TROYES
La Cité du vitrail, inaugurée en décembre dernier à Troyes, présente le riche patrimoine vitré du département, dans un parcours hybride, entre muséographie beaux-arts et centre d’interprétation.
Troyes. Le conseil général de l’Aube aime égrener quelques chiffres dans sa communication touristique et culturelle : 9 000 mètres carrés de vitraux anciens, 2 048 baies protégées au titre des monuments historiques, 1 042 datant du XVIe siècle. Sans équivalent en Europe, ce patrimoine vitré irrigue tout le département, des plus petites communes rurales, au chef-lieu, Troyes. Il fallait un équipement digne de ce nom pour le valoriser et en faire un véritable argument touristique. Inaugurée en décembre, la Cité du vitrail troyenne forme désormais la « porte d’entrée » sur cet ensemble patrimonial.
Installée dans l’Hôtel-Dieu-le-Comte, en plein cœur du centre-ville troyen, la cité offre un parcours en deux temps. Sous les combles de l’ancien hôpital se développe la partie didactique et informative sur l’art du vitrail. Dans ce début de parcours, la conservatrice des lieux, Anne-Claire Garbe, souhaite profiter de la « fraîcheur du cerveau » des visiteurs pour poser les bases techniques, historiques et artistiques du vitrail. « On s’est rendu compte que quand le public n’avait pas de réponses à quelques questions techniques, il ne rentrait pas dans le sujet », fait-elle savoir. Où, quand, combien ça coûte : la première salle répond très directement à toutes ces questions.
Dans les réponses, on est loin de l’esthétisation des métiers d’art : le vitrail est présenté comme un médium intégré à une sphère économique, « de la commande à la pose ». Une commande datée de 1500 et un appel d’offres de 2013 sont ainsi mis en parallèle, démontrant qu’avant le geste artistique, la volonté politique préside à la création de cet art très présent dans l’espace public. Le processus de commande des vitraux de la cathédrale de Sens, connu jour par jour grâce aux archives, est détaillé à la sortie de cet espace, où une projection lumineuse montre aussi les gestes du savoir-faire verrier.
Pour compléter cette partie technique, une histoire de l’art du vitrail condensée en sept points présente quelques pièces remarquables. Il ne s’agit pas de conforter le visiteur dans l’image médiévale et religieuse du vitrail, bien que le XVIe siècle aubois tienne une bonne place sur ces cimaises. L’art vitré est présenté comme bien plus ancien, avec des exemples datant de la période paléochrétienne, et pas forcément destiné aux édifices religieux. De beaux vitraux civils, comme ceux de l’hôtel des Arquebusiers, sont montrés. La scénographie soignée concilie deux objectifs : évoquer le contexte architectural des vitres, en utilisant tout le vocabulaire de la serrurerie et présenter les vitraux comme des œuvres d’art. Une lumière diffuse valorise ces pièces, tout en rappelant l’éclairage naturel de leur contexte originel.
À cette partie dense en informations, succède un parcours semi-permanent qu’Anne-Claire Garbe a imaginé comme un lieu « contemplatif ». Les larges proportions de la salle des malades, transformée en un white cube généreusement baigné de lumière naturelle, servent d’écrin à une trentaine de vitraux venus des quatre coins du monde et de toutes les époques. Une baie islamique du Caire – dépôt du Louvre –, un grand vitrail Art déco signé Jacques Simon représentant un bolide, deux baies XVIe siècle d’une église de la région, et même une grande création contemporaine de Kehinde Wiley : ce parcours épuré et peu bavard est propice aux pertes de repères temporelles et stylistiques.
Dans la grande chapelle [voir ill.], où les baies permettent de présenter les vitraux dans un environnement presque comparable à celui de leur lieu d’origine, l’atmosphère invite aussi à la contemplation. Pour l’ouverture de la Cité, sont ainsi présentés les vitraux d’une église auboise actuellement en restauration, et aussi ceux créés par l’atelier Le Chevallier pour Notre-Dame de Paris dans les années 1930. Un véritable morceau d’histoire de l’art, puisque ces figures religieuses au traitement dur et géométrique ont été pionnières dans l’introduction de l’art contemporain dans les monuments historiques, et avaient été à l’origine d’une querelle animée. Déposés depuis la Seconde Guerre mondiale, ces vitraux retrouvent vie dans la lumière auboise.
La petite salle dite du « trésor » abrite le vitrail le plus précieux présenté à la Cité : un vitrail troyen du XIIe siècle, qui ornait la première cathédrale romane de la ville. Retrouvée en salle des ventes en 2018, cette pièce recherchée a été acquise par le conseil général pour une somme dérisoire (3 000 €). Elle est l’une des rares à appartenir à l’institution. Le but ici n’est pas de constituer une collection, mais d’offrir un lieu pour montrer des pièces en dépôt, venues des collections nationales, ou des vitraux déposés pour restauration, dans l’Aube ou ailleurs en France.
La collection de la Cité est aussi disséminée dans tout le territoire aubois, sur les baies des églises rurales qui forment la « route du vitrail ». Grâce à une application Internet créée cet été et à la médiation de la Cité du vitrail – dans lequel il a investi 15 millions d’euros –, le département de l’Aube incite les visiteurs à découvrir ce patrimoine in situ.
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La Cité du Vitrail, une vitrine du patrimoine aubois
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°602 du 6 janvier 2023, avec le titre suivant : La Cité du Vitrail, une vitrine du patrimoine aubois