BRUGES / BELGIQUE
L’ancien complexe hospitalier, en activité du XIIe siècle jusqu’aux années 1970, a réaménagé son parcours, en réservant une salle à Hans Memling et en organisant un dialogue avec l’art contemporain.
Bruges (Belgique). L’hôpital Saint-Jean est un des bâtiments hospitaliers les plus anciens et les mieux conservés d’Europe. À partir du milieu du XIIe siècle, il a accueilli les malades, les pauvres et les pèlerins en leur offrant un lit, un bain, du pain et un réconfort spirituel.
Une légende – peu vraisemblable – raconte que le peintre Hans Memling (vers 1435-1494) aurait participé au siège de Nancy et qu’épuisé, blessé, il aurait demandé l’asile à l’hôpital Saint-Jean. En échange des soins qu’on lui aurait prodigués, il aurait réalisé des peintures. Ce qui est avéré, en revanche, c’est que le peintre s’est établi à Bruges en 1465 et qu’au cours des années qui suivirent, il a peint quatre tableaux à la demande des frères et des sœurs de Saint-Jean. Ces tableaux n’ont jamais plus quitté les murs de l’institution.
Si l’hôpital a continué à assurer des soins pendant près de 900 ans (les derniers services hospitaliers ont quitté le site dans les années 1970), il a également abrité un des premiers musées publics de Belgique. C’est en 1839 que s’est ouvert un Musée Memling dans la salle capitulaire du couvent des femmes. Pour y accéder, il fallait traverser la cour de l’hôpital, alors en activité, et actionner une cloche. La religieuse qui venait ouvrir restait dans la pièce pendant toute la durée de la visite. C’est assurément un tout autre type d’expérience que veut offrir le nouveau musée de l’hôpital Saint-Jean. Après neuf mois de travaux et un investissement de 2,7 millions d’euros, la collection médiévale artistique et hospitalière de l’institution bénéficie désormais d’une présentation contemporaine, aérée et interactive, sous les hautes voûtes de l’ancienne salle commune. « Nous avons voulu rassembler les objets et les œuvres d’art dans un récit qui raconte l’accueil le soin, l’empathie, mais aussi la mort, des thèmes et des valeurs qui ont guidé ce lieu depuis le XIIe siècle et qui sont toujours actuels. Derrière les peintures de notre collection, il y a des histoires à raconter qui ne sont pas nécessairement celles des historiens d’art. » précise Geert Souveryns, conservateur. Peintures, objets médicaux, objets de soin racontent le quotidien d’une institution hospitalière à la fin du Moyen Âge.
Des ex-voto, des reliquaires ou du mobilier, comme cette « table des pauvres » telle qu’on en trouvait dans les églises pour mettre à disposition des paroissiens nécessiteux vêtements, bois de chauffage ou nourriture, ramènent le visiteur à cette époque baignée de spiritualité chrétienne. Il y a aussi des vidéos avec des témoignages contemporains sur les thèmes universels de l’hospitalité, de l’empathie, de la vie et de la mort. Le travail avec les écrans permet d’approfondir le sujet, comme dans cette analyse d’une peinture de Jean-Baptiste Beerblock qui donne un aperçu de la vie hospitalière, un jour de 1778, dans la grande salle commune qui pouvait accueillir jusqu’à 150 patients. Une autre image interactive dévoile le large éventail de la médecine céleste. En cas de mal de tête ou de gorge, pourquoi ne pas essayer de prier Jean le Baptiste et pour une maladie oculaire, sainte Godeleine.
Hans Memling bénéficie dorénavant d’un musée dans le musée. Ses tableaux autrefois dispersés parmi les autres pièces de la collection ont été rassemblés dans un écrin semblable à un grand reliquaire en verre. On retrouve l’imposant Triptyque de Jean le Baptiste et Jean l’Évangéliste, flanqué de très beaux portraits. Le Reliquaire de sainte Ursule, quant à lui, trône dans l’ancienne église à laquelle il était destiné et où se tenaient quotidiennement des messes pour apaiser les malades.
Entre les peintures de Memling et l’autel de l’église, on découvre le troublant archange couché de Berlinde De Bruyckere (née en 1964) sur son piédestal cendré en forme de tombeau. En mettant cette sculpture en place, l’artiste a eu le sentiment que cet ange avait toujours existé et qu’il revenait à la maison. C’est pendant la période de confinement du Covid-19 que Berlinde De Bruyckere a commencé à travailler sur la figure de l’archange. « C’était une période de peur et de solitude. J’ai cherché à faire une œuvre qui donne confiance et apaise les peines. »
Avec les œuvres contemporaines, le musée renforce et actualise l’histoire séculaire du lieu et crée un dialogue entre le passé et le présent, comme celui que propose The Bridge, l’œuvre hyperréaliste, apaisante et monstrueuse, de l’artiste australienne Patricia Piccinini (née en 1965) en dialogue avec celle d’un peintre anonyme du XVIe siècle représentant la parabole du Bon Samaritain. Barbara Raes et Klaas Rommelaere (né en 1986) se sont confrontés au tabou de la mort. Avec les vêtements d’êtres chers décédés, donnés par des habitants de Bruges, ils ont créé les tissus qui couvrent un accueillant salon où l’on entend aussi leurs témoignages.
Le site de l’hôpital était jadis un petit village au cœur de la ville avec son verger, son potager, son cimetière et sa boulangerie, aujourd’hui disparus, mais il subsiste l’ancienne pharmacie de l’hôpital avec son intérieur resté quasiment intact depuis le XVIIe siècle.
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À Bruges, le Musée de l’hôpital Saint-Jean sort du Moyen Âge
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°624 du 5 janvier 2024, avec le titre suivant : À Bruges, le Musée de l’hôpital Saint-Jean sort du Moyen Âge