Art Paris poursuit sa montée en gamme

Paris. Art Paris est-elle, comme l’affirme la page d’accueil de son site, « le rendez-vous majeur pour l’art moderne et contemporain au printemps » ? L’édition précédente, qui inaugurait le Grand Palais éphémère et avait été la première à se tenir physiquement à la rentrée, après plusieurs mois d’incertitude et de confinement, avait été saluée comme un moment de retrouvailles et d’échanges avec le public. En revenant à ses dates habituelles [du 7 au 10 avril cette année], la foire s’inscrit dans un calendrier plus chargé : Art Düsseldorf (Allemagne) s’est tenue au même moment, Art Brussels et Art Basel Hong Kong se profilent en mai, puis Art Basel à Bâle en juin… Pourtant, de l’avis de plusieurs exposants, cette édition, dynamique, s’est concrétisée par davantage de transactions qu’en septembre.« Nous avons eu des ventes significatives, dont plusieurs œuvres de Philippe Cognée (entre 30 000 et 60 000 euros) », affirme Anne-Claudie Coric, directrice de la Galerie Templon (Paris, Bruxelles), fidèle au rendez-vous.

L’enjeu pour la foire, qui affiche sa montée en gamme en voyant arriver des enseignes de premier plan, est également de consolider son identité face à « Paris+, par Art Basel », qui remplacera la Fiac en octobre au Grand Palais éphémère et occupe un positionnement plus pointu et international quand Art Paris se veut pour sa part locale et accessible. « Il y a de la place à Paris pour deux grandes foires d’art contemporain, à deux moments de l’année », estime Emmanuel Perrotin, dont la galerie a rallié Art Paris depuis trois éditions, faisant office de locomotive pour nombre de ses confrères et consœurs. Certains (Almine Rech, Frank Elbaz, Thaddaeus Ropac…) n’ont cependant pas réitéré leur présence. D’autres, comme gb agency, Christophe Gaillard, Praz-Delavallade, ont fait leur entrée (ou leur retour) cette année.

Pour ces nouveaux arrivants, la question s’est posée de composer un stand reflétant leur programmation ou bien en accord avec l’esprit grand public de la foire. Massimo De Carlo, qui participait pour la deuxième fois, a ainsi opté pour une présentation en écho à son exposition « In Bloom », en cours rue de Turenne (Paris-3e). Sur le thème des fleurs, son stand présentait notamment une belle sculpture en bronze de Jean-Marie Appriou The Briar Rose (rosa x centifolia), une nature morte aux Roses rouges (2022 ) de Yan Pei-Ming, une composition sur toile de Nate Lowman intitulée Franklin Street Interior #2 (2015)…

Gb agency (Paris) a arraché le tissu recouvrant les cimaises de son espace pour lui conférer un aspect brut, en symbiose avec une sélection prospective présentant aux côtés d’œuvres de Dove Allouche ou du peintre grec Apostolos Georgiou des travaux de ses jeunes artistes (Paul Heintz, Tirdad Hashemi…) à des prix inférieurs à 5 000 euros. Xippas (Paris) n’a pas tranché, et fait deux accrochages successifs, l’un axé sur l’abstraction (Peter Halley, Takis, Lisa Beck, John Phillip Abbott, Kevin Rouillard…), l’autre sur la figuration (avec des peintures de Mathieu Cherkit, des aquarelles d’Yvan Salomone…). Au final, la galerie a enregistré beaucoup de demandes de prix, pour des œuvres entre 11 500 et 20 000 euros, et pris des rendez-vous. La Galerie Jean Fournier (Paris), sélectionnée par le parcours « Histoires naturelles » signé Alfred Pacquement, avait pour sa part pris le parti de coller au thème végétal, avec succès, puisque presque tous ses [Pierre] Buraglio disponibles ont trouvé preneurs, ainsi qu’un grand tableau d’Armelle de Sainte Marie. Quant à la sculpture impressionnante d’Anita Molinero présentée devant le stand de Christophe Gaillard, elle a fait sensation, et suscité l’intérêt d’une institution muséale.

L’élévation de la qualité des œuvres dans cette édition s’est traduite par l’affichage de prix records, surtout du côté des modernes, tel ce petit mais magnétique Lavandou (1952) de Nicolas de Staël, proposé à 900 000 euros sur l’espace de la galerie Jeanne Bucher Jaeger, où les prix commençaient cependant autour de 5 000 euros pour des œuvres de Miguel Branco ou Michael Biberstein.

On a aussi vu un beau Picabia (Tête de Femme, 1942) sur le stand d’Hélène Bailly (Paris), ou, clin d’œil à l’histoire de l’art, cette Joconde est dans les escaliers de Robert Filliou placée en alcôve sur le stand de Loevenbruck (Paris). L’art conceptuel reste cependant anecdotique sur la foire, où la peinture s’impose comme le médium dominant. La photo était absente, à de rares exceptions près, comme les portraits de Valérie Belin chez Nathalie Obadia (Paris, Bruxelles), les grands paysages de Noémie Goudal chez Les Filles du Calvaire (Paris) ou ces tirages en édition de trois de Nyaba Léon Ouedraogo (5 000 €) sur le stand de Félix Frachon, qui a raflé la mise pour sa première participation. Le Bruxellois faisait partie des jeunes marchands mis en avant, au milieu des galeries de moyenne importance, souvent originaires de province, qui figurent à l’écart des travées centrales. Et assurent à la foire sa mixité. Pour combien de temps encore ?