En ventes publiques, un adjudicataire lésé peut se voir pleinement garanti de la restitution du prix de vente.
FRANCE - Lorsqu’une vente aux enchères publiques se voit annulée, en raison par exemple de la non-concordance de la description de l’objet avec la réalité judiciairement constatée, un jeu de restitutions s’opère. Celui-ci est marqué du sceau de la symétrie : l’adjudicataire lésé doit rendre l’objet acquis, le vendeur le prix perçu et l’intermédiaire les frais facturés. Et ni le refus de la restitution de l’œuvre litigieuse, ni la restauration de celle-ci ne peuvent permettre au vendeur de refuser le remboursement du prix perçu, ainsi que l’a rappelé le Tribunal de grande instance de Paris le 21 mai 2015 à propos d’un tableau décrit comme étant de la main de Chardin. Toutefois, une telle symétrie est rompue, lorsque l’intermédiaire refuse de dévoiler le nom de son mandataire, acceptant alors de prendre seul la responsabilité de la restitution du prix, ou lorsque le vendeur est en situation d’impécuniosité, ou encore qu’il a disparu. Encore faut-il que l’adjudicataire rapporte la preuve d’une telle hypothèse.
Disparition à établir
Cette exigence est régulièrement rappelée par la jurisprudence et était au cœur des derniers remous de l’affaire de L’Œil fleuri de Dalí. Celle-ci avait commencé plus de dix ans avant l’arrêt sur renvoi de la cour d’appel de Versailles du 24 septembre 2015 qui vient clore une saga de six décisions judiciaires. L’œuvre présentée à l’occasion d’une vente aux enchères publiques en 2001 comme une peinture issue du décor du ballet « Tristan fou » ne consistait, en réalité, qu’en un châssis de coulisse réalisé sous le contrôle de l’artiste et non de sa main. La vente fut classiquement annulée, mais la disparition en cours de procédure du vendeur paralysa le jeu des restitutions, la remise des parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la vente. L’acquéreur avait alors sollicité la condamnation solidaire de l’étude d’huissiers et de l’expert pour le remboursement du prix de vente, mais fut débouté en 2010. Selon la cour d’appel de Paris, la disparition du vendeur étant indépendante du manquement commis par les intermédiaires, ceux-ci ne pouvaient être tenus responsables de l’impossible restitution.
La Cour de cassation censurait un tel raisonnement, le 27 novembre 2013, renvoyant à la cour d’appel de Versailles le soin de déterminer si le vendeur avait disparu ou s’il se révélait insolvable, conditions nécessaires pour la mise en œuvre de la garantie. Après avoir rappelé que l’acquéreur avait tenté de manière infructueuse de trouver le représentant légal du vendeur à deux adresses différentes et que la société venderesse avait depuis quitté son adresse à Miami sans donner suite, la cour en conclut que la « disparition du vendeur est suffisamment établie ». L’étude d’huissier est ainsi condamnée à garantir l’adjudicataire de la restitution du prix de vente, soit près de 190 000 euros, l’expert garantissant, à son tour, intégralement l’étude, et prenant alors l’entière responsabilité financière de la défaillance du vendeur. Cette hypothèse, certes rare, dénote une nouvelle fois l’étendue de la garantie pesant sur l’expert au profit d’un adjudicataire lésé et soucieux d’être rétabli dans ses droits.
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Vendeur défaillant et remboursement
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Abonnez-vous dès 1 €Salvador Dali, L'Œil fleuri (n°8), 1942-1944, huile et tempera sur toile. Cette œuvre authentique fait partie du décor pour le Tristan fou. © Waterhouse & Dodd, New York/Londres.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°449 du 22 janvier 2016, avec le titre suivant : Vendeur défaillant et remboursement