Château

Le château de Versailles

Catherine Pégard : « Ne pas perdre un jour »

Présidente de l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles

Par Lorraine Lebrun · Le Journal des Arts

Le 24 mai 2021 - 1178 mots

VERSAILLES

Catherine Pégard, qui s’apprête à quitter ses fonctions, dresse un bilan provisoire des conséquences de la crise sanitaire sur l’activité du château de Versailles durant sa fermeture au public, avant d’évoquer les modalités de sa réouverture.

Catherine Pegard. © Thomas Garnier
Catherine Pegard.
© Thomas Garnier

Présidente du Château de Versailles depuis 2011, Catherine Pégard (66 ans), dont le mandat se terminait en avril, assure l’intérim en attendant la nomination de son ou sa successeur(e). Dans le contexte des confinements successifs, l’ancienne journaliste puis conseillère du président Nicolas Sarkozy a dû faire face à une chute brutale des recettes de l’établissement tout en devant continuer les travaux de restauration.

Comment le château et les équipes ont-ils traversé cette période singulière ?

Nous l’avons traversée ensemble, avec le souci des uns et des autres sur le plan personnel, mais aussi avec l’envie de faire vivre le château malgré tout. Lorsque nous avons fermé les grilles pour la première fois, nous pensions déjà au moment où nous allions les rouvrir, avec l’idée qu’il fallait être prêt dès que cela serait possible. L’absence du public et le silence qui s’est abattu sur le domaine sont chaque jour un peu plus incompatibles avec le lieu.

En parallèle, il y avait cette volonté de ne pas perdre un jour pour restaurer le château. Il y avait donc, dans cette bulle de silence, une vraie activité grâce aux entreprises et aux équipes qui ont poursuivi leur travail.

Pourquoi est-ce important de maintenir un niveau d’activité ?

Toute journée que l’on perd aujourd’hui est un retard pris pour ceux à qui nous transmettrons le château. Et pour les lieux qui sont restés trop longtemps livrés à eux-mêmes, toute restauration sera encore plus difficile dans l’avenir. Une interruption trop longue des chantiers serait un drame. Sur ce plan, la sauvegarde du château est un défi de tous les instants, et c’est la régularité des chantiers qui fait que l’on ne se trouve pas, d’un coup, confrontés à une urgence terrible.

Quand je suis arrivée à la présidence du Château, j’ai demandé la liste des « urgences » à traiter, ce à quoi nous nous sommes attelés. Le dernier chantier en date, c’est celui de la chapelle royale, qui est maintenant terminé après presque quatre années de travaux. Si tout va bien, la chapelle n’aura normalement plus besoin de lourdes interventions pendant un siècle.

D’autre part, nous avons pris conscience de ce que représentaient ces chantiers pour ceux qui venaient travailler ici. Le château a une dimension d’entreprise dont on ne parlait pas il y a encore quelques années, avec une capacité à mobiliser des artisans, qui, sinon, perdraient leurs savoir-faire. Et c’est une source d’emplois non négligeable : par exemple, la centaine d’artisans qui sont intervenus sur le chantier de la chapelle ont eu du travail pendant quatre ans.

Comment financer ces chantiers dans la période actuelle ?

Le modèle économique du château a été, c’est vrai, très affecté par la crise. Nous ne le retrouverons pas, à un niveau satisfaisant, avant un certain temps. Aujourd’hui il faut souligner l’importance de l’engagement de l’État à travers le plan de relance, qui a accordé au domaine 87 millions d’euros sur deux ans pour les travaux, l’investissement et le fonctionnement. Nous avons pris un engagement ferme, celui de mener à bien de nombreux chantiers pour s’inscrire dans l’esprit de cette aide exceptionnelle. De surcroît, nous avons reçu du Département des Yvelines une subvention d’urgence de 15 millions d’euros sur trois ans. Le président du conseil général, Pierre Bédier, sait que le château a aussi un rôle dans l’irrigation culturelle et économique du territoire. Enfin, il y a nos mécènes. Tous ces soutiens s’additionnent pour assurer la pérennité du château.

À quel point le château est-il dépendant du mécénat ?

Il nous est indispensable et fait partie intégrante de l’histoire du château. À chaque moment douloureux, il y a eu une mobilisation de l’État comme des mécènes, de la part des particuliers aussi bien que des entreprises. Ce fut le cas lors de la Seconde Guerre mondiale et, plus récemment, lors de la grande tempête de 1999 qui avait ravagé le parc. Aujourd’hui encore certains chantiers, pourtant nécessaires, n’auraient tout simplement pas été ouverts sans le mécénat : c’est le cas de l’appartement de la comtesse Du Barry, dont nous avons pu commencer la restauration grâce à l’engagement d’Axa. Ces appartements n’avaient pas connu de restaurations depuis 1943. Mais les entreprises sont très sollicitées et il ne vous étonnera pas que les causes humanitaires puissent, en ce moment, paraître à certains prioritaires.

La crise sanitaire va-t-elle modifier les modalités de visite ?

L’horodatage des billets restera en vigueur, même après la pandémie, ce qui permettra une réorganisation des flux. Ensuite, nous allons diversifier les parcours de visite. Le visiteur cherche une expérience personnalisée : au lieu d’un cheminement unique et linéaire, il faut imaginer des variantes qui offriront une approche plus souple par des thématiques adaptées aux intérêts de chacun, comme les parcours « Arbres admirables » ou « Statues admirables » dans les jardins. Plus on démultiplie les propositions, plus on offre des conditions de visite agréables. Et comme nous accueillerons moins de visiteurs dans les premiers temps, ce sera l’occasion de tester ces nouvelles propositions.

Que découvriront les visiteurs lors de la réouverture ?

Le premier élément qu’ils verront de loin, ce sont les dorures de la toiture de la chapelle, récemment dégagées des échafaudages ; la chapelle est en elle-même un lieu extraordinaire. Mais il y a aussi le cabinet d’angle du roi et son bureau, les deux étant considérés comme des chefs-d’œuvre exceptionnels. J’espère que les visiteurs pourront découvrir la première rétrospective consacrée au portraitiste du roi, Hyacinthe Rigaud. Nous devrons, hélas, la refermer quoi qu’il arrive à la mi-juin. Puis, à partir de juin, une exposition de dessins synthétisera les acquisitions de ces vingt dernières années. Le public pourra aussi découvrir le travail engagé il y a quelques années autour du Musée de l’histoire de France voulu par Louis-Philippe. En ouvrant cet été l’attique Chimay, nous montrons toute cette partie de la Révolution jusqu’à l’Empire, l’année même du bicentenaire de la mort de Napoléon. Le visiteur sera étonné de retrouver des tableaux de ses manuels scolaires. Parallèlement on pourra découvrir la chambre-cabinet de Louis-Philippe au Grand Trianon, rare témoignage du mode de vie privé des familles royales au XIXe siècle.

Où en est le projet d’un « campus des métiers d’art » ?

Nous avons eu, en effet, il y a quelques années avec la rectrice de l’académie de Versailles, l’idée de lancer un campus des métiers d’art assez insolite, car il sera le seul à être adossé à un établissement patrimonial. L’incendie de Notre-Dame et la crise du Covid confirment l’urgence de la transmission des savoirs. C’est l’objectif de ce campus d’excellence, qui s’implantera dans les Grandes Écuries pour une ouverture prévue en 2023-2024. Les élèves qui entreront dans ce cursus effectueront des stages à la fois théoriques et pratiques, au contact des chefs-d’œuvre et de ceux qui les restaurent. Ce projet fait le lien, plus que nécessaire aujourd’hui, entre patrimoine et avenir car ces jeunes seront les créateurs de demain.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°567 du 14 mai 2021, avec le titre suivant : Catherine Pégard, présidente de l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles : « Il y avait cette volonté de ne pas perdre un jour pour restaurer le château »

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