MARSEILLE
La directrice du château de Servières, à Marseille, présente la neuvième édition du salon Paréidolie, programmé les 27 et 28 août 2022.
C’est un centre d’art actif toute l’année, installé au rez-de-chaussée d’un bâtiment municipal – les ateliers d’artistes de la Ville de Marseille sont situés à l’étage. Nous y programmons des expositions, avec la spécificité de les produire. Le centre d’art est né d’une belle histoire : dans les années 1980, le centre social Servières a fait circuler un questionnaire auprès de ses usagers pour connaître les activités culturelles qu’ils souhaitaient y pratiquer. Tous ont répondu, à l’unanimité, des cours de dessin. L’équipe du centre a décidé d’aller plus loin et de créer, en 1988, une galerie d’expositions, la première en France dans un centre social.
Je me suis aperçue, en assurant la programmation artistique du château depuis plus de vingt ans, que les artistes passent toujours par le dessin, même ceux qui travaillent d’autres médiums. Ensuite, nous voulions venir en complément d’Art-o-rama, foire généraliste qui se tient à Marseille à la même période. Il nous fallait donc une offre spécifique. Enfin, nous pensons que le dessin est plus accessible à un large public. Certes, Paréidolie est un salon marchand, mais nous lui conservons l’ambition de faire découvrir le dessin.
C’est un salon intimiste. Nous avons commencé avec dix galeries ; nous en accueillons aujourd’hui quatorze, avec l’idée de prendre chaque année plus d’ampleur sans augmenter le nombre d’exposants. Nous voulons ainsi rester cohérents avec l’esprit d’intimité du dessin et garder de bonnes conditions pour regarder les œuvres. Depuis 2014, nous avons la chance d’avoir des personnalités très diverses dans notre comité de sélection – présidé successivement par Bernard Blistène, Paul Ardenne, Olivier Kaeppelin, Chiara Parisi et, aujourd’hui, Jean de Loisy –, comme la collectionneuse Josée Gensollen, le peintre Gérard Traquandi ou la cofondatrice de la revue Roven Marine Pagès. Leurs visions très diverses du dessin nous permettent chaque année de proposer un salon éclectique, montrant un panel large des formes du dessin actuel.
L’idée était de nous ancrer à Marseille, ville grecque, et donc de trouver un titre aux racines grecques [paréidolie vient du grec pará, « à côté [de], au lieu [de] », et eídōlon,« simulacre, fantôme »]. Cette idée d’interpréter des formes était par ailleurs assez juste s’agissant du dessin. Et c’était cohérent avec notre volonté d’ouvrir le salon à un public large : dans la paréidolie, chacun peut voir la forme qu’il veut.
Nous avons voulu dès le départ présenter des galeries françaises et étrangères dans une même proportion. Depuis deux éditions, nous souhaitons également mettre l’accent sur le territoire. C’est pourquoi nous choisissons cet équilibre d’un tiers de galeries parisiennes, un tiers de galeries du territoire et un tiers de galeries étrangères. Cela permet de faire de très belles découvertes, comme la Galerie Plein-Jour, de Douarnenez, qui présentait l’an passé des artistes d’Art brut japonais.
La Galerie AL/MA (Montpellier), déjà présente l’an passé, expose le travail d’Ève Gramatzki (décédée en 2003), qui a beaucoup compté à un moment mais qui n’est plus exposée aujourd’hui ; ce sera donc une redécouverte. Les dessins de Karine Rougier seront également présentés par deux galeries : Espace à vendre (Nice) et Backslash (Paris), pour laquelle l’artiste réalise un projet spécifique avec Odonchimeg Davaadorj. La Galerie Françoise Besson, qui fait un formidable travail à Lyon, présentera, elle, les dessins de Barbara Carnevale…
Lorsque l’on a créé le salon, nous avons voulu exposer des artistes de notre territoire qui n’ont pas encore de galerie en dépit de leur potentiel – Marseille est la ville qui compte le plus grand nombre d’artistes après Paris. C’est pourquoi nous offrons, cette année, une carte blanche à Mayura Torii. En guest, Jeanne Susplugas, que nous avons déjà exposée au château de Servières, nous proposera un voyage en 3D dans ses dessins. Parallèlement, nous proposons deux cartes blanches à deux structures du territoire : Polaris, un nouveau centre d’art qui a été inauguré en juin à Istres, et la Galerie Territoires partagés à Marseille. La première viendra avec une proposition du duo Magali Daniaux et Cédric Pigot, et la seconde rendra hommage à Jean-Jacques Ceccarelli, un expérimentateur disparu en 2017.
La saison permet d’inscrire le dessin dans une temporalité plus longue, tout en créant un circuit entre les structures (institutionnelles, associatives ou privées) de Marseille et de la région. C’est dans ce cadre que nous présentons chaque année, depuis 2014, le travail d’un artiste sur le plateau explorations du Frac Paca. Cette année, nous avons choisi le travail de Ramiro Guerreiro, une exposition qui s’inscrit dans le cadre de la saison France-Portugal et dans la thématique architecture initiée par Muriel Enjalran, la nouvelle directrice du Frac. Le partenariat avec les musées de Marseille se poursuit également au Musée Cantini.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°756 du 1 juillet 2022, avec le titre suivant : Martine Robin : « Dans la paréidolie, chacun peut voir la forme qu’il veut »