PARIS [06.10.14] - La cour d’appel de Paris a confirmé, le 10 septembre 2014, une solution désormais établie faisant de l’expert ayant assisté le commissaire-priseur lors d’une vente l’entier garant des condamnations prononcées in solidum, tout en dégageant une nouvelle condition.
Les liens unissant l’expert et le commissaire-priseur répondent, au stade de la mise en œuvre de leur responsabilité, à un principe de solidarité, d’origine légale et jurisprudentielle. La condamnation solidaire de ces deux « faiseurs d’authenticité » emportait cependant une difficulté au stade de la répartition de la contribution à la dette.
D’une contribution à parts égales ou en fonction de la faute de chacun, la jurisprudence a dessiné depuis quelques années une solution dont les contours s’affinent. Ainsi, le principe de la garantie intégrale de l’expert au profit du commissaire-priseur avait été affirmé par la Cour de cassation, aux termes de l’arrêt dit Dufy du 3 avril 2007. La Haute juridiction retenant que « le commissaire-priseur qui a recouru aux services de deux experts ayant attesté l'authenticité de l'œuvre présentée lors d'une vente est fondé à demander leur garantie ». Aux juridictions du fond, depuis, de préciser les conditions de mise en œuvre de cette garantie.
A cet égard, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 10 septembre 2014 offre un nouveau critère de répartition de la contribution à la dette.
Deux toiles présentées dans le catalogue de vente de l’opérateur Tajan comme étant de l’artiste Marie Bashkirtseff ont été judiciairement déclarées inauthentiques par le tribunal de grande instance de Paris le 3 juin 2009, entraînant corrélativement la nullité des ventes et l’engagement in solidum de la responsabilité de l’opérateur et de l’expert l’ayant assisté. La cour d’appel de Paris confirme la solution retenue, à l’exception de la répartition à parts égales de la condamnation entre l’opérateur et l’expert. En effet, la cour retient que « le commissaire-priseur qui a pris la précaution de s'adresser à un expert, réputé en cette qualité avoir une connaissance particulière dans son domaine de compétence et alors qu'il n'est pas démontré que le choix de M. Mathias Papon pouvait, légitimement, susciter des réserves, doit obtenir la garantie intégrale de celui-ci qui a engagé sur sa seule affirmation de l'authenticité des œuvres en cause, sa responsabilité, non seulement vis à vis de l'acquéreur mais également de la SA Tajan ». En outre, l’expert est condamné à supporter la totalité des frais de justice engendrés par la procédure. La garantie intégrale de l’expert dans la contribution à la dette, née du préjudice subi par l’adjudicataire trompé, s’impose donc au profit du commissaire-priseur.
Néanmoins, la cour précise que le choix opéré par le commissaire-priseur de s’adresser à tel ou tel expert ne doit pas être contestable. La notion de « domaine de compétence », en tant que critère d’appréciation, suscite toutefois une certaine réserve du fait de sa particulière imprécision.
Une telle condition est novatrice. En effet, soit la garantie intégrale était de droit, soit elle s’avérait liée à la faute commise par l’expert. Ni la cour d’appel de Paris le 21 octobre 2011, ni le TGI de Paris, le 22 avril 2013 ou le 30 janvier 2014, n’exigeaient pareille condition. Le dernier jugement retenant, par exemple, que « la société Camard & Associés a pris le soin de s'entourer de l'avis d'un expert chargé d'examiner l'œuvre litigieuse. Elle est en conséquence fondée à demander que Monsieur Chauvelin la garantisse au titre de la condamnation prononcée à son encontre du chef du préjudice financier et moral ». Au contraire, la garantie totale se justifiait parfois, tant en première instance qu’en appel, par la faute de l’expert. Ainsi le TGI de Paris a-t-il retenu, le 27 février 2012, que « la société Aguttes est fondée à exercer son action en garantie contre la société cabinet Dan Coissard qui n'a pas pris les précautions suffisantes (avis des meilleurs experts de l'œuvre de Julien Dupré, vérification de la provenance) avant de faire figurer les mentions figurant au catalogue, dénuées de toute réserve ».
A l’égard du vendeur, une telle condition avait néanmoins déjà été retenue par la jurisprudence. Le TGI de Paris condamnait un opérateur, le 30 mai 2014, à verser 8 000 euros d’indemnités à un vendeur du fait de ne pas s’être assuré de la compétence de l’expert choisi pour authentifier une œuvre, l’expertise erronée ayant conduit à la nullité de la vente.
Enfin, un manquement du commissaire-priseur impose un partage de responsabilité avec l’expert. La cour d’appel de Paris a ainsi pu retenir le 8 juin 2012 que « cette garantie ne saurait être totale au regard de la faute commise par le commissaire-priseur qui devait, au regard de la particularité de la situation, l'expert étant le dirigeant de la société venderesse, présenter le meuble à un autre spécialiste ». Le commissaire-priseur ne bénéficie ainsi d’une quasi-immunité, dans la contribution à la dette, qu’à condition de s’entourer d’un expert compétent. Pour autant, il demeure tenu à rembourser les frais de vente perçus et, en cas d’insolvabilité du vendeur, à rembourser le prix perçu par ce dernier en contrepartie du bien décrit de manière erronée.
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La cour d’appel confirme la garantie de l’expert dans une vente publique sous réserve qu’il ne soit pas contestable
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Abonnez-vous dès 1 €Le Palais de justice de Paris - © Photo Benh LIEU SONG - 2007 - Licence CC BY-SA 3.0