États-Unis - Droit - Expertise

New York : une proposition de loi pour protéger les experts

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 20 mai 2014 - 466 mots

NEW YORK (ETATS-UNIS) [20.05.14] - Si la proposition déposée le 6 mars 2014 était adoptée, l'Etat de New York serait le premier à protéger les experts se prononçant sur l'authenticité ou la paternité d'une oeuvre d'art.

Face à la crainte de voir leur responsabilité lourdement engagée, de nombreux experts refusent désormais de se prononcer publiquement sur les qualités d'une oeuvre passée entre leurs mains. Cette situation a ainsi conduit de nombreux comités d'authentification à cesser leur activité, à l'image des fondations Warhol et Keith Haring, et permis outre-Atlantique de très nombreuses dérives, dont la spectaculaire affaire Knoedler ayant défrayé la chronique au cours de l'année passée. La présente proposition, visant à modifier la loi sur les arts et les affaires culturelles, répond à cet inquiétant état de fait empêchant aujourd'hui les experts à s'exprimer librement.

Comme en France, l'expert artistique ne bénéficie actuellement d'aucun statut juridique défini. Les rédacteurs de la proposition ont donc forgé un néologisme, « authenticator », afin de restreindre la portée des prérogatives à venir. Ainsi, deux catégories d'experts sont visées. La première correspond à toute personne physique ou morale, reconnue par la communauté des arts plastiques tout à la fois pour son expertise à l'égard d'un artiste ou d'une oeuvre et pour sa probité dans la délivrance d'une certification. Les auteurs d'un catalogue raisonné ou les experts indépendants pourraient ainsi bénéficier des dispositions de la loi. La seconde catégorie englobe tout intervenant concourant à la mise en lumière d'éléments constituant la base d'une future expertise. A ce titre, les laboratoires d'analyse scientifique pourraient également voir leur responsabilité limitée. En revanche, la proposition de loi exclut explicitement de son champ d'application toute personne ayant un intérêt financier, direct ou indirect, en lien avec l'expertise, à l'exception de la compensation liée aux frais engendrés et à une juste rémunération. Le texte est ainsi sous-tendu par une véritable moralisation de l'expertise.

Le mécanisme de limitation de la responsabilité de l'expert se déploierait à l'occasion de toute action judiciaire intentée contre l'« authenticator ». L'exigence de faits probants serait accrue, afin de pouvoir porter tout litige devant les tribunaux. De même, la preuve du caractère défaillant d'une expertise répondrait également à des normes supérieures à celles habituellement exigées. Enfin, alors qu'aux Etats-Unis les frais d'avocat sont à la charge des parties, un expert dont la responsabilité aura été judiciairement écartée pourra exiger de la partie adverse le remboursement des frais engagés pour sa défense. L'« authenticator » disposerait ainsi d'un mécanisme similaire à l'article 700 du code de procédure civile français. Dépourvue de portée rétroactive, la loi ne viendrait s'appliquer qu'aux expertises réalisées après sa promulgation. Cependant, certains détracteurs de la loi s'inquiètent d'une future impunité accordée aux experts. Mais l'épée de Damoclès qui pèsent sur ces derniers n'est pas encore en passe de disparaître.

Légende photo

New York vue depuis le Rockefeller Center, Etats-Unis - © Photo Jerry Ferguson -2008- Licence CC BY 2.0

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