La Cour de cassation précise qu’un opérateur de ventes volontaires n’est tenu qu’à une obligation de moyens envers le vendeur.
PARIS - Si les contours de la responsabilité du commissaire-priseur envers l’adjudicataire s’avèrent particulièrement bien définis, ceux de sa responsabilité envers le vendeur demeuraient incertains jusqu’à un arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2013. Dans la première hypothèse, et ce depuis un arrêt de la Cour de cassation du 7 novembre 1995, il est de jurisprudence constante que l’opérateur de ventes volontaires est soumis à une obligation de garantie. En effet, sur le double fondement du décret dit « Marcus » du 3 mars 1981 et de l’article 1110 du code civil, l’absence de réserve sur les mentions portées au sein du catalogue de vente aux enchères permet une quasi-automaticité de la nullité dès lors qu’il existe une simple dissension avec la réalité judiciairement constatée. L’erreur fonde alors la faute, critère essentiel de l’article 1382 du code civil, permettant l’engagement de la responsabilité délictuelle de l’opérateur par l’adjudicataire lésé. Cependant, une telle solution ne s’impose pas à la relation entre le vendeur et le commissaire-priseur.
Ainsi, l’opérateur, mandataire du vendeur, ne verra sa responsabilité contractuelle engagée sur le fondement de l’article 1147 du code civil qu’à condition qu’il n’ait pas mis en œuvre l’ensemble des moyens requis. Il ne doit ainsi être ni négligent, ni maladroit, ni incompétent. Et tel ne semblait pas être le cas en l’espèce. En effet, une œuvre fut présentée au feu des enchères, bien qu’elle ne fût pas signée comme étant de Sophie Taeuber-Arp, épouse de Jean Arp, tous deux représentants célèbres du mouvement dadaïste. La gouache sur papier, intitulée Quatre espaces à cercles rouges roulants, bénéficiait d’un pedigree tel que l’appréciation de l’authenticité ne semblait pas nécessiter le recours à un expert, et ce d’autant plus que le commissaire-priseur se présentait comme un spécialiste du mouvement.
L’œuvre était ainsi accompagnée de deux certificats d’authenticité, l’un émanant de Jean Arp, l’autre, postérieur, étant fourni par une galerie spécialisée dans l’art contemporain. Par ailleurs, la gouache avait eu les honneurs d’une inclusion au sein d’une rétrospective organisée par Jean Arp en 1964, où elle était présentée comme de la main de Sophie Taeuber-Arp. Cependant, l’adjudicataire ayant fait procéder à une analyse scientifique et technique, par comparaison avec une œuvre identique détenue par la Fondation Arp, demanda la nullité de la vente, l’œuvre n’ayant pas été exécutée personnellement par l’artiste. Celle-ci en était uniquement la conceptrice. Or, conformément à la solution dégagée par l’arrêt dit « Spoerri » du 15 novembre 2005, la mention du nom d’un artiste dans la description de l’œuvre au sein du catalogue de vente emporte garantie qu’il en est l’auteur effectif. La vente fut ainsi frappée de nullité et le vendeur, obligé de restituer le prix perçu, souhaita engager de manière reconventionnelle la responsabilité de l’opérateur.
La prétention du vendeur est toutefois rejetée, car la responsabilité contractuelle suppose une inexécution des missions déterminées au terme du mandat donné au commissaire-priseur. Or le mandat ne contenait aucune obligation de procéder à une analyse scientifique, dont le coût aurait été supporté par le vendeur. De même, le recours à un expert n’aurait, « eu égard aux données acquises au moment de la vente », eu aucune incidence sur la présentation de l’œuvre, mais aurait uniquement permis au commissaire-priseur de voir sa responsabilité limitée, car partagée. La solution de la cour d’appel, qui avait ainsi retenu qu’il n’y avait aucune raison de mettre en doute l’authenticité de l’œuvre, ni de procéder à des investigations complémentaires, est ainsi confortée par la Cour de cassation. La responsabilité du commissaire-priseur à l’égard du vendeur, en raison de l’annulation d’une transaction, est donc affaire de circonstances, dont l’appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond. Surtout, à l’inverse du régime de responsabilité à l’égard de l’adjudicataire, il n’y a là aucune automaticité, puisque seule une obligation de moyens pèse sur l’opérateur et non une obligation de garantie. Ainsi, un opérateur diligent et compétent pourra voir sa responsabilité écartée envers le vendeur lésé. Une telle précision accorde une certaine sérénité aux commissaires-priseurs, dont l’œil expérimenté leur assure une relative protection.
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Responsabilité à l’égard du vendeur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°403 du 13 décembre 2013, avec le titre suivant : Responsabilité à l’égard du vendeur