CASTRES
Le Musée Goya présente son parcours rafraîchi et étendu après trois ans de travaux. Enrichi par de nombreux dépôts, il aspire à devenir un pôle de référence nationale pour l’étude de l’art espagnol.
Castres (Tarn). D’un côté la mairie, de l’autre le musée. Dans cette cohabitation au sein du palais épiscopal de Castres, le Musée Goya a grignoté l’espace administratif municipal, en doublant quasiment sa superficie. De 750 m2, le parcours du musée s’étale désormais sur 1 500 m2 en une vingtaine de salles : de quoi remonter le fil de l’art espagnol, de la période médiévale à la création contemporaine. Grâce à ces grands travaux, menés dans un délai notable de trois ans (malgré la crise sanitaire), le musée castrais veut se positionner comme l’établissement incontournable de l’art hispanique en France.
Ce sont des problématiques d’accessibilité et d’entretien patrimonial qui sont à l’origine des travaux, envisagés depuis une vingtaine d’années et longtemps repoussés. L’ancien palais épiscopal du XVIIIe siècle, dessiné par Jules Hardouin-Mansart, a été entièrement restauré par l’architecte du patrimoine Axel Letellier. Les pierres couleur crème, les huisseries d’un gris-vert discret : tous les marqueurs d’une restauration sobre et respectueuse sont là. À l’intérieur, la salle d’armes a révélé de belles peintures murales durant le chantier ; elles ont été laissées visibles. Au rez-de-chaussée, le musée gagne des espaces précieux : le bureau de l’état civil est devenu une boutique de musée, et le bureau d’un directeur des services municipaux est occupé par les salles d’expositions temporaires. 12,4 millions d’euros (dont 3 M€ de subventions de l’État) ont été nécessaires pour ce rafraîchissement, dont trois alloués au renouvellement du parcours muséal.
Mise en scène par Jean-Paul Camargo, la nouvelle scénographie mise sur une expérience « Beaux-Arts », avec des cimaises sombres et un jeu d’éclairages très travaillé. « Nous avons uniformisé le mode d’accrochage à hauteur des yeux, afin de rendre les œuvres accessibles », explique la conservatrice du musée, Joëlle Arches. Dans des espaces contraints, le parcours permanent offre de belles perspectives le long de la déambulation. Le point d’orgue du musée est l’autoportrait de Francisco Goya (1746-1828), « traité comme une “Joconde” », précise la conservatrice, que l’on voit de très loin sur sa cimaise brune au milieu d’un parcours vert-gris.
Pour boucler la visite, un aller-retour dans les salles est nécessaire, bien traité là aussi grâce à une sculpture représentant une Ménine de Diego Vélasquez, qui guide le visiteur vers la salle d’art contemporain. La cohabitation entre le musée et les services administratifs occasionne toutefois une bizarrerie en milieu de parcours : une grande barrière vitrée en haut de l’escalier d’honneur obstrue la vue sur cette belle restauration : « Un compromis, pour la sécurité des œuvres », selon le musée.
« Nous avons voulu créer des ambiances, combiner le spectacle du bâtiment et les besoins des œuvres. C’était un jeu permanent entre le contenant et le contenu », retrace Joëlle Arches. Le parcours parvient ainsi à mettre en valeur de très grands formats religieux, dont l’art espagnol est fécond. Dès la première salle, dans une ambiance de « chapelle », les toiles d’un retable de saint Martin déposé par le Musée de Cluny occupent tout un mur, présentées sans cadres « pour leur donner un aspect archéologique », justifie la conservatrice. Il en est de même dans les six salles consacrées au Siècle d’or espagnol – point fort de la collection –, où de très grandes toiles s’épanouissent, à l’instar du Christ servi par les anges de Francisco Pacheco, et où l’élève Vélasquez montre déjà sa maîtrise de la nature morte.
L’articulation chrono-thématique de ces six salles offre une progression, qui amène le visiteur jusqu’au « hall des tortures », un morceau de bravoure consacré aux représentations des martyrs et des châtiments, avec un éclairage zénithal artificiel installé après la dépose de la verrière. Des œuvres inédites, comme des petites statuettes colorées particulièrement réalistes, y sont à découvrir. Musée dans le musée, l’espace Goya [voir ill.] rassemble désormais les trois peintures et les gravures conservées à Castres, auparavant dispersées dans l’ensemble des salles du XVIIIe siècle : le chef-d’œuvre qu’est La Junte des Philippines trouve un emplacement et un éclairage à sa mesure, qui permet d’apprécier l’organisation spatiale de cette toile énigmatique.
Contrairement à d’autres musées d’Occitanie récemment rénovés (Cahors, le Musée du Gévaudan à Mende), Castres ne fait donc pas le pari du musée de territoire, mais s’affirme comme un département des arts hispaniques des musées français. D’une part, en collectionnant les dépôts de prestige : du Louvre (dont certains dépôts fondateurs du musée, comme le portrait de Philippe IV par Vélasquez), d’Écouen, d’Orsay, de Cluny et du Centre national des arts plastiques. Mais aussi en s’adressant aux chercheurs, avec la mise à disposition de l’important fonds Jeannine Baticle (ancienne conservatrice du Louvre et directrice du musée) dans un centre documentaire, et des partenariats comme celui signé avec le Louvre, qui prévoit des journées d’études consacrées à l’art du Siècle d’or. « Le Musée Goya, doit devenir une référence de l’art hispanique en dehors de l’Espagne. Nous voulons monter en grade, avec des partenariats scientifiques, de la recherche, et en enrichissant la collection », annonce Joëlle Arches. Pour remplir cette mission, le musée dispose d’un budget d’acquisition appréciable, que la directrice dirigera vers le très récent, ou le très ancien, pour l’heure évoqués de manière anecdotique dans le parcours.
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Castres à l’heure espagnole
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°610 du 28 avril 2023, avec le titre suivant : Castres à l’heure espagnole