MARSEILLE
Paréidolie, et dans une moindre mesure, Art-o-Rama, ont fait preuve de volontarisme pour relancer la saison des foires.
Marseille. « J’aime bien venir à Paréidolie, car les collectionneurs sont détendus et bronzés », confesse le galeriste parisien Michel Rein lors du vernissage du salon du dessin contemporain Paréidolie. « Il faut reconnaître que les foires nous manquent un peu, ajoute Marion Papillon, celle-ci nous permet de faire notre rentrée en douceur dans un cadre sympathique. » Ce n’est sans doute pas à Marseille, que les galeries vont battre des records de chiffre d’affaires, mais pour un coût modeste, elles peuvent revoir leurs clients en villégiature dans la région et rencontrer les quelques collectionneurs de la cité phocéenne. Une opération de relations publiques en somme qui permet aussi de mettre en avant leurs artistes habituels et tester de nouveaux talents.
Le format intimiste de la foire – il n’y a que quatorze galeries dans des espaces limités – permet des échanges plus nourris avec les visiteurs. « C’est voulu, revendique Martine Robin, la directrice de la manifestation, cela tient à notre histoire. » Contrairement à la plupart des foires parisiennes, Paréidolie est issu du monde associatif, en l’occurrence une galerie d’art tournée vers le dessin dans une bastide – renommée un peu crânement château de Servières – des quartiers nord de Marseille. L’association s’est installée en 2007 dans un immeuble municipal, dans un quartier encore populaire du centre-ville, en gardant le nom de la bastide.
Avec un tel contexte, on s’attend à une manifestation d’amateurs, ce qui n’est pas du tout le cas. Rodé par les sept éditions précédentes – il n’y en a pas eu en 2020 en raison de la crise sanitaire –, le salon a de l’allure, l’ambiance décontractée marseillaise en plus. « C’est une foire de qualité, d’ailleurs on y retrouve un grand nombre galeries de Drawing Now et on y fait aussi des découvertes », commente en souriant Karine Tissot, la directrice de la foire parisienne venue elle aussi faire sa pré-rentrée.
Des œuvres entre 200 et 18 000 €
De fait, les exposants ont accroché des œuvres de belle tenue dans une gamme de prix compatible avec cette catégorie d’œuvres et le pouvoir d’achat local. Soit entre 200 euros pour les dessins-mangas au revers de prospectus publicitaires du Japonais Kaoru Kobayahsi de la galerie Plein-Jour de Douarnenez, qui a fait l’effort d’un accrochage thématique sur l’art brut japonais, jusqu’à 18 000 euros pour une grande huile sur papier de Nina Childress à la galerie Bernard Jordan qui en profite pour révéler les intrigants découpages d’Aristide Bianchi.
Tous les exposants montrent seulement deux ou trois artistes, plutôt qu’un florilège de la galerie, avec parfois un effort éditorial comme la galerie parisienne 8+4 qui présente un ensemble de vues de la montagne Sainte-Victoire par Vera Molnar dans différentes techniques. La Galerie Papillon expose opportunément un ensemble « d’aquarelles phocéennes » de Charles Le Hyaric et, en contrepoint, des cartes géographiques de Cathryn Boch, à la forme et au message moins séducteurs. Michel Rein est venu avec trois artistes dont plusieurs collages et acryliques sur papier de Franck Scurti réalisés pendant le confinement. Les galeries AL/MA (Montpellier), Eva Vautier (Nice), et Vachet-Delmas (Sauve, dans le Gard) ont fait le déplacement en voisins, avec pour la première, des dessins en lien avec la sculpture, pour la seconde une belle série de dessins sur photos de Natacha Lesueur (4 500 €) et pour la troisième avec des encres de Thomas Henriot.
Art-o-Rama résolument peu séductrice
Tout n’est pas bon à Paréidolie, mais ce n’est pas décoratif non plus. On ne peut pas en dire autant du salon Art-o-rama, pourtant bien plus grand (44 galeries) et logé dans un lieu devenu emblématique de l’effervescence culturelle marseillaise : la Friche la Belle de Mai. Ni génie, ni décoration, mais une volonté de montrer de l’art contemporain qui refuse toute séduction, sans pour autant avoir du souffle. La peinture – et assimilée – est présente, environ un quart des œuvres exposées, mais elle laisse froide, comme les encres sur toile de jute (influencées par Fernand Léger) de Florian & Michael Quistrebert à la Galerie Crèvecœur. Il y a beaucoup de photos et encore plus d’objets-sculptures dont certains sont des esquisses ou des caricatures d’art contemporain.
On ne sait si les organisateurs ont eu du mal à recruter des galeries de premier niveau ou si c’est un parti pris, mais à l’exception de quelques pointures (Meessen De Clercq, In Situ-Fabienne Leclerc, Crèvecœur, Ceysson & Bénétière…), la plupart des galeries sont étrangères et peu connues. Signalons la présence d’un ancien journaliste du Journal des Arts, Frédéric Bonnet, qui va ouvrir prochainement une galerie à Marseille – Nendo Galerie – axée sur la céramique des années 1960 à aujourd’hui. Il expose dans un coin peu commode du salon des sculptures en céramique inspirées de canalisations vues au Maroc, un projet de Julia Borderie et Éloïse Le Gallo.
Les deux salons organisent en parallèle, un programme VIP (Art-o-Rama) qui a le mérite de montrer l’étendue de l’offre en art contemporain dans la région et d’attirer ainsi des collectionneurs, et une semaine du dessin (Paréidolie) qui fédère des expositions dans divers lieux, dont le Frac avec, actuellement, une installation d’Olivier Nattes. Ce bouillonnement encourageant pour la scène locale, judicieusement placé à la charnière des vacances et de la rentrée, est cependant encore trop timide pour la deuxième ville de France.
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À Marseille, la pré-rentrée des galeries
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°572 du 3 septembre 2021, avec le titre suivant : À Marseille, la pré-rentrée des galeries