Qualifié « d’historique » par le président de la COP28, Sultan Al-Jaber, également PDG de la compagnie pétrolière des Émirats arabes unis (7e producteur mondial), l’accord signé à Dubaï le 7 décembre peut cependant alarmer en banalisant le réchauffement climatique et, par ricochet, en remobilisant des jeunes militants écologistes les plus radicalisés. Un simulacre contre des postures ?
Les 198 participants ne s’engagent pas à abandonner les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), mais seulement à « transitionner hors de celles-ci ». L’objectif d’une neutralité carbone en 2050 est rappelé, mais ni contrainte ni calendrier n’ont été arrêtés. Pourtant les émissions mondiales de dioxyde de carbone ont atteint un niveau record l’an dernier. Les simulations indiquent que la production d’énergies fossiles sera en 2030 encore deux fois supérieure à ce qu’elle devrait être pour respecter l’objectif d’un réchauffement à 1,5°C, fixé par l’Accord de Paris en 2015. Objectif désormais inatteignable. En laissant la roue libre aux États, en ne se fiant qu’à leur bonne volonté, la COP28 reporte toute pression en faveur d’une modification des politiques énergétiques aux opinions publiques, celles qui choisissent leurs gouvernements par les urnes, mais aussi celles qui manifestent violemment pour exprimer leur colère contre l’inaction.
De Londres à Melbourne, en passant par Potsdam, La Haye, Vienne ou Madrid, l’année 2022 avait été jalonnée par des coups d’éclat dans des musées. Chaque fois, de jeunes militants écologistes avaient ciblé un tableau reconnu comme un chef-d’œuvre (Van Gogh, Monet, Vermeer, Klimt, Goya), puis l’avaient aspergé avant de se coller les mains sur le cadre ou sur le mur et de déclamer : « Qu’est-ce qui vaut plus, l’art ou la vie ? Êtes-vous plus préoccupés par la protection d’une peinture que par celle de la planète et de sa population ? » Chaque fois, une vidéo de l’attaque réalisée par un comparse était rapidement diffusée sur les réseaux sociaux. Heureusement, ils ne s’en prenaient qu’à des toiles protégées par du verre. Mais sans doute insatisfaits que ces exploits médiatiques n’aient eu aucune influence sur les gouvernements locaux, ils franchissaient en novembre dernier un échelon supplémentaire, beaucoup plus inquiétant : frapper et briser par endroits à coups de marteaux la vitre de protection de la Venus au miroir de Velázquez à la National Gallery de Londres. L’objet de leur vindicte cette fois : les nouveaux projets pétroliers et gaziers du Royaume-Uni. Depuis, le Premier ministre Rishi Sunak a été inébranlable et n’a pas revu sa copie. Vont-ils désormais comprendre que leurs actions n’ont eu aussi aucune influence sur la COP28 ? Que les dictatures pétrolières se soucient comme d’une guigne de ce genre d’exactions, même si elles disposent déjà de musées et vont en bâtir davantage, avec la complicité de pays acheteurs de pétrole.
En juin dernier, l’association Culture Unstained (Culture sans tache) avait cru pouvoir triompher. Grâce à ses manifestations répétées, le British Museum allait enfin clore en décembre ses vingt-sept années de mécénat avec BP, annonçait-elle. Fake news. L’institution a signé fin décembre un nouveau contrat de dix ans et va recevoir la somme inégalée de 50 millions de livres pour financer son gigantesque réaménagement et l’utilisation moindre d’énergies fossiles. Les trustees du British Museum ont été, eux aussi, inébranlables et ont signé – avec un contrat provocateur – l’échec de la lutte militante contre l’artwashing. Comme après la COP28, il ne resterait donc à l’opinion publique que le recours à la majorité dans les urnes pour élire des gouvernements qui rétabliraient les subventions publiques, limiteraient l’apport du mécénat, le soumettraient à un code déontologique et infléchiraient les politiques environnementales. Ou bien alors l’escalade sans fin et sans succès des manifestations ?
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COP28, simulacre versus postures
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°624 du 5 janvier 2024, avec le titre suivant : COP28, simulacre versus postures