Livre

10 livres à emporter à la plage

Par La Rédaction · Le Journal des Arts

Le 20 juillet 2024 - 1972 mots

La rédaction a sélectionné pour l’été des récits et romans dont héros et intrigues sont puisés dans l’art… ainsi que quelques essais pour les plus studieux de nos lecteurs.

Livres au bord de mer. CC0 Domaine public
Livres au bord de mer.
L’Égypte antique fantasmée
Jean-Loïc Le Quellec, Nos ancêtres les pharaons, Cinq siècles d’illusion sur l’Égypte ancienne, Éditions du Détour, Bordeaux, 280 p
Jean-Loïc Le Quellec, Nos ancêtres les pharaons, Cinq siècles d’illusion sur l’Égypte ancienne, 280 p.
© Éditions du Détour, Bordeaux

Essai. Des pyramides-antennes à Gizeh conduisant l’électricité dans la vallée du Nil ? Cette déclaration farfelue en avril 2023 du rappeur Gims a déclenché chez les internautes moqueries, soutiens inattendus et entreprises de démystification. L’anthropologue spécialiste des peintures rupestres sahariennes Jean-Loïc Le Quellec ne s’est pas arrêté à ce « bad buzz ». Dans Nos ancêtres les pharaons, le chercheur émérite du CNRS replace l’interview de Gims dans le contexte de la longue histoire de l’appropriation idéologique dont l’Égypte antique a été l’objet. L’enquête détaillée nous emmène loin des bords du Nil, en Australie comme au Pérou où des « archéologues romantiques » ont voulu voir dans des moulages, dans des souvenirs de voyages ou dans des vestiges étrangers à l’Égypte la trace d’une civilisation qui se serait étendue aux cinq continents. Si l’anthropologue manie l’humour pour présenter cette Égypte fantasmée, la démonstration dépasse toutefois la simple recension de délires scientifiques : derrière ces réappropriations, on rencontre des « racialistes » du XIXe siècle, le cofondateur du parti nazi américain ou le militant panafricaniste dévoyé Kémi Seba.

Jean-Loïc Le Quellec, Nos ancêtres les pharaons, Cinq siècles d’illusion sur l’Égypte ancienne, Éditions du Détour, Bordeaux, 280 p, 22,90 €.

Sindbad Hammache
Profession fabricant d’antiquités
Olivier Griette, Le Faussaire du Caire, éd. Transboréal, 254 p. 12,90 €
Olivier Griette, Le Faussaire du Caire, 254 p.
© éd. Transboréal

Roman.« Au Soleil-Levant – Fabricant d’antiquités » : voilà une enseigne qui n’est guère commune ! Stapleton, employé modèle de l’agence Thomas Cook, n’en revient pas. Nous sommes dans les années 1920, époque où des flots de touristes viennent visiter la vallée du Nil dont ils espèrent rapporter en Europe un souvenir antique. Certes, le gérant de la boutique – un dénommé « George » – n’est alors pas le premier à « fabriquer » des antiquités. Mais il est bien le seul à oser l’afficher. Rapidement, une amitié se noue entre ce fascinant faussaire et l’employé de l’agence de voyages. Elle donne lieu au récit de la vie rocambolesque de George, singulier génie fournissant non seulement les particuliers, les collectionneurs et les riches voyageurs, mais aussi les émissaires des grands musées internationaux en quête d’une pièce exceptionnelle… Un roman prenant et documenté, pour les amoureux de l’Égypte comme pour les philosophes qui s’interrogent sur le statut des copies qui ressemblent à s’y méprendre à des œuvres originales…

Olivier Griette, Le Faussaire du Caire, éd. Transboréal, 254 p. 12,90 €.

Marie Zawisza
Michel-Ange, terriblement humain
Florian Métral, Michel-Ange, Ténèbres et lumière, éd. Calype, coll. « Destins », 126 p., 13,90 €.
Florian Métral, Michel-Ange, Ténèbres et lumière, coll. « Destins », 126 p., 13,90 €.
© éd. Calype

Biographie. Des biographies consacrées à Michel-Ange (1475-1564), il y en a eu des dizaines. Du vivant du divin artiste, déjà, son disciple Ascanio Condivi consigne sa vie, tout comme son ami Vasari qui fait de Michel-Ange la seule entrée consacrée à un artiste vivant dans ses Vite (1550). Mais comment y voir clair, dans ces biographies teintées de l’admiration sans borne que ce dernier suscite ? À l’inverse, ses nombreuses inimitiés ont forgé la réputation d’un personnage orageux et misanthrope, qui a enfanté une légende noire. Dans un court et dense récit, Florian Métral, docteur en histoire de l’art, déroule cette biographie entre « ténèbres et lumière », adoptant un point de vue qui mêle l’humain au génie créateur. Amitiés fidèles mais aussi souffrances physiques et psychiques (jalousie, paranoïa) composent la vie du Florentin. Tandis que son parcours artistique peut être vu comme le chemin de croix d’un homme toujours tiraillé entre plusieurs grandes commandes, écartelé par des conflits de loyauté. Le grand tombeau du pape Jules II hante ainsi ce récit, une commande monumentale qui grignotera quarante années de la vie de Michel-Ange.

Florian Métral, Michel-Ange, Ténèbres et lumière, éd. Calype, coll. « Destins », 126 p., 13,90 €.

Sindbad Hammache
Le mystère du tableau disparu
Éric Mercier, Le Secret de Van Gogh, Éditions de La Martinière, 384 p., 21 €.
Éric Mercier, Le Secret de Van Gogh, 384 p.
© Éditions de La Martinière

Policier. Un homme est retrouvé assassiné avec l’oreille gauche tranchée et voilà Frédéric Vicaux de retour sur une enquête qui touche à l’histoire de l’art. Car la riche victime conservait dans un coffre la photo d’un tableau et, grâce à Anne, sa compagne historienne de l’art, Vicaux apprend qu’il s’agit d’Arlésiennes en promenade, l’œuvre peinte par Gauguin et Van Gogh à Arles en 1888 dont tous les journaux ont parlé l’année précédente. Mais où est le tableau ? Tandis que le commandant enquête sur la famille et les relations du défunt, Anne se concentre sur la toile pour en établir l’histoire. De retour à Paris après un long séjour à Berlin où elle a perdu le bébé qu’elle attendait, la jeune femme retrouve l’énergie qu’elle déployait dans les trois aventures précédentes vécues au côté de Vicaux. L’auteur, Éric Mercier, devenu historien de l’art après une première carrière dans la finance, maîtrise en vieux routier le récit de l’enquête, réservant son ironie aux personnages de l’expert de Van Gogh et du conservateur du Musée d’Orsay.

Éric Mercier, Le Secret de Van Gogh, Éditions de La Martinière, 384 p., 21 €.

Élisabeth Santacreu
Course-poursuite dans les Années folles
Colin Thibert, Une saison à Montparnasse, éd. Héloïse d’Ormesson, 272 p., 20 €.
Colin Thibert, Une saison à Montparnasse, 272 p.
© éd. Héloïse d’Ormesson

Roman. Fille d’un soyeux lyonnais, Gabrielle, orpheline de mère, s’ennuie entre ses deux frères. L’un est un débauché, l’autre un estropié de la Grande Guerre et tous deux attendent que leur père passe l’arme à gauche pour hériter de l’entreprise familiale. Tombée en arrêt devant un tableau du Tintoret, Gabrielle décide de devenir artiste et, en 1927, à la mort du patriarche, s’installe à Paris. La jolie bourgeoise qui intègre l’académie d’un peintre de Montparnasse et fréquente sa société libre et cosmopolite tombe amoureuse d’une jeune femme qui n’a pas froid aux yeux. C’est le début d’aventures rocambolesques et d’une course-poursuite qui l’amèneront à mettre son talentueux pinceau au service d’un psychiatre exerçant dans les environs de Neuchâtel. Une région que connaît bien l’auteur franco-suisse, écrivain mais aussi graveur. Autant dire que Colin Thibert a le chic pour trouver le trait caractérisant un personnage et ménager les rebondissements les plus distrayants. Son roman, teinté d’un humour léger, lui a été inspiré par son grand-père médecin, les derniers Montparnos et aussi Ernest Hemingway.

Colin Thibert, Une saison à Montparnasse, éd. Héloïse d’Ormesson, 272 p., 20 €.

Élisabeth Santacreu
André Breton dans sa nudité
Charles Duits, André Breton a-t-il dit passe, éd. Maurice Nadeau, coll. « Poche », 256 p., 10,90 €.
Charles Duits, André Breton a-t-il dit passe, coll. « Poche », 256 p.
© éd. Maurice Nadeau

Récit. Lorsqu’il rencontre André Breton, en 1942, à New York où ils sont tous deux exilés, Charles Duits est un tout jeune poète âgé de 17 ans. Près de trois décennies plus tard, en 1969, il racontera à travers un très beau portrait de Breton l’histoire de leur amitié solaire, leur rupture passagère, leurs retrouvailles à Paris. Voici son texte réédité, accompagné d’une préface de l’écrivaine et poétesse Annie Le Brun, qui participa elle-même au mouvement surréaliste dans les années 1960. Il donne l’occasion de (re)faire connaissance au fil des pages avec un André Breton méconnu, raconté dans sa nudité, dans sa solitude, dans son infinie délicatesse envers les autres, par un poète dont il bouleversa la vie. Chemin faisant, emporté par la langue poétique, précise, lumineuse de Charles Duits, on croise Jacqueline Lamba (deuxième femme de Breton), Max Ernst, Marcel Duchamp ou encore André Masson… Un texte sublime qui éveille aussi le désir de redécouvrir l’œuvre méconnue de romancier, de poète et de peintre de l’auteur.

Charles Duits, André Breton a-t-il dit passe, éd. Maurice Nadeau, coll. « Poche », 256 p., 10,90 €.

Marie Zawisza
Sous Les couleurs de Baya
Alice Kaplan, Baya ou le grand vernissage, traduit de l’américain par Patrick Hersant, éd. Le bruit du monde, Marseille, 264 p., 23 €.
Alice Kaplan, Baya ou le grand vernissage, traduit de l’américain par Patrick Hersant, Marseille, 264 p.
© éd. Le bruit du monde

Récit. Galerie Maeght, Paris, 21 novembre 1947. Les talons hauts claquent sur le marbre, les jupes de soie frémissent. Dans un coin de la pièce, André Breton est en conversation avec Albert Camus. Comme Georges Braque et Henri Matisse, ils assistent au grand vernissage des œuvres remarquables aux couleurs vives d’une orpheline âgée de 15 ans venue d’Algérie à l’invitation d’Aimé Maeght, qui l’a découverte lors d’un voyage : Baya. « Baya est reine », s’extasie le chef de file des surréalistes dans le catalogue de l’événement. « Dans ce Paris noir et apeuré, c’est une joie des yeux et du cœur »,écrit pour sa part Camus. Dans un ouvrage illustré des œuvres puissamment poétiques de Baya dominées par le rose indien et le bleu indigo, Alice Kaplan raconte dans un style vivant ses rencontres et son enquête minutieuse sur les traces de cette artiste oubliée en France. Malgré son succès, l’artiste est restée sans doute dans le milieu des galeries parisiennes « la petite fille musulmane, la petite Kabyle », mais elle fut pleinement reconnue en Algérie, où elle mourut en 1998. L’ouvrage se lit comme un roman.

Alice Kaplan, Baya ou le grand vernissage, traduit de l’américain par Patrick Hersant, éd. Le bruit du monde, Marseille, 264 p., 23 €.

Marie Zawisza
Éloges de Jean Hélion
Fabrice Gaignault, Jean Hélion, le franc-tireur, éd. Flammarion, 256 p, 24 €.
Fabrice Gaignault, Jean Hélion, le franc-tireur, 256 p.
© éd. Flammarion

Biographie. La grande qualité du livre de Fabrice Gaignault ? Son amour pour Jean Hélion (1904-1987). Les limites du livre de Gaignault ? Son amour pour Hélion. Paradoxe ? Pas vraiment. La biographie de l’artiste français, très vivante et très agréable à lire, est une histoire de l’art romancée où l’auteur se met dans la peau de son personnage. Ainsi, on suit le trajet artistique de celui qui a démontré de manière exemplaire que considérer les deux systèmes – figuration et abstraction – comme des frères ennemis demeure la meilleure façon d’appauvrir la peinture.
L’auteur a parcouru aussi bien les écrits du peintre que les textes des critiques d’art ou des amis à son sujet. Toutefois, et c’est le problème, les noms qui reviennent tout au long de ce récit sont ceux de Henry-Claude Cousseau et de Didier Ottinger, les conservateurs qui ont organisé d’importantes expositions du peintre, ou celui du galeriste Alain Margaron qui, depuis longtemps, soutient son œuvre. Leurs témoignages, comme d’ailleurs le ton général de ce livre, sont légèrement hagiographiques. Le grand peintre qu’a été indéniablement Hélion n’en avait nul besoin.

Fabrice Gaignault, Jean Hélion, le franc-tireur, éd. Flammarion, 256 p, 24 €.

Itzhak Goldberg
Stupéfiants cambriolages au musée
Philippe Durant, Cambriolages au musée. 10 vols, 10 pays, Nouveau Monde Éditions, 328 p., 22,90 €.
Philippe Durant, Cambriolages au musée. 10 vols, 10 pays, 328 p.
© Nouveau Monde Éditions

True crime. Amoureux d’art et de polars, voici le livre que vous allez lire cet été. Ou plutôt dévorer ! Grâce à son rythme et son style enlevé, cet ouvrage a en effet tout d’un « page turner ». Les chapitres courts et bien écrits tiennent en haleine les lecteurs, qui se régalent de ces faits divers presque trop gros pour être vrais. Et pourtant tout est véridique. Le livre nous emmène dans les coulisses de dix cambriolages ayant eu lieu dans les plus grands musées, de Paris à Rio en passant par Stockholm, Francfort et Vérone. À la manière d’un feuilleton, ou plutôt d’un film noir, soit la spécialité de l’auteur qui écrit d’ordinaire sur le cinéma et les affaires criminelles. Malgré son tropisme pour la fiction, Philippe Durant signe un récit solide et documenté mais aussi truffé d’anecdotes. Le sel du livre réside dans le choix des cas passés au crible qui, hormis le rapt rocambolesque de La Joconde, sont tous des affaires étrangement peu connues et qui se révèlent stupéfiantes. Mention spéciale pour le Munch dérobé par un joueur de foot véreux d’Oslo.

Philippe Durant, Cambriolages au musée. 10 vols, 10 pays, Nouveau Monde Éditions, 328 p., 22,90 €.

Isabelle Manca-Kunert
Comprendre les NFT et ses enjeux
Françoise Benhamou et Nathalie Heinich (Sous la direction de), Le Marché de l’art au risque du numérique, l’énigme des NFT, éd. Odile Jacob, 192 p., 21,90 €.
Françoise Benhamou et Nathalie Heinich (Sous la direction de), Le Marché de l’art au risque du numérique, l’énigme des NFT, 192 p.
© éd. Odile Jacob

Essai. Deux spécialistes reconnues du marché de l’art (Françoise Benhamou) et de la sociologie de l’art (Nathalie Heinich) ont coordonné un petit ouvrage sur les NFT. Celui-ci arrive au moment où ce marché a déjà considérablement baissé alors qu’il est très récent. C’est, à notre connaissance, le premier livre critique et sérieux sur le sujet, face à une « littérature » publiée sur le Net aussi volumineuse que complaisante. L’ouvrage est curieusement sous-titré : « L’énigme des NFT ». Si les NFT sont difficiles à comprendre et appréhender, sont-ils pour autant des énigmes ? Du reste, les différents auteurs ont bien cerné ce nouvel actif financier à prétention artistique. Si les uns et les autres sont dubitatifs sur le devenir de ce marché, Nathalie Heinich pose carrément la question de son « artification » ; en d’autres termes, elle se demande si les images associées à des NFT sont des œuvres d’art. Elle renvoie la réponse, astucieusement, dans une ou deux générations.

Françoise Benhamou et Nathalie Heinich (Sous la direction de), Le Marché de l’art au risque du numérique, l’énigme des NFT, éd. Odile Jacob, 192 p., 21,90 €.

Jean-Christophe Castelain

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°637 du 5 juillet 2024, avec le titre suivant : 10 livres à emporter à la plage

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