Le musée de Picardie se tourne vers l’avenir

Un édifice XIXe révélé, une extension XXe magnifiée et un nouveau bâtiment qui s’intègre harmonieusement aux côtés du bâti ancien qui l’entoure : l’extension du Musée de Picardie, qui s’apprête à rouvrir le 1er mars, est une réussite architecturale aux multiples et subtils points de vue.

Il fallait pourtant de l’imagination aux architectes Catherine Frenak et Béatrice Jullien, assistées de l’architecte du patrimoine Jennifer Didelon, pour repenser ce musée construit entre 1855 et 1867 sur une parcelle très contrainte, faisant face à la préfecture de Picardie, en plein centre d’Amiens. Faire du pavillon Maignan, extension inaugurée en 1929 en l’honneur du peintre Albert Maignan (lire encadré ci-contre), à la fois l’entrée et le centre névralgique du musée, était un pari osé, mais réussi. En déportant l’entrée du musée à l’arrière du palais principal, les architectes ont totalement repensé les espaces d’accueil.

Désormais, le pavillon fait le lien entre le palais XIXe, l’extension contemporaine et le sous-sol avec ses voûtes en briques gagnées sur la chaufferie dans les années 1980. « Il s’agissait de rentrer dans une conversation longue » avec les bâtiments, commente Catherine Frenak, devant l’extension contemporaine. En fond de parcelle, celle-ci se déploie en une colonnade gracile et rythmée, se pliant aux proportions du pavillon Maignan. Le bâtiment, en béton préfabriqué, « une matière que l’on contrôle et qui ne s’affiche pas comme de la fausse pierre », selon le duo d’architectes, abrite les locaux techniques et administratifs, un auditorium et des salles pédagogiques. Les larges baies vitrées offrent de riches jeux de regards entre les époques, y compris avec les colombages de la façade de la maison Moitié remontée dans le patio du musée, vestige d’un Amiens du XVIIe siècle. La jonction entre le pavillon et le palais, traité en transparence, met l’accent sur un nouvel escalier de service aux courbes élégantes.

Un des axes majeurs du projet, le réaménagement de la cour d’honneur et la suppression des grilles d’origine en façade, a été amendé en cours de route. La cour d’honneur, classée avec l’intégralité du bâtiment en 2012, a gardé sa grille, son péristyle et son bassin peuplé de lions, à la satisfaction de la Société des antiquaires de Picardie, pères fondateurs du musée, toujours présents dans les murs de l’institution.
 

Le plus frappant pour les habitués du musée sera sûrement la redécouverte des espaces intérieurs, dont le premier étage était fermé au public depuis une dizaine d’années pour des raisons de sécurité. Ce palais des arts, le premier à être conçu comme tel hors de Paris sous Napoléon III, a retrouvé au premier étage la polychromie et les motifs décoratifs recouverts de couches de peintures blanches depuis des décennies. « Les sondages et les dizaines de tests de peintures nous ont permis de nous approcher le plus possible de l’état originel des décors », explique Jennifer Didelon. Dans la rotonde de l’impératrice, un décor anthracite à palmettes dorées a été révélé grâce à des milliers d’heures de travail des restaurateurs. « La difficulté a consisté à doser la restauration pour retrouver la bonne patine », confie l’architecte du patrimoine.

Au rez-de-chaussée, la muséographie conçue dans les années 1990 par les designers Sylvain Dubuisson et Martin Szekely, de belle facture, a bien résisté au temps. « Ce qui était daté, c’était les éléments du projet en désaxement, très populaire dans les années 1990 » et qui ont été replacés selon une implantation plus moderne, détaille Béatrice Jullien. Une simple reprise des peintures et des cartels selon la nouvelle charte graphique a suffi à redonner du frais aux salles. Au sous-sol, les collections archéologiques, au départ en dehors du périmètre du chantier, ont aussi subi un lifting avec un changement de fonds de vitrine et un resoclage complet des objets.