VERSAILLES
Cela faisait des années que les amoureux du patrimoine et les fans de Marie-Antoinette attendaient cet événement.
Pour la première fois, depuis plus de deux siècles, le public peut enfin visiter la Maison de la Reine à Versailles. Ce monument inclassable, commandé par Marie-Antoinette, vient en effet de voir s’achever un long chantier de restauration, pour ne pas dire de sauvetage. Il a par ailleurs bénéficié d’un remeublement complet. Le mobilier et les objets d’art déployés ici ne sont toutefois pas ceux de la reine, mais ceux commandés par sa petite-nièce l’impératrice Marie-Louise, lorsqu’elle prit possession du domaine. À la Révolution, la maison est en effet totalement vidée et son prestigieux contenu vendu à l’encan. Le bâtiment est ensuite reconverti, comme tous ceux qui l’entourent. Les jardins sont ainsi ouverts au public, le Petit Trianon est transformé en hôtel-restaurant, tandis que la maison et son hameau sont loués à un bistrotier qui y organise des fêtes et même des sauts en parachute !
Ces réaffectations sont en réalité un moindre mal. Compte tenu de la haine féroce que les sans-culottes portent à « l’Autrichienne », cet ensemble inestimable aurait en effet tout simplement pu être réduit à néant. Car ce domaine, indissociable de la personnalité de la reine, incarne aux yeux des détracteurs de Marie-Antoinette tous ses prétendus vices. Les colporteurs prétendent notamment que ce domaine retiré et bucolique était un lieu de débauche, ou encore que sa frivole propriétaire aurait fait bâtir ce caprice dispendieux pour y jouer à la fermière. La réalité est évidemment tout autre.
Après la mort de Louis XV, le Petit Trianon devient le lieu de prédilection de Marie-Antoinette. Accompagnée de ses enfants et de son cercle intime, elle aime passer du temps dans ce domaine à quelques kilomètres seulement du château de Versailles et pourtant à des années-lumière de l’asphyxiante étiquette de la cour. Quand son époux lui offre ce domaine, l’heureuse propriétaire commande un jardin à la dernière mode. En véritable maître d’œuvre, elle examine différents projets et confie les travaux à son architecte Richard Mique. Ce dernier conçoit un jardin anglo-chinois composé d’une prairie fleurie, ponctuée de massifs d’arbustes et parcourue d’allées sableuses conduisant à des fabriques. La reine s’y plaît tellement qu’à peine le chantier terminé, elle demande à son architecte d’agrandir le jardin et d’y aménager un hameau dans le goût rustique qui fait alors fureur, sous l’influence de Rousseau mais aussi des physiocrates.
Cette école de pensée économique et politique, qui fait alors florès, théorise une profonde réorganisation agricole. L’une des vocations de ce village de fantaisie est d’ailleurs de sensibiliser les enfants royaux à l’agronomie et à l’élevage. Mique construit donc un hameau idyllique mais totalement fonctionnel. Autour d’une rivière pittoresque se déploient ainsi la maison du gardien du domaine, une grange, une laiterie, un colombier ou encore un moulin. Un peu plus loin se trouve une ferme peuplée de nombreuses têtes de bétail. Les maisons du hameau, comme celle de la reine qui se trouve de l’autre côté du pont, sont des « chaumières à surprises », c’est-à-dire que leur esthétique repose sur un fort contraste entre leur apparence extérieure et leur décor intérieur. Rien ne laisse en effet présager que ces modestes bâtisses construites en moellons et pans de bois, et même recouvertes de fausses fissures et moisissures, renferment un mobilier d’un raffinement inouï. Un décalage exquis qui, grâce à ce chantier pharaonique, fonctionne à nouveau à merveille.
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Le jardin secret de Marie-Antoinette
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : Le jardin secret de Marie-Antoinette