ROME / ITALIE
Bibliothèque idéale du voyage en Italie, la collection “Grand Tour" imaginée par Franco Maria Ricci s’enrichit d’un nouvel ouvrage. Consacré à la villa Borghèse à Rome, le livre décrit et analyse le fastueux décor de cette demeure princière, construite au XVIIe siècle par Scipion Borghèse et transformée en musée au siècle suivant.
Rouverte après de longues années de travaux, la villa Borghèse à Rome dévoilait en 1994 ses peintures d’Antonello Da Messina, Raphaël, Dosso Dossi, Titien, Corrège, Rubens, Dominiquin et Caravage, ses sculptures du Bernin et ses mosaïques antiques. Très attendu, cet événement fit passer au second plan la découverte des salles restaurées de l’élégante demeure suburbaine, édifiée au début du XVIIe siècle par Scipion Borghèse (1579-1633), neveu du pape Paul V, puis réaménagée et transformée en musée par Marcantonio IV Borghèse (1730-1808) au siècle suivant. C’est à cet homme réservé et féru d’art que l’on doit la décoration de la villa, le remaniement des façades et le réaménagement du parc. En étroite collaboration avec son architecte, Antonio Asprucci, le prince conçut les espaces intérieurs mais aussi les ornements, pièces de mobilier, objets d’art et compositions peintes de cette immense demeure, dont les éditions Franco Maria Ricci (FMR) proposent une découverte originale. Seules la villa et son ornementation sont en effet abordées dans ce luxueux ouvrage qui, à l’exception de certaines sculptures, parties intégrantes du décor des salles, ne reproduit ou ne commente aucune des œuvres (déjà bien connues) du musée. La lecture débute sur un plaisant essai de l’historien de l’art Gianni Guadalupi, qui brosse à travers un chapitre aux allures de saga l’histoire de la famille Borghèse. L’auteur revient notamment sur la figure de Scipion Borghèse, “esprit cultivé et raffiné” autant que mécène sans scrupule. Prêt à tous les subterfuges pour obtenir les toiles de son choix, le cardinal a accumulé dans sa villa du Pincio des tableaux de Raphaël, du Titien ou de Corrège, et des œuvres des plus grands artistes de son temps (Guido Reni, Lanfranco, Le Caravage, Les Carrache, Le Bernin…). Cherchant à rivaliser avec son illustre ancêtre, Marcantonio IV Borghèse est devenu le plus grand mécène collectionneur romain de la seconde moitié du XVIIIe siècle. À la tête d’une armada de peintres (Francesco Caccianiga, Tommaso Maria Conca, Domenico Corvi, Domenico De Angelis, Bénigne Gagneraux, Gavin Hamilton, Cristoforo Unterperger), sculpteurs (Luigi Valadier, Tommaso Righi), mosaïstes, menuisiers, ébénistes et doreurs, il mit en œuvre avec Asprucci l’un des projets décoratifs les plus ambitieux et novateurs de son temps. “La rénovation de la villa Borghèse, explique Anna Coliva, directrice du musée, est l’un des moments les plus complexes de toute l’histoire figurative du XVIIIe siècle parce qu’elle enferme dans un même lieu et dans un même moment tous les aspects d’une réalité artistique : certains courants issus du XVIIe siècle et encore très vivaces à Rome ; le baroque finissant [...] ; l’essor de la peinture de paysage dans la plus pure tradition du XVIIe siècle, qui se prête à de grandes compositions décoratives ; l’apparition d’un style nouveau qui tente de traduire ces langages avec une rigueur et un sens de la ligne accrus et qui pose les bases du néoclassicisme.” Cohérence et symétrie caractérisent en effet la mise en page de chacune des salles, analysées dans leurs moindres détails par l’historienne de l’art Caterina Napoleone. Le lecteur parcourt en sa compagnie la salle d’Apollon et Daphné, aménagée autour de la statue du Bernin, la galerie des Empereurs, dont la richesse éblouissante a contribué à la renommée de la villa, ou encore la salle du Vase. Décorée par Gavin Hamilton autour du thème de “Pâris et Hélène”, cette pièce constitue l’un des exemples les plus achevés mais aussi les plus précoces du style néoclassique en Europe. Terminée en 1784, elle précède en effet d’une année la présentation à Rome du Serment des Horaces de David. Par un heureux hasard de l’histoire, c’est dans cette salle, à laquelle elle n’était pas destinée à l’origine, qu’a trouvé place la Pauline Borghèse en Vénus victorieuse de Canova. “Œuvre parfaite, symbole même du néoclassicisme, elle fut placée là par des mains sans doute inconscientes, manière de sceller [...] le terme du long parcours qu’Asprucci avait dû accomplir afin qu’il fût possible d’arriver jusqu’à elle”, conclut Anna Coliva. Un dictionnaire des artistes qui ont décoré la villa complète ce volume dont la qualité des textes le dispute à la splendeur des photographies.
Villa Borghèse, éd. FMR, “Collection du Grand Tour", 190 p., 112 ill., présenté en coffret, sous couverture de soie noire, 125 euros.
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Le charme discret de la villa Borghèse
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°175 du 29 août 2003, avec le titre suivant : Le charme discret de la villa Borghèse