Musée

Jacquemart-André retrouve son lustre

Par Isabelle Manca-Kunert · Le Journal des Arts

Le 6 septembre 2024 - 859 mots

PARIS

Le musée appartenant à l’Institut et géré par Culturespaces a bénéficié d’importants travaux de rafraîchissement et de restauration.

La cour rénovée du Musée Jacquemart-André. © Culturespaces / Nicolas Héron
La cour rénovée du Musée Jacquemart-André.
© Culturespaces / Nicolas Héron

Paris. « Il faut que tout change pour que rien ne change. » La fameuse phrase du Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa (1896-1957) semble avoir guidé la philosophie des travaux qui s’achèvent au Musée Jacquemart-André. Le cossu établissement parisien cultive en effet depuis son ouverture, il y a 111 ans, l’illusion d’une demeure habitée. La dernière occupante semble tout juste avoir quitté les lieux et cette impression de pénétrer dans la maison d’un collectionneur joue pour beaucoup dans l’atmosphère qui séduit les visiteurs du site. Il était donc important de respecter autant que possible l’âme des lieux. Mission accomplie car de prime abord les travaux sont des plus discrets. Il faut dire que la toiture et les façades côté boulevard Haussmann ont déjà été refaites, il y a une dizaine d’années. « Toutefois cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu de grands travaux ayant un impact sur le public, explique Pierre Curie, le conservateur du musée. Nous sommes ouverts 365 jours par an donc nous avons dû attendre qu’il y ait un renouvellement de la concession pour fermer quatorze mois et entreprendre de gros travaux qui n’avaient jamais été réalisés et qui étaient très nécessaires, comme la rénovation de la cour. Le public se plaignait énormément de ses petits cailloux et nous aussi car on en retrouvait dans tout le musée : c’était poussiéreux en été, boueux en hiver et dangereux par temps humide. Il y a déjà eu plusieurs chutes avec des bras et des jambes cassés ; il fallait vraiment intervenir. Nous avons donc remplacé ce sol par des pavés clivés qui ne sont pas glissants. » Un choix validé par la direction régionale des Affaires culturelles (DRAC), comme la totalité des interventions, puisque le site est classé « monument historique ». Autre changement, de nouveaux candélabres jusqu’ici entreposés en morceaux dans les réserves ont été restaurés et réinstallés à proximité du nouveau rond central végétalisé créé par l’entreprise Esprit Jardin dans l’esprit du site à son inauguration.

De nombreuses œuvres restaurées

Cette réhabilitation, si elle est la plus visible, n’est en réalité qu’une facette de ce chantier à 6,5 millions d’euros, dont la maîtrise d’œuvre a été confiée conjointement à l’agence Goutal et Eugène Architectes. À l’intérieur, les salles et les collections ont ainsi bénéficié de travaux aussi conséquents que discrets. La majorité des œuvres et des objets ont été restaurés, ou a minima bichonnés, tandis que l’éclairage a été repensé pour être plus économe et respectueux des normes de conservation préventive. Si l’étage a été peu touché par les travaux, à l’exception du nettoyage de certains éléments sculptés et de la restauration fondamentale des grandes tapisseries, le rez-de-chaussée a profité de travaux de grande envergure.

Le fumoir du Musée Jacquemart-André. © Culturespaces / Nicolas Héron
Le fumoir du Musée Jacquemart-André.
© Culturespaces / Nicolas Héron

La mue la plus spectaculaire est assurément celle du fumoir. « Les murs de cette pièce avaient été repeints en vert, sans doute pour s’accorder avec le décor du plafond, mais une photographie ancienne nous montre qu’ils étaient rouges », avance Pierre Curie. Nous les avons donc remis dans leur couleur d’origine et nous avons également refait les rideaux à l’identique grâce à un échantillon ancien. Cette pièce représente l’intervention la plus lourde car nous avons par ailleurs restauré toutes les œuvres et tous les meubles. Le plafond, dont des morceaux s’étaient déjà détachés, a également été consolidé et restauré. » L’aménagement général du fumoir a en outre été repensé pour mieux coller avec l’esprit de bric-à-brac éclectique typique du goût du couple Jacquemart-André.

Autre chantier majeur : l’escalier d’honneur dont les marbres, stucs, dorures et parties en métal ont été nettoyés, reconstitués ou restitués selon leur état. « Nous avions une inquiétude sur la solidité de sa structure car elle n’a évidemment pas été conçue pour accueillir 400 000 personnes par an. Mais la bonne surprise c’est qu’elle est très robuste donc nous n’avons pas eu à la consolider, mais uniquement à reprendre le décor et nettoyer la verrière », confie le conservateur.

Fresque de Giambattista Tiepolo (1696-1770) restaurée, au plafond du salon de thé du Musée Jacquemart-André. © Culturespaces / Nicolas Héron
Fresque de Giambattista Tiepolo (1696-1770) restaurée, plafond du salon de thé du Musée Jacquemart-André.
© Culturespaces / Nicolas Héron

Seule la fresque du plafond, restaurée il y a une vingtaine d’années, n’a pas été concernée par les travaux. Contrairement à la seconde fresque de Tiepolo (1696-1770), installée dans le salon de thé depuis 1896 et qui n’avait jamais été décrassée depuis. Les restaurateurs qui lui ont rendu toute sa fraîcheur ont eu la mauvaise surprise de constater que le plafond avait été découpé en quinze morceaux lors de son achat en Italie. Pour réaccorder l’ensemble et dissimuler les coutures, les décorateurs parisiens avaient alors abondamment repeint la composition à l’huile, donnant au ciel un caractère étrange. Plus d’un siècle plus tard, les experts ont repris ces lacunes de manière plus vertueuse à l’aquarelle et aux crayons. Résultat, l’œuvre gagne en clarté et en luminosité. Elle est de plus sublimée par la remise en peinture des murs en gris beige, la couleur d’origine retrouvée par sondages, une teinte bien plus seyante que le blanc que l’on connaissait jusqu’ici. Pour la réouverture, l’art transalpin est donc plus que jamais célébré dans cet hôtel particulier. Célébration qui se poursuit pour la réouverture le 6 septembre avec l’exposition consacrée aux trésors de la galerie Borghèse, un autre temple du collectionnisme.

Musée Jacquemart-André,
réouverture le 6 septembre 2024, 158 boulevard Haussmann, 75008 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°638 du 6 septembre 2024, avec le titre suivant : Jacquemart-André retrouve son lustre

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