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Au Musée Champollion, l’égyptologue dans l’intimité familiale

Par Lorraine Lebrun · Le Journal des Arts

Le 8 juillet 2021 - 844 mots

VIF

C’est dans l’ancienne résidence du frère aîné de Jean-François Champollion que s’est installé le premier musée de France consacré à l’égyptologie et à l’homme qui a déchiffré les hiéroglyphes.

Le musée Champollion vu depuis le parc. © Département de l’Isère / Musée Champollion
Le musée Champollion vu depuis le parc.
© Département de l’Isère / Musée Champollion

Vif (Auvergne-Rhône-Alpes). Et de onze. Ouvert le 5 juin, le Musée Champollion est le onzième musée départemental de l’Isère. Implanté à Vif, à 15 km de Grenoble, il vient compléter le répertoire des musées isérois qui n’avait pas encore de lieu où célébrer Jean-François Champollion, dont la famille était originaire du Valbonnais. C’est donc dans cette bâtisse de campagne – dont les parties les plus anciennes remontent au XVIe siècle – ouvrant sur un vaste parc de 2,5 hectares, que s’ouvre le seul musée d’égyptologie et d’historiographie de cette discipline née au XIXe siècle dans le sillage des recherches de Champollion (le Musée Champollion de Figeac est consacré aux écritures).

« Jean-François Champollion avait une affection toute particulière pour ce lieu » , où il est reçu par son aîné, Jacques-Joseph Champollion, « à partir de 1807, date à laquelle celui-ci épouse Zoé Berriat, propriétaire de cette maison », explique Caroline Dugand, conservatrice et responsable du lieu. Ce dernier, lui-même chercheur brillant, a une importance capitale, quoique méconnue, dans la vie et la carrière de son cadet.

Restée dans la famille, la propriété est finalement cédée au Département en 2001, avec la « promesse d’en faire un lieu à leur mémoire » , raconte Jean-Pierre Barbier, président du département de l’Isère. En 2004, s’y tient notamment le IXe Congrès international des égyptologues. La maison est brièvement ouverte pour l’occasion, mais il faut attendre 2016 pour que le projet d’en faire un musée se concrétise.

Un chantier fidèle à l’esprit du lieu

Deux ans d’études et deux ans de travaux mobilisant dix-huit entreprises, pour un coût total de 6,7 millions d’euros, principalement financé par le Département avec une participation de l’État et de la Ville, ont été nécessaires pour ce chantier qui partait de loin. « Transformer une ancienne demeure familiale en musée, avec toutes les normes d’accessibilité, de sécurité, de portabilité des planchers et de conservation, a été un défi », explique Gaël Robin, architecte du patrimoine associé de l’agence Archipat qui a assuré la maîtrise d’œuvre. L’occasion de belles découvertes, comme ces peintures murales du XVIIe siècle, révélées sous des encadrements de porte et dégagées des couches de plâtre.

« Notre parti pris a été d’être le moins invasif possible et de considérer le lieu dans son écrin de verdure ; pas de faire un geste architectural », ajoute son collaborateur Nicolas Castro. Une dimension paysagère qui fait partie intégrante du projet, puisque le parc est inscrit monument historique au même titre que le bâti. Et à l’exiguïté de l’espace intérieur (300 m² sur trois niveaux pour le parcours permanent) répond le grand paysage du Vercors.

Le projet scientifique et culturel, élaboré avec un comité scientifique, se focalise sur trois axes : les deux frères, en remettant en avant la place de Jacques-Joseph dans la carrière de son cadet ; leur travail de recherche et le déchiffrement de 1822 ; et la naissance de l’égyptologie dont on considère Jean-François Champollion comme le père. Trois axes auxquels répondent les trois étages de la maison « qui permettent une découverte progressive, chrono-thématique, depuis l’univers familial intime au rez-de-chaussée, en passant par la redécouverte de l’Égypte avec l’expédition de Bonaparte au premier étage et la naissance de la discipline au deuxième et dernier étage », développe Caroline Dugand.

Un parcours incarné par les objets personnels

Pour Aymeric Perron, directeur de la culture de l’Isère, « il fallait trouver un équilibre entre révéler cette maison des champs, qui a gardé tout son charme et sa simplicité, mais aussi expliquer qui était Champollion, sa place dans l’égyptologie ». Pour ce faire, le parcours alterne salles remeublées et salles muséales modernes aux dispositifs variés (maquettes, dioramas, bornes tactiles…). La scénographie ramassée concentre le propos et dépeint le contexte dans lequel évoluent les deux frères, entre effervescence intellectuelle et fascination suscitée par la campagne napoléonienne d’Égypte.

Les effets personnels de Champollion sont autant de jalons d’une vie consacrée à l’Égypte et la création d’une discipline, comme la Bible hébraïque sur laquelle il apprend l’hébreu, un encrage de la pierre de Rosette, le bureau sur lequel il déchiffre les hiéroglyphes, mais aussi le manteau de son voyage en Égypte, en 1828, qu’il réclame sur son lit de mort. Le parcours s’achève sur la chambre de Champollion, « préservée telle quelle par la famille » d’après Caroline Dugand, avec sur la poutre des cartouches hiéroglyphiques de sa main.

Le musée a reçu l’appellation « Musée de France » en février 2020, ce qui lui permet de présenter, outre le fonds issu des descendants des Champollion, quatre-vingt-deux œuvres du Louvre. Un projet particulièrement intéressant pour Florence Gombert-Meurice, conservatrice en chef des Antiquités égyptiennes du musée parisien, car il permet de tenir « un discours qu’on ne tient pas du tout au Louvre » , mettant l’accent sur la modernité de Champollion, lorsque celui-ci, conservateur au Louvre, crée le musée égyptien (actuelles salles Charles X).

Le parc comme le musée sont entièrement gratuits. Le Département espère accueillir entre 50 000 et 80 000 visiteurs par an.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°570 du 25 juin 2021, avec le titre suivant : Au Musée Champollion, l’égyptologue dans l’intimité familiale

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