LONDRES / ROYAUME-UNI
Malgré le Brexit, le Royaume-Uni a intégré à sa législation la directive européenne contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Le marché britannique des œuvres d’art est entré dans une nouvelle ère. Depuis un peu plus d’un mois, tous les pays de l’Union européenne doivent respecter la nouvelle directive européenne contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. « Cette directive européenne étant entrée en vigueur le 10 janvier, les parlementaires l’ont intégrée à la législation britannique en décembre, explique Anthony Browne, le président de la Fédération britannique du marché de l’art (BAMF). Même si le Brexit a eu lieu depuis, le Royaume-Uni doit désormais l’appliquer et rien ne laisse penser qu’il ne continuera pas à le faire à l’avenir. »
Pour ce haut responsable britannique, directeur de la maison de vente Christie’s entre 1978 et 1996, « cette directive réglemente un secteur qui ne l’était pas encore et impose des devoirs et obligations à ses acteurs. Jusqu’alors, la seule réglementation concernait les opérateurs de grande valeur (High Value Dealers) », c’est-à-dire des commerçants britanniques, pas uniquement liés au monde de l’art, dont les activités engendraient des versements en liquide d’au moins 15 000 euros.
Le 7 février, le BAMF a publié ses recommandations, destinées aux « participants du marché de l’art », fruits d’une collaboration de plusieurs mois avec le ministère des Finances et l’administration en charge des impôts. Approuvées par le ministère des Finances, elles ont désormais force de loi.
Ce rapport de 111 pages rappelle que « le blanchiment d’argent peut concerner la vente ou l’achat d’une œuvre d’art ». Il met en garde contre la vente « d’œuvres volées, pillées ou acquises avec des biens issus de fraude fiscale, de corruption, de commerce illégal de biens volés, de délit d’initié, de trafic de drogue », ainsi que la possibilité qu’il finance le terrorisme. Et, évidemment, contre l’acquisition d’œuvres grâce à des fonds douteux.
Le texte détaille ensuite les mesures à prendre pour les acteurs du secteur. Ceux-ci doivent s’assurer de l’identité du « propriétaire bénéficiaire ultime » du vendeur et de l’acheteur pour toutes les ventes supérieures à 10 000 euros (taxes et commissions comprises). Pour ce faire, ils doivent obtenir des documents d’identité certifiés contenant la date de naissance des individus et des preuves récentes d’adresse, puis vérifier que leur nom ne figure pas sur les listes des personnes recherchées ou interdites. Dans le cas d’une acquisition via une personne morale, l’identité de ses propriétaires ou actionnaires doit être connue. Les autorités portent l’attention sur « les personnes politiquement exposées », jugées plus particulièrement à risque. Parmi eux, les chefs d’État, les membres de gouvernements et les parlementaires. Tous les documents liés à ces ventes doivent être conservés pendant cinq ans.
Les « acteurs du marché de l’art » doivent s’assurer que leurs employés sont formés « à intervalle régulier » pour être capables « de reconnaître et de gérer des transactions, des activités ou des situations potentiellement liées au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme ». Ils doivent également nommer une personne chargée de la supervision de cette activité, à qui les employés devront faire part de cas de suspicions.
La question est prise au sérieux par les maisons de ventes londoniennes. Sotheby’s indique « avoir révisé ses politiques et procédures mises en place depuis longtemps pour s’assurer qu’elles respectent la nouvelle réglementation au Royaume-Uni ». De son côté, Christie’s affirme « être bien positionnée pour remplir les demandes de la directive après avoir introduit [son] programme anti-blanchiment d’argent il y a une décennie ». Ce programme est supervisé par une entité internationale, tandis que le personnel est formé « à gérer des transactions inhabituelles ». La société de ventes aux enchères assure aussi « avoir mis en place une limite maximale pour les montants en liquide et une politique interdisant le paiement pour des tiers ».
Et pour cause : Londres et plus largement le Royaume-Uni sont considérés comme l’un des centres mondiaux du blanchiment d’argent. L’Île de Man, Guernesey et Jersey, notamment, profitent d’une fiscalité parmi les plus avantageuses au monde, héritée d’avantages obtenus de la couronne britannique au XIIIe siècle. La législation, très floue, permet notamment d’ouvrir aisément des trusts, dont l’identité des réels détenteurs est souvent malaisée à découvrir. Difficile pourtant de prédire si le renforcement de la réglementation entraînera une baisse de l’activité commerciale de la place londonienne.
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Nouvelles règles anti-blanchiment au Royaume-Uni
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°540 du 28 février 2020, avec le titre suivant : Nouvelles règles anti-blanchiment au Royaume-Uni