MARSEILLE
À Marseille, la foire d’art contemporain et le salon de dessin viennent de fermer leurs portes, marquant ainsi la fin de l’été
Art-o-rama a littéralement fait pavoiser Marseille. Partout en ville, son affiche aux tonalités bleu-blanc-rouge annonçait ces derniers jours la nouvelle édition de la foire qui s’est tenue du 25 au 28 août 2022 sur deux étages de la Friche La Belle de mai. Encore fallait-il réussir à la déchiffrer !
Le graphisme des designers Ariane Bosshard et Olivier Huz (une écriture cursive au trait épais) n’est, en effet, pas des plus lisibles. Une impression que l’on retrouve dans les allées de la foire, dont le plan, brouillon, ne facilite guère le repérage du visiteur, qui n’est pas davantage aidé par la signalétique des stands. Confier les deux côtés d’un seul mur à une même enseigne (la galerie parisienne Salle Principale) n’était, par exemple, pas l’idée du siècle, comme placer l’installation présentée par galerie parisienne Exo Exo (un pénétrable multimédia, d’Antoine Donzeaud) au beau milieu d’une allée…
Et que dire de l’absence de cartels sur la quasi-totalité des stands, qui ajoute à la confusion générale : snobisme d’élite ou simple oubli ? C’est dommage pour un événement qui joue la carte de la découverte et qui devrait, par conséquent, faire davantage œuvre de pédagogie.
Art-o-rama : l’utile à l’agréable
C’est d’autant plus dommage qu’Art-o-rama remplit globalement son contrat. « Nous réaffirmons notre engagement dans le soutien à l’émergence et notre rôle de défricheur », annonçaient les organisateurs qui ont sélectionné un grand nombre d’enseignes pas ou peu repérées. À l’exception de Ceysson & Bénétière, d’In Situ Fabienne Leclerc, de la Galerie des multiples et de Meesen De Clercq (laquelle a signé l’un des plus beaux stands de la foire avec sa présentation des mondes miniatures de Théo Massoulier), le gros du contingent des 47 exposants est composé de jeunes galeries, de galeries associatives, voire de « projects spaces » d’artistes qui n’hésitent pas à s’exposer eux-mêmes. Espace d’exposition créé en 2019 à Marseille par deux jeunes curatrices, Élise Poitevin et Anne Vimeux, le Sissi club présentait par exemple un accrochage des peintures d’apparences naïves d’Inès Di Folco, vendues entre 900 et 5 000 euros.
Côté diversité géographique, là-encore Art-o-rama, foire « internationale » d’art contemporain, remplit son contrat : Naples, Bratislava, Vienne, Bucarest, Tallinn, Poznan, Anvers… les exposants viennent de loin, voire de très loin, à l’instar de l’espace O – Town House (lancé par Scott Cameron Weaver en 2018 venu de Los Angeles) et de la galerie Good Weather (qui a fait le voyage de Chicago). « Nous avons déjà participé à Liste Art Fair Basel cette année, et nous avions envie de participer à Art-o-rama dont nous avions entendu parler. Et puis, ajoute la galerie Good Weather, c’était l’occasion de joindre l’utile à l’agréable. » L’agréable, c’est Marseille, son soleil et ses calanques, comme son calendrier : à la fin de l’été, quelques jours avant l’effervescence de la rentrée. Car si Arles et ses Rencontres de la photographie sonne depuis longtemps le début des vacances, Marseille marque depuis peu la fin de l’été avec un ensemble d’événements programmés à la même période, parmi lesquels Art-o-rama, Paréidolie et Polyptique, intéressante petite foire de photographie organisée près du Vieux Port.
C’est même la force d’Art-o-rama qui draine un nombre de plus en plus grand de collectionneurs, d’artistes et de professionnels venus prendre une dernière fois le soleil avant la rentrée. Groupes de collectionneurs, responsables de Frac et de musées, CNAP, fondations… on se bousculait dans les allées d’Artorama le soir du jeudi 25 août, passant d’un stand à l’autre – tout en prenant soin de faire une pause au stand Ricard qui faisait découvrir, gratuitement, ses nouveaux produits.
Mais l’utile dans tout cela. Les ventes ? L’ambiance festive n’a pas été très favorable aux affaires le soir du vernissage. Nombre d’exposants n’ont rien vendu tout en se disant peu inquiets, le coût peu élevé d’un stand (moins de 4 000 euros) minimisant grandement les risques.
Prendre le temps, à Paréidolie
À Paréidolie, la foire dédiée au dessin contemporain - dont le vernissage était étonnamment programmé samedi 27 août à 9 heures du matin - située à deux kilomètres seulement de La friche La belle de mai, le coût du stand n’était pas plus élevé : 2 500 euros. Pour sa 9e édition, le comité de sélection avait sélectionné 14 galeries et confié deux cartes blanches à deux acteurs locaux (la Galerie Territoires Partagés et le nouveau centre d’art Polaris, à Istres). Si l’atmosphère était aussi conviviale qu’à Art-o-rama, les affaires semblent en revanche avoir mieux fonctionné, aidées il est vrai par une présentation irréprochable et une sélection d’exposants plus homogène que chez sa voisine. C’est la deuxième fois que la Galerie 8+4 (Paris) participe à Paréidolie. « J’adore ce salon de fin d’été. Son format est agréable, les collectionneurs sont détendus et l’équipe organisatrice [le château de Servières, ndlr] est remarquable : tout cela rend les relations conviviales », confie Bernard Chauveau, dont le terminal de paiement posé dans un coin du stand était toujours prêt à servir. De fait, on prend traditionnellement le temps dans les allées de Paréidolie. Ainsi peut-on passer une heure à parler de l’artiste Jacques Lizène (disparu en septembre 2021), avec son galeriste Jean-Michel Botquin (Galerie Nadja Vilenne, à Liège), ou flâner dans les dessins en réalité virtuelle de Jeanne Susplugas, artiste invitée de 2022.
« J’en ai marre de participer à des grandes foires », confie Jean-Michel Botquin, qui dit se limiter désormais à une aire géographique comprise entre Vienne, Amsterdam, Londres, Madrid et, bien entendu, Marseille. « Cela a-t-il encore du sens, avec les défis économique et climatiques actuels, de prendre l’avion pour aller vendre des œuvres à Dubaï ou à Shanghai à des collectionneurs européens », s’interroge le galeriste belge ? De fait, à Paréidolie aussi les risques sont limités, certains galeristes parisiens ayant même mutualisé les coûts de transports des œuvres.
S’agissant de dessin dans son acception la plus large, les œuvres restent par ailleurs accessibles, ce qui facilite les coups de cœur. Présentées sur le stand de la BackSlash Gallery (Paris), revenue au salon après une première participation en 2016, les aquarelles de Karine Rougier (lauréate du prix Drawing Now 2022) sont proposées à 1 900 euros ; chez Territoires Partagés (Marseille), les grands dessins de Jean-Jacques Cecarelli à 2 500 euros quand Les Métamorphoses, grand graphiste sur papier de Damien Deroubaix, sont quant à elles vendues 7 600 euros chez Nosbaum Reding (Luxembourg/Bruxelles). Et si cela était trop élevé, la Galerie Eva Vautier proposait un ensemble de dessins mi-humoristiques mi-dramatiques de Gérald Panighi compris entre 450 et 600 euros. Côté surprise, c’est la galerie Lhoste (Arles) qui remportait la palme, avec un stand confié à Reeve Schumacher. Cet artiste et compositeur américain né en 1981 présentait notamment ses séries Spiral Jetty et Sonic Braille, soit d’anciens disques vinyles que le trublion grave à l’aide d’un cutter avant de les recouvrir de signes graphiques. Une fois déposés sur la platine vinyle, ces véritables dessins sonores ont largement contribué à constituer la bande sonore de Paréidolie 2022. De quoi quitter Marseille, et les vacances, des images pleins les yeux et les oreilles.
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Art-o-rama et Paréidolie : deux salons, deux ambiances
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