ROUBAIX
Le Musée d’art et d’industrie André Diligent gagne 2 000 mètres carrés supplémentaires au terme de travaux qui auront duré deux ans. Ces espaces permettent de mieux mettre en valeur l’histoire locale et ses collections de sculpture moderne tout en offrant un deuxième lieu pour les expositions temporaires.
Roubaix. En octobre 2001, lorsque la Piscine-Musée d’art et d’industrie André Diligent ouvre ses portes à Roubaix, son directeur Bruno Gaudichon sait déjà que le musée est appelé à s’agrandir : « en réalité, l’état de 2001 était calibré sur des collections de 1990 », explique-t-il aujourd’hui. Entre la rédaction du projet initial et l’inauguration du musée, les collections se sont enrichies d’œuvres importantes, mais il était alors trop tard pour les inclure dans le premier parcours muséal.
Dix-sept ans plus tard, le même directeur et le même architecte sont à la manœuvre de l’extension qui vient mettre en lumière les collections d’un musée dont le succès public et critique ne se dément pas. Après deux ans de travaux, dont six mois de fermeture, et un budget de 9,3 millions d’euros (TTC), la Piscine a rouvert le 20 octobre dernier. Au total, 2 800 mètres carrés supplémentaires (dont 2 000 mètres carrés accessibles au public) portent la surface du musée à 8 000 mètres carrés. Cette extension concerne trois espaces différents : dans le prolongement du bassin qui a fait sa renommée, une aile neuve, le long de l’entrée historique de la piscine, une galerie neuve et dans un ancien collège attenant, des ateliers de pratique artistique, une tissuthèque et les bureaux du personnel.
Désormais, un passage permet aux visiteurs d’accéder à l’aile neuve par le bassin : si elle reste le cœur de la visite, la piscine Art déco de l’architecte lillois, Albert Baert est prolongée par une aile minérale et épurée, décloisonnée au maximum. Jean-Paul Philippon a pris le parti de l’ultra-sobriété pour présenter des œuvres sur l’histoire de Roubaix et des sculptures figuratives du XXe siècle. Sans esbroufe, l’architecte joue avec la lumière avec bonheur et sans monotonie.
La nouvelle salle sur l’histoire de Roubaix, entièrement financée par le mécénat, s’organise autour d’un immense panorama de l’inauguration de l’hôtel de ville de Roubaix, conçu pour l’exposition internationale du Nord de la France en 1911. L’œuvre de 78 mètres carrés sera restaurée en direct devant les visiteurs durant les premières semaines d’ouverture du musée : retrouvée dans les greniers de l’hôtel de ville dans les années 1990, elle nécessite une restauration complète. Ce somptueux hôtel de ville, œuvre de l’architecte Victor Laloux, témoigne de la richesse industrielle de la ville au tournant du XXe siècle. Dans une deuxième section, des portraits de Roubaisiens sont exposés, dont un étrange vitrail représentant Mamadou N’Diaye, figure de l’immigration roubaisienne décédée en 1985.
La nouvelle galerie consacrée à la sculpture moderne offre quant à elle de très belles séquences thématiques. On y croise, l’air de rien, La déchirée, petit bronze de René Iché que l’on croyait perdu et retrouvé en 2007 chez un receleur de Pontoise (dépôt du Fonds national d’art contemporain). Cette statuette de femme, seins nus et bras levés, croise la grande histoire : elle aurait servi à financer la Résistance. Dans la section autour de la thématique du travail, le Grand Paysan de Dalou côtoie LaDouleur de Constantin Meunier dans des jeux de regards et de perspectives. Bourdelle, Maillol, Lipchitz, Laurens, Rodin… Les signatures plus ou moins connues s’égrainent, pas forcément avec les œuvres les plus attendues.
La restitution fidèle de l’atelier d’Henri Bouchard (1875-1960) fruit de son transfert depuis le site parisien d’origine en 2007, est très réussie. L’œuvre du sculpteur est un bel exemple de la sculpture académique et de la commande publique de la IIIe République et de l’entre-deux-guerres. Certains ont critiqué cette présentation de l’œuvre de Bouchard à Roubaix : l’itinéraire de l’artiste et son attitude durant l’Occupation disqualifieraient sa présentation. Rapportant la citation de Karl Marx « celui qui ne connaît pas l’histoire se condamne à la revivre », Bruno Gaudichon a fait le choix de maintenir l’atelier en le contextualisant d’un texte de salle long et circonstancié. Attenante, une petite salle proposera des expositions-dossiers sur la relation ambiguë entre programmes officiels et engagement personnel de l’artiste. Giacometti et son portrait de Rol-Tanguy, militant communiste et héros de la Résistance, inaugurent le cycle dans une exposition dense et passionnante.
Enfin, une nouvelle galerie permet d’exposer de manière permanente la collection du musée dite du « Groupe de Roubaix », formation informelle d’artistes du Nord de la France entre les années 1940 et 1970. La collection, issue d’un premier noyau acheté par la ville en 1997, n’a cessé de s’agrandir depuis et nécessitait des salles dévolues. Collectionneurs ambitieux, galeristes engagés, et artistes locaux : l’hommage fait par la Piscine à ce mouvement ne manque pas de panache et fait du musée le scrutateur attentif de son propre territoire. Après son histoire industrielle et humaine, le musée clôt son nouveau parcours sur l’histoire artistique de Roubaix. La boucle est bouclée.
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La Piscine de Roubaix change de dimension
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°510 du 2 novembre 2018, avec le titre suivant : La Piscine de Roubaix voit plus grand