La Dame à la Licorne [voir ill.], du même Raphaël, La Cène de Bassano, Le Garçon à la corbeille de fruits du Caravage, ou la Vénus bandant les yeux de l’Amour de Titien (qui joue les doublures de prestige pour Amour sacré et amour profane, trop fragile pour voyager) : le casting romain de Jacquemart-André est exceptionnel. Le scénario choisi pour mettre en scène ces chefs-d’œuvre suit le parcours de Scipion Borghèse, le richissime cardinal à l’origine de cette collection abritée dans sa villa du mont Pincio. « Nous avons fait attention à ne pas nous arrêter à la mort du cardinal, précise toutefois Pierre Curie, c’est une collection qui s’est constituée sur deux siècles. »
Scipion reste néanmoins le personnage principal de la constitution de la collection, un protagoniste en clair-obscur, à l’image des œuvres du Caravage qu’il a accumulées. Les premières qu’il acquiert racontent la toute-puissance d’une famille qui fait de l’art un outil de pouvoir : elles proviennent de la collection personnelle du Cavalier d’Arpin (1568-1640), un artiste qui a travaillé pour les Borghèse et dont l’atelier est saisi de manière arbitraire en 1607 par l’oncle de Scipion, le pape Paul V. Une centaine d’œuvres collectionnées par le peintre entrent ainsi en possession du jeune cardinal.
Soutien aux peintres et sculpteurs, captation des richesses artistiques : l’histoire de la constitution de cette collection d’art italien d’envergure occupe la première moitié du parcours, permettant au visiteur de comprendre une telle concentration d’œuvres majeures. Si elle s’essouffle un peu dans les deux dernières salles thématiques, l’exposition reste bien menée, avec un effort de médiation et de présentation qui ne se repose pas sur la simple exhibition de chefs-d’œuvre.
Les effets conjugués de la réouverture du musée après un an de travaux et de la célébrité de la collection Borghèse, ainsi qu’une jauge de visiteurs généreuse ont grossi de manière prévisible les rangs des visiteurs. Le musée n’a pourtant pas profité de son chantier de rénovation pour apporter une solution à cette situation contraignante, déjà constatée lors des expositions « Caravage à Rome » en 2018 ou « Botticelli, artiste et designer » en 2021-2022. Nocturnes, allongement des horaires de visite, réduction du quota journalier de visiteurs et gestion des flux prise en compte dans la scénographie, il est à souhaiter que le musée active quelques-uns de ces leviers avant l’arrivée d’Artemisia, la nouvelle star de l’art ancien.
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Concentration de Maîtres anciens à Jacquemart-André
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°641 du 18 octobre 2024, avec le titre suivant : Concentration de Maîtres anciens à Jacquemart-André