Galerie

ARTS PREMIERS

Un Parcours des mondes en quête d’un nouveau public

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 20 septembre 2024 - 864 mots

PARIS

Les anciens collectionneurs commencent à raccrocher, les nouveaux sont en train de se former. Dans l’intervalle, le marché est moins dynamique.

La Galerie Voyageurs et Curieux lors de l'édition 2024 de Parcours des Mondes. © Roar Atelier / Cerise Laby
La Galerie Voyageurs et Curieux lors de l'édition 2024 de Parcours des Mondes.
© Roar Atelier / Cerise Laby

Paris. Au Parcours des mondes, la manifestation germanopratine consacrée aux arts premiers, il y a des années où les marchands parlent d’une seule voix concernant le niveau de fréquentation et de transactions, et d’autres où les impressions sont plus… disparates. C’était le cas de cette édition, qui s’est tenue du 10 au 15 septembre. Rappelons que les participants étaient nombreux – 62 en tout. D’ailleurs, cette édition a en partie pâti d’une offre trop importante, avec parfois des prix un peu élevés. Mais au-delà des habituelles inégalités entre galeries, il y avait encore moyen de trouver des œuvres « fraîches » et de grande qualité.

Américains, Australiens, Philippins, Européens… n’ont pas hésité à faire le déplacement. Mais globalement, les marchands ont constaté une fréquentation moindre que les années précédentes. « C’est moins dynamique que les années passées », a confirmé un exposant. Il est vrai que le Parcours des mondes en particulier, et le marché des arts premiers en général, se cherche un nouveau public. « On sent que s’amorce un renouvellement des collectionneurs, mais il est encore trop tôt pour que ce soit palpable. Les anciens collectionneurs sont désormais trop âgés. Quant aux nouveaux, ils sont encore timides, notamment financièrement », a commenté Guilhem Montagut (Barcelone). « Il y a en effet de nouveaux collectionneurs mais davantage sur les réseaux sociaux », a constaté de son côté Frantz Dufour, qui, avec son père Alain, présentait une exposition rétrospective pour les 50 ans de la Galerie Afrique.

Une rare Statue poteau Kota

Pour autant, si le marché est aujourd’hui moins fort, les marchands veulent rester positifs. « Cela n’a pas été une année facile. Cependant, peut-être à cause des Jeux olympiques qui ont donné une belle image de Paris, je sens une bonne énergie », remarquait Ferdinand Larroque, qui a investi avec son père, Olivier, un espace rue Mazarine depuis mars. Ils ont vendu plusieurs objets pour un panier moyen situé entre 5 000 et 10 000 euros et avaient plusieurs touches pour une Statue poteau Kota – Ambete, sud-est du Gabon/Congo (autour de 120 000 €). « Seules trois au monde sont connues, dont une est au Musée du quai Branly-Jacques Chirac. » Michael Hamson (Palos Verdes Estates, Californie), qui était dans l’expectative avant le lancement de l’événement, a été agréablement surpris : « J’ai vu de vrais collectionneurs, que je n’avais pas vus depuis longtemps, notamment des Américains, et j’ai senti les gens enthousiastes, ils avaient envie de se faire plaisir. » Sa sélection de pièces, essentiellement de Papouasie-Nouvelle-Guinée, affichait de nombreux points rouges, pour des ventes entre 10 000 et 150 000 euros, dont une Figure Bioma, culture Urama, Golfe de Papouasie.

Si les galeries ne sont pas toutes du même niveau, plusieurs exposants ont fait des efforts et viennent avec des expositions thématiques ayant nécessité un important travail de recherche en amont, ou bien une sélection de pièces de qualité muséale. Dans le premier cas, il ne fallait pas manquer l’exposition de Charles-Wesley Hourdé et Nicolas Rolland célébrant le centenaire du surréalisme avec des pièces aux provenances prestigieuses, à l’image d’André Breton, de Charles Ratton, Tristan Tzara, Pierre Loeb… Ou bien celle du bruxellois Didier Claes, dont la pièce phare de « Senoufo » était un Couple primordial– une statue féminine et une statue masculine présentes un temps dans la collection du marchand Charles Ratton, séparées puis récemment réunies (450 000 €).

Faire l’impasse sur la sélection de haute volée d’Ana & Antonio Casanovas, rejoint par leur fils Damian (Arte y Ritual, Madrid), aurait été une erreur. Les marchands espagnols étaient venus avec des pièces peu communes, à l’image d’un masque Yaouré, Côte d’Ivoire, d’un grand raffinement (vendu au-delà de 500 000 €), et d’un autre masque, cette fois-ci Bété, Côte d’Ivoire (également vendu). Guilhem Montagut avait quant à lui rassemblé vingt sculptures africaines de haut vol, dont un masque Satimbé, Dogon, Mali, du XIXe siècle ou antérieur, issu de la collection Jean Willy Mestach, qui intéressait plusieurs personnes (entre 250 000 et 300 000 €). Le marchand dévoilait également une collection de 70 échelles votives Telem et Dogon, du XVe au XIXe siècle, dont plus d’une quinzaine étaient vendues (entre 500 et 1 000 €).

Patrick & Ondine Mestdagh (Bruxelles), qui revenaient pour la première fois depuis dix ans, avaient pour l’occasion réuni des pièces provenant des cinq continents, toutes originales, à l’instar d’une Sauterelle aztèque, Mexique, période postclassique, 1325-1521 (prix : en dessous de 200 000 €) qui a fait sensation. Le couple a réalisé plusieurs ventes, parmi lesquelles un important pectoral des îles Fidji, XIXe siècle, en nacre et dent de cachalot (au-dessus de 100 000 €). « On sent quand même que les gens ne se posent pas de question en dessous de 20 000 euros ; ils réfléchissent entre 20 000 et 50 000, mais toussotent au-delà », notait Patrick Mestdagh. Cependant plusieurs exposants, ainsi que des visiteurs ont remarqué que certains marchands « ont pris la grosse tête » depuis la vente de la collection Barbier-Mueller et les prix fous qu’elle a obtenus. « Ils ont mis de gros prix qui ne reflètent pas tout à fait le marché », observait un acteur du secteur.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°639 du 20 septembre 2024, avec le titre suivant : Un Parcours des mondes en quête d’un nouveau public

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque