PARIS
La foire reprend ses dates habituelles en avril. Elle revendique un positionnement local et écologique, soutenant la scène française et se veut cette année plus exigeante, mais toujours autant accessible au grand public.
Paris. Six mois à peine après une édition 2021 ayant attiré plus de 70 000 visiteurs, Art Paris revient au Grand Palais éphémère, et à ses dates habituelles au printemps. Le calendrier était serré, mais « l’euphorie était telle en septembre dernier à l’issue de la foire que tout est allé très vite », se félicite son directeur artistique Guillaume Piens. Cette année, les organisateurs ont en effet reçu deux fois plus de candidatures qu’ils ne pouvaient attribuer de stands (130 au total). Cette position de force leur a permis de se montrer exigeants sur la sélection, en accueillant près d’un tiers de nouveaux marchands stimulés par la présence de grands noms tels que Perrotin, Kamel Mennour, galleria Continua, Lelong & Co, Massimo de Carlo, déjà ralliés entre 2020 et 2021. Christophe Gaillard, Catherine Issert, GB Agency, Max Hetzler comptent ainsi parmi les nouvelles recrues, tout comme Xippas ou le Bruxellois Rodolphe Janssen.
Conviction sincère ou concession à l’époque, la foire affiche une forte ambition écologique en confiant son « écoconception » à l’agence Karbone Prod (fondée par Fanny Legros), en collaboration avec le cabinet Solinnen et l’association Art of Change 21. L’idée est de réduire sensiblement les déchets ainsi que l’émission de CO2 et de dresser à la sortie un bilan du cycle de vie de la foire, « une première dans le monde des salons d’art », selon Guillaume Piens.
La commissaire d’exposition Alice Audouin, fondatrice d’Art of Change 21, est invitée à faire écho à cet engagement à travers la sélection de dix-sept artistes, parmi les exposants, dont le travail est en phase avec les enjeux environnementaux. Le soutien à la scène nationale, devenu depuis 2018 la griffe du Salon, est porté cette année par le commissariat confié à Alfred Pacquement, dont le nom fournit à cet événement commercial une touche institutionnelle bienvenue. Sous l’intitulé « Un regard sur la scène française : histoires naturelles », une vingtaine d’artistes sont mis en avant par l’ancien conservateur de musée. D’Etel Adnan (Galerie Lelong & Co) au jeune Justin Weiler (Paris-B), sa liste embrasse un spectre large, tout en soulignant la présence sur la foire d’œuvres d’artistes reconnus, parmi lesquels Carole Benzaken (Galerie Nathalie Obadia) ; Marinette Cueco (Galerie Univer) ; Eva Jospin (Galerie Suzanne Tarasiève) ; Anne et Patrick Poirier, dont la galerie Mitterrand expose de grands cibachromes de la série « Fragility », ou Dove Allouche (GB Agency) présent avec d’étonnantes compositions comme cette Aspergillus Pénicilloïdes conjuguant photolithographie et cive en verre soufflé…
Art Paris confirme donc sa montée en gamme, mais souhaite cependant conserver sa réputation d’accessibilité. « Je suis attaché à la présence de galeries de taille moyenne », explique Guillaume Piens, qui assure avoir travaillé l’implantation pour créer davantage de mixité en plaçant, par exemple, « une jeune galerie mordante face à un mastodonte ». La « foire régionale et cosmopolite » tient aussi à se distinguer de sa rivale de l’automne, plus internationale, reprise par Art Basel. Bien que l’équipe suisse ait promis de préserver la part des galeries françaises dans sa future sélection, Art Paris a tout à gagner à valoriser son prisme hexagonal et à choyer les marchands locaux. La taille des stands qu’elle concède compte ainsi parmi ses atouts. « Les formats variés de 100, 80 ou 30 mètres carrés permettent aussi de rythmer le parcours et évitent l’effet d’échantillonnage d’espaces à l’identique », estime Guillaume Piens.
C’est à Art Paris, où il dispose pour sa part d’un stand de 70 mètres carrés, qu’Hervé Loevenbruck a choisi de dévoiler un fonds patiemment reconstitué d’œuvres de Gilles Aillaud [voir ill.], auquel le Centre Pompidou consacrera une rétrospective en 2023. L’offre étant limitée et la demande forte pour les toiles de ce peintre qui a peu produit et bien vendu de son vivant, les prix montent. Ils atteindront sur le stand entre 150 000 et 250 000 euros. « Art Paris est le bon endroit pour montrer cet ensemble, car la foire attire un public d’amateurs de peinture », déclare le galeriste. La peinture, en effet, domine, sans surprise – tableaux à la cire sur toile de Philippe Cognée chez Templon (Étude pour un paysage tourmenté n° 5, 38 000 € ; Sans titre, 65 000 €) ; cette très grande huile sur panneau de bois en trois parties de Tursic & Mille chez Max Hetzler (The Blue Landscape, 2019)…
On trouvera également des tapisseries : celle d’Etel Adnan chez Lelong & Co, à côté d’encres sur toile de l’artiste et de quelques dessins (entre 35 000 et 110 000 €). Celle de Giulia Andreani (Le Cours de sculpture, 2022), chez Max Hetzler. Ou celle, très identifiable, de Laure Prouvost chez Nathalie Obadia. Mais l’on verra aussi des œuvres tridimensionnelles, par exemple, une grande sculpture en carton d’Eva Jospin chez Suzanne Tarasiève (entre 50 000 et 100 000 €) ; ou une pièce d’Anita Molinero composée de deux bacs en plastique empilés et déformés au moyen d’un lance-flammes (Sans titre, 2021), chez Christophe Gaillard (entre 10 000 et 35 000 €). Et encore : une céramique dorée de Johan Creten chez Perrotin et un répertoire d’objets « d’intervention d’urgence » de Lucy et Jorge Orta sur le stand de la galerie Marguerite Milin.
La scène émergente n’est pas absente de la foire qui lui consacre un secteur intitulé « Promesses », avec neuf jeunes galeries sélectionnées. À noter aussi les céramiques d’Elsa Guillaume chez Backslash, ou les paysages en papier de la série « Tropiques » de Noémie Goudal représentée par les Filles du Calvaire.
Du côté des modernes, la Galerie A&R Fleury regroupe, sous le titre « Intersections » une vingtaine d’œuvres ayant en commun les effets de texture et de matériaux, signées Hans Hartung, Yves Klein, Claude Viallat, Antoni Tàpies, Jean-Paul Riopelle, Bernar Venet, Alberto Burri, Pier Paolo Calzolari… Les prix montent jusqu’à 300 000 euros. Enfin, on trouvera de fort jolies pièces sur le stand de la galerie Berès, comme une aquarelle sur papier de Sam Szafran (entre 50 000 et 100 000 €), le beau Quartem (1973), bleu géométrique de Geneviève Claisse ou une gouache d’Alexandre Calder (plus de 100 000 €).
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Le retour d'Art Paris au printemps
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°586 du 1 avril 2022, avec le titre suivant : Art Paris revient au printemps