johannes Vermeer, avec 28 tableaux réunis ensemble pour la première fois. Ses conservateurs espèrent même qu'un ou deux tableaux supplémentaires puissent encore être amenés à participer à l'exposition avant son ouverture le 10 février 2023.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le Rijksmuseum authentifie opportunément trois tableaux de Vermeer avant son exposition de 2023
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €