Paris - Monument

L’obélisque de la Concorde passée au Kärcher

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 11 avril 2022 - 541 mots

PARIS

Le chantier de nettoyage et de restauration de l’obélisque, installée à Paris depuis 1836, permet d’en savoir plus sur la constitution de l’ouvrage égyptien.

L'obélisque de la place de la Concorde dans son écrin de restauration, Paris, le 26 février 2022 © Marie Garet
L'obélisque de la place de la Concorde dans son écrin de restauration, le 26 février 2022.
© Marie Garet

Paris. Il n’y avait pas vraiment d’urgence pour le plus vieux monument de la capitale. La restauration de l’obélisque de la Concorde, commencée cet hiver, tient plus à une occasion : le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes par Jean-François Champollion, célébré en 2022. À l’origine de cette restauration, le département des antiquités égyptiennes du Musée du Louvre a préparé le chantier avec la direction régionale des Affaires culturelles d’Île-de-France (Drac), réalisé grâce au mécénat Kärcher.

Experte dans le nettoyage de bâtiments patrimoniaux, l’entreprise allemande en avait fait son image de marque, depuis une trentaine d’années – bien avant que Nicolas Sarkozy ne la popularise –, œuvrant sur le monument des Découvertes à Lisbonne, le Christ rédempteur de Rio de Janeiro ou, plus récemment, l’escalier en fer à cheval du château de Fontainebleau.

C’est la technique du micro-sablage à basse pression qui a été retenue pour nettoyer l’obélisque. Un choix arrêté en collaboration avec le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) veillant sur l’opération en testant les protocoles. « L’idée de la restauration était là, mais on s’est aperçus que la problématique du nettoyage était ingérable par de simples restaurateurs indépendants, explique Sophie Duberson, conservatrice-restauratrice du Louvre, absorbée dans la consolidation du socle de l’obélisque. Avec Kärcher, nous travaillons avec des gens conscients des enjeux patrimoniaux qui ne nous obligent à rien : il ne s’agit pas d’une démonstration de matériel technique. »

Quelques étages plus haut sur l’échafaudage, deux conservatrices-restauratrices colmatent une brèche multimillénaire. S’étendant sur plusieurs mètres, cette grande fissure transversale partant de la base est le problème structurel majeur qui affecte l’édifice – surveillée de près par la Drac –, et qui n’a pas évolué depuis la mise en place de l’obélisque à la Concorde en 1836. Pour la combler, comme pour colmater les nombreuses microfissures, un protocole spécialement développé pour le granit de ce monument avec le LRMH est employé : une pâte de silicate d’éthyl, plus communément utilisée pour le grès.

Pour Sophie Duberson, l’intérêt de cette restauration est également de proposer de nouveaux protocoles dans la préservation du patrimoine égyptien : ces techniques développées spécialement pour la restauration de ce monument pourraient être utilisées dans la vallée du Nil. « Nous avons une meilleure connaissance des procédés, explique la restauratrice. Le micro-sablage, par exemple, n’a rien de nouveau, mais en Égypte, son utilisation sur des monuments fait encore peur, et il reste cantonné au nettoyage de petits objets. »

Place de la Concorde, c’est bien la restauration d’un monument égyptien, plus que parisien, qui s’achèvera en avril. Car si le nettoyage des poussières et de la pollution accumulées depuis deux siècles au pied des Champs-Élysées aura nécessité une dizaine de jours, le gros de la restauration porte sur le traitement de desquamations qui, elles, seraient dues à l’ensablement du monument durant plusieurs siècles à Louxor. Grâce à une endoscopie réalisée durant la restauration, la présence d’une queue-d’aronde en fer, associée au témoignage de l’ingénieur chargé du déménagement de l’Obélisque à Paris, permet de conclure que la grande fissure daterait bien de l’installation du monolithe devant le temple de Louxor, au XIIIe siècle avant notre ère.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°586 du 1 avril 2022, avec le titre suivant : L’Obélisque de la Concorde passée au Kärcher

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