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Amboise bichonne la dernière demeure de Léonard

Par Isabelle Manca-Kunert · Le Journal des Arts

Le 26 juin 2024 - 649 mots

AMBOISE

Après un grand chantier de restauration, la chapelle Saint-Hubert rouvre ses portes.

La chapelle Saint-Hubert du château d’Amboise après sa rénovation. © Fondation Saint-Louis / Erwan Fiquet
La chapelle Saint-Hubert du château d’Amboise après sa rénovation.
© Fondation Saint-Louis / Erwan Fiquet

Amboise. Que l’on accède au château d’Amboise par son parc ou depuis la ville basse en gravissant la tour cavalière : impossible de ne pas remarquer la chapelle Saint-Hubert. L’ancien oratoire privé des rois de France a en effet bénéficié d’une spectaculaire, pour ne pas dire éblouissante, restauration.

L’édifice élevé à la toute fin du XVe siècle par Charles VIII, en saillie du rempart, a ainsi troqué ses pierres usées par le temps et les chantiers successifs contre des panneaux de tuffeau d’une blancheur presque immaculée. La pierre ligérienne, que l’on retrouve dans les grands sites de la région, a en effet la particularité d’être très blanche et le remplacement de 2 000 éléments de maçonnerie ne pouvait donc que donner à l’ensemble un aspect flambant neuf. Malgré la petite taille du monument, surtout connu aujourd’hui pour abriter la tombe de Léonard de Vinci, les chiffres du chantier sont édifiants. 220 éléments sculptés restaurés, 17 tonnes de plomb déposées traitées outre-Manche et reposées, une cinquantaine d’artisans mobilisés, deux ans et demi de travaux pour un budget de 3,5 millions d’euros. « La première tranche a été financée à 84 % par l’État au titre du plan de relance », explique le directeur du château, Marc Metay. En 2020, il est devenu évident qu’il fallait agir car le site n’était plus aux normes de sécurité. L’engagement conséquent de l’État a permis non seulement de consolider l’édifice mais aussi d’aller plus loin et de restaurer la totalité du décor en pierre et en métal. Mais aussi de transformer ce chantier, qui faisait intervenir une dizaine de corps de métier, en un lieu de transmission en partenariat avec le Campus d’excellence de l’Université de Tours. » La Fondation Saint-Louis, propriétaire du château, a par ailleurs pu compter sur des mécènes (Crédit Agricole et CNP Assurances) et plus original sur une association qui a donné du bois provenant des forêts de la région. Un matériau de proximité qui a été des plus utiles pour rénover la charpente qui en avait cruellement besoin. Mais le principal mécène demeure le public puisque le site reçoit chaque année environ 400 000 visiteurs payants.

La tombe de Léonard de Vinci située dans la chapelle Saint-Hubert du Château d'Amboise
La tombe de Léonard de Vinci située dans la chapelle Saint-Hubert du Château d'Amboise
Photo Wikimedia
Un millefeuille de restauration

Plus encore que la problématique financière, le plus gros défi du chantier a été de nature déontologique. Le monument a en effet déjà une longue histoire de restauration puisqu’il a été repris en main par deux fois au XIXe siècle par de grands architectes : Pierre Fontaine puis Victor Ruprich-Robert. Initialement enserrée dans un vaste ensemble palatial, la chapelle a progressivement perdu ses bâtiments adjacents. Une suppression lourde de conséquences car ils encaissaient la poussée de ses voûtes. L’autonomisation de l’oratoire a ainsi fragilisé sa structure nécessitant de lourds travaux pour garantir sa stabilité. Dans les années 1880, un pignon a été élevé pour remédier à ce problème, ainsi qu’une balustrade ajourée. Toutefois, l’ajout à la même époque d’une lourde flèche et d’une couverture en plomb, pour retrouver l’allure initiale du bâtiment, avait fragilisé la charpente. Depuis des années, l’oratoire gothique survivait ainsi grâce à deux étais permanents ; une solution qui n’était pas viable. Son apparence extérieure n’était guère plus appropriée car des travaux menés après-guerre avaient intégré des pierres inadaptées. « Elles présentaient un vieillissement différencié et la façade était très bigarrée comme pixellisée avec une alternance de pierres blanches et grises », résume Étienne Barthélemy, architecte en chef des monuments historiques. Ce monument composite, héritier de plusieurs strates de restauration, présentait donc des problèmes structurels mais aussi de lisibilité. « La question des dérestaurations a été la partie la plus délicate de notre réflexion », confirme l’ACMH. La plus visible, et la plus débattue, a été la dépose de la couronne sculptée sur le linteau. Une greffe réalisée lors du chantier mené sous la Restauration afin d’envoyer un message politique. L’ange tient désormais dans ses mains une étole conformément à l’iconographie originelle.

La chapelle Saint-Hubert du château d’Amboise après sa rénovation. © Fondation Saint-Louis / Erwan Fiquet
La chapelle Saint-Hubert du château d’Amboise après sa rénovation.
© Fondation Saint-Louis / Erwan Fiquet
La chapelle saint-hubert, Château d’Amboise
Montée de l’Emir Abd El Kader, 37400 Amboise

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°636 du 21 juin 2024, avec le titre suivant : Amboise bichonne la dernière demeure de Léonard

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