PARIS
Pour réduire ses impacts environnementaux, Art Paris a mis en place, pour sa 24e édition, une démarche d’écoconception, en prenant appui sur une quarantaine d’actions concrètes.
Paris.« Analyse de cycle de vie », « démarche d’écoconception », « réduction des impacts environnementaux »… Un vocabulaire « ésotérique », étranger au monde de l’art, a fleuri en début d’année dans les communiqués de presse d’Art Paris. Comment expliquer ce discours dans un secteur, le marché de l’art, qui semblait parmi les plus récalcitrants au changement écologique ?
Tout a commencé lorsque Guillaume Piens, le commissaire général du Salon, a frappé à la porte de Fanny Legros, ancienne directrice de galerie et fondatrice, en 2020, de Karbone Prod, une agence de conseil, ressource et calcul d’impact qui s’est donné pour mission d’introduire l’écoresponsabilité dans le monde de l’art. Ils se sont aidés de l’expertise de Philippe Osset, le directeur de Solinnen, une société en pointe dans le domaine environnemental et celle d’Alice Audouin, présidente d’Art of Change 21, une association qui relie l’art contemporain aux grands enjeux environnementaux.
Il s’agit de mettre en place une démarche d’écoconception en prenant appui sur une analyse de cycle de vie. « L’analyse de cycle de vie va beaucoup plus loin qu’un simple bilan carbone. C’est l’outil le plus abouti. Son approche multicritère permet de prendre en compte un nombre d’impacts plus importants : la diminution de ressources, l’occupation de l’espace, la toxicité pour l’homme », analyse Fanny Legros. Travailler sur le cycle de vie de l’événement, c’est s’intéresser à ses impacts directs depuis sa conception, en passant par sa production, son installation, son exploitation, son démontage, jusqu’à sa fin de vie. L’agence Karbone Prod, qui a bénéficié d’une bourse de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), a établi un diagnostic et proposé des solutions. Chiffres de l’année 2021 à l’appui, la petite équipe a commencé par mettre en exergue les impacts les plus importants : ceux générés par les moquettes (2,9 tonnes) et par le coton gratté (2,3 tonnes) qui recouvre toutes les cimaises – tous deux très polluants – et qui représentent près du tiers des déchets générés par la foire (16 tonnes), et l’énergie utilisée par le Grand Palais éphémère.
« Ce n’est pas une transition énergétique mais écologique. Art Paris est locataire d’un lieu, le Grand Palais éphémère, qui a lui-même un contrat avec un fournisseur d’énergie », précise Alice Audouin qui souligne pourtant qu’elle n’a jamais observé, en vingt ans dans le milieu des foires, une transition écologique aussi poussée.
En témoigne la quarantaine d’actions concrètes qui vont être mises en œuvre. À l’issue de l’édition 2022, moquette et coton gratté, d’ordinaire jetés et brûlés, vont être recyclés à 100 %. « Le coton gratté sera stocké dans des “big bags” et acheminé dans une usine du nord de la France où le tissu sera transformé pour en faire des protections antifeu pour le bâtiment. La moquette partira, elle, dans une cimenterie où elle sera remixée et revalorisée », poursuit Fanny Legros.
Grâce à l’utilisation de LED pour l’éclairage des stands, la consommation électrique baissera de 65 %. S’agissant de la gestion du tri des déchets, quatre flux vont être mis place contre un seul lors des précédentes éditions et des poubelles de tri sélectif seront utilisées dans le Salon.
Pour Serge Chaumier, professeur responsable du master Expographie-Muséographie à l’université d’Artois et auteur de plusieurs livres dont Musées et développement durable (2011) : « les solutions auxquelles on a recours aujourd’hui sont celles que l’on prescrivait déjà il y a quinze ans. Il faut aller nettement plus loin et adopter des mesures drastiques. Il faut changer de système, sans quoi nous sommes dans l’illusion du changement. Les moquettes sont les pires matériaux au niveau écologique. Plutôt que de tenter de les recycler, il faudrait surtout arrêter d’en produire et d’en utiliser. »
Fanny Legros rétorque qu’il a bien été prévu de cesser d’utiliser la moquette lors des prochaines éditions, avant de pointer une batterie de solutions écologiques mises en œuvre dès avril : suppression des bouteilles en plastique remplacées par des gourdes en verre pour les exposants, restauration sans viande, suppression des catalogues et autres supports papier au profit de la numérisation des principaux outils de communication, réalisation des badges avec du PVC recyclé, création de bancs et de chaises écoconçus par un cabinet d’architecture d’intérieur et de design. Et enfin, recours à des prestataires comme la société Chabé qui accompagnera les VIP dans des véhicules électriques, et de Convelio, transporteur d’œuvres d’art, qui propose de minimiser l’impact des transports en groupant les collectes des œuvres des galeries parisiennes, tout en recourant à un emballage plus respectueux de l’environnement. Le changement sera-t-il significatif quant à la réduction d’impacts ? Réponse dans quelques semaines. Les chiffres ne seront disponibles qu’une fois l’édition terminée.
« Les bilans carbone et analyses de cycle de vie sont des mesures intéressantes, mais les généraliser, c’est prendre le risque d’engendrer beaucoup de bureaucratie. Il serait plus intéressant de mutualiser les expériences conduites par certains pour en généraliser les enseignements plutôt que de tous se lancer dans l’exercice », pointe, de son côté, Serge Chaumier.
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Le virage écologique d’Art Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°586 du 1 avril 2022, avec le titre suivant : Le virage écologique d’Art Paris